CHAPITRES 4 à 6

17 1 5
                                    



                                                                                CHAPITRE 4


Nicovic entra dans la boutique à la suite de son compagnon et referma la porte derrière eux. Ils restèrent quelques minutes immobiles, le temps que leurs yeux s'accoutument à l'obscurité, attentifs aux bruits de la bâtisse. Le sol et les murs étaient faits de pierres grises. Sur les côtés étaient disposés des portants sur lesquels reposaient des robes et des tuniques à fanfreluches. Des mannequins en bois étaient alignés des deux côtés de l'allée centrale qui menait au comptoir au fond de la pièce.

Jared sortit son épée courte de la gaine qu'il portait en bandoulière et s'avança silencieusement dans le magasin de vêtements. Nicovic se glissa à sa suite, sa dague à la main. La prudence lui commandait de laisser son ami prendre les devants. Malgré ses quinze ans tout justes atteints, Jared était un bretteur honorable qui compensait son manque de puissance par l'agilité d'un acrobate.

Ils avancèrent jusqu'au fond du magasin et passèrent derrière le comptoir où se trouvait la caisse. Les deux voleurs ne lui jetèrent même pas un regard, ce n'était pas leur objectif. Leur indic, la Fouine, avait fourni un plan détaillé de la boutique et de l'appartement du marchand Mogrin Ferrel et de son épouse, Alyth. Il leur avait aussi appris que la fortune de Mogrin ne lui venait pas uniquement de la vente de ses robes et costumes, fussent-ils destinés aux gens les plus fortunés de la capitale. Apparemment, le marchand trempait dans un important trafic de pierres précieuses. Ce qui avait fortement intéressé la Guilde des voleurs.

Jared ouvrit une porte et sans surprise, les voleurs se retrouvèrent face à un escalier de bois devant mener au logement de Mogrin. Il interrogea du regard son compagnon qui l'encouragea d'un signe de tête. Ils s'engagèrent dans les marches, enjambant précautionneusement la septième et onzième qui, selon leur informateur, craquaient bruyamment à peine frôlées. En haut de l'escalier se dressait une porte de bois contre laquelle Jared colla son oreille. Il leva le pouce vers Nicovic au son des ronflements du marchand qui émanaient de derrière la porte.

Celle-ci n'était pas verrouillée, et Nicovic regretta presque de ne pas pouvoir exercer ses talents. Chaque serrure qui lui barrait la route était un nouveau défi qu'il relevait avec enthousiasme. Il s'était souvent dit que son existence aurait été paradisiaque s'il avait été aussi doué avec la parole qu'avec ses crochets. Au lieu de cela, dès qu'il se trouvait devant une jolie femme, son cerveau semblait se liquéfier dans son crâne et s'échapper par ses oreilles.

Les deux hommes pénétrèrent dans l'appartement et constatèrent qu'il était agencé tel qu'il leur avait été décrit. Ils se trouvaient dans un grand salon et faisaient face à une grande table couverte de bibelots et encadrée de six chaises. Sur la droite, il y avait trois pièces fermées qu'ils savaient être une salle d'eau, une cuisine et un débarras. Sur leur gauche, derrière un rideau, un lit était installé tête contre le mur. Une fenêtre entrebâillée laissait passer la chaleur moite de l'été tandis que les dernières gouttes de pluie tombaient devant les vitres pour venir s'écraser quelques mètres plus bas dans la rue.

Nicovic franchit le rideau et se dirigea vers le lit à baldaquin dont les tentures masquaient les dormeurs à la vue des voleurs. Lentement, il le contourna et tira le rideau de soie. Le couple endormi était aussi disparate que possible. Mogrin, petit homme sec et ridé, devait avoir autour de la soixantaine, son nez long et surmonté d'une pustule brunâtre remuait au rythme de ses ronflements profonds et nasillards. Sa femme, tournée vers Nicovic, paraissait au bas mot trois fois plus jeune que son mari, sa poitrine se relevait et s'abaissait doucement au rythme de sa respiration tranquille. Nicovic avala sa salive, se pencha sur elle et fit glisser ses longs cheveux blonds derrière son visage. Comme prévu, une chaîne était attachée à son cou, au bout de celle-ci il y avait la petite clé du coffre mural caché derrière un tableau. Jared avait déjà décroché la toile et regardait maintenant opérer son ami.

RUNES - Livre 1 : La couleur de la trahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant