Un, quatre, vingt-huit, six cent soixante-douze. Ces chiffres représentent le nombre de mois, de semaines, de jours et d'heures que je suis enfermée dans cette pièce sinistre.
Sans aucune envie de vivre encore un hiver pour voir les flocons descendre du ciel comme une pluie de paillette.
Pour faire face à ces nombres monstrueux, je me suis décidée aujourd'hui.Plus de lamentations, plus de désespoir, plus de saut d'humeur, plus de violence, plus de l'ancienne Natacha et surtout plus de cette minable voix.
Je suis à saturation. En saturation de faire ces cauchemars, de vivre avec cette voix dans ma tête.
Je suis tout simplement à bout de forces pour passer encore un jour de plus ma vie remplis de désastre, de pleurs, et de personne en blouse blanche.
Je n'en peux plus de cette chambre isolée, de son lit en métal, de sa porte en fer, de sa fenêtre close.
Je n'en peux plus de ce vieux réfectoire, de ce vieux salon, de ce vieux corridor.
Je n'en peux plus de ces routines médicales, de ces injections, de tout ces tests médicaux.
Je suis écœurée des visites
hebdomadaires. Rectification, je n'ai pas de visite étant donné que je suis enfermée dans cette chambre comme étant en haut du donjon, sans personne à qui parler et sans parents à câliner.Je n'ai plus de vie, plus de liberté, plus de famille, plus d'amis, juste des infirmiers à qui je ne peux même pas me confier.
Je suis comme une âme perdue dans une enveloppe charnelle qui m'est maintenant inconnue tant les cicatrices rougeâtres et les bleus s'y entrechoquent.
Je ne me reconnais plus. Je cherche un signe d'espoirs dans les nuages qui s'entremêlent ou peut- être que j'y cherche un signe de désespoir qui m'autoriserait à penser que je ne contrôle plus rien et que rien n'est plus judicieux que de lâcher mes quelques derniers espoirs d'un avenir meilleur sur cette lame rêche provenant d'un petit bout de lit arraché qui me fait de l'œil depuis le coin du lavabo.Écrire sur cette vielle feuille mes dernières lamentations avant de rejoindre les flocons descendant du ciel serais l'occasion propice pour faire mes tout derniers adieux. Éventuellement, je sais que personne ne prendras la peine de perdre son temps pour lire ces mots aussi fragiles qu'une feuille- morte, n'évoquant aucune pitié comme lorsqu'on tue une mouche.
De toute façon, lire une lettre d'une personne allongée sur le parquet sans cœur battant, avec des mots provenant d'une encre noire encore toute fraîche n'as jamais provoqué grand bonheur chez un individu.En tout terme, la mort n'a jamais procuré grande satisfaction pour l'humain. Pourtant, la mort est une belle chose. Pouvoir se débarrasser de nos tracas quotidiens est une satisfaction. Alors pourquoi la mort fait elle peur ? Peut-être que le mot est mal choisi, essayons "libération". Aujourd'hui, je veux être libérée, je veux faire ma libération pour enfin échapper à mes tracas. Je pense que tout de suite, on a moins peur avec ce mot si merveilleux. Passons de la mort à la libération.
Je vous laisse comme preuve de mon existence cette lettre écrite de mes mains souffrantes de crampe, pourtant prêtes à m'entailler mes veines remplies de sang.
« J'aurai aimé vous dire à quel point vous auriez pu m'aimer avant que la maladie donne une saveur amère et mélancolique à ces mots. J'aurai aimé vous le dire avant que la mort ne m'emmène et qu'il ne reste personne pour remuer ces paroles toutes hautes.
Même si au fond, on sait tous qu'on vit dans un monde où il n'y a pas grand chose de sain, où aucun lendemain n'est certain. Il ne faut pas se voiler la face. Je ne sais pas où vous les trouvez tous vos saints. En fait, on cherche tous à s'évader de ce monde qui craint, mais alors qu'est-ce qu'on fout tous encore là ? Comme prisonniers de notre propre destinée, je ne comprends pas ce qui nous retient. Ici comme là-bas, notre avenir est incertain, et vous le savez très bien.
Prenez la peine de chercher et de regarder la beauté de ce monde dans lequel vous vivez, dans lequel vous vivrez vos derniers instants comme vous avez vécus vos premiers. Ce même monde qui au final est comme nous tous, nous a condamnés à être réduit en poussière. Alors, à l'heure où vous lisez ces mots peut importe qui vous êtes, moi, je suis Natacha Coben et je suis ailleurs dans un autre monde, sûrement meilleur en tout cas mieux que celui d'où je viens de partir. Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.»Ma tête tourne, mon ventre brûle, tous mes membres me picotent. J'ai peur, je me sens incomprise, accusée, méprisée par ces personnes dont j'ai toujours cru être aimé.
J'ai peur de n'être personne aux yeux de quiconque.Ma peau s'ouvre, mes veines n'ont jamais étaient aussi vives. Je rassemble mon courage qui s'efforce de rester avec moi.
La lame insérée dans mon corps, je ressens une douleur intense. Mon sang recouvre à présent le sol blanc comme la neige.
Le sang qui m'a permis de rester en vis, viens à présent de m'aider à la perdre.
Il y a comme une douloureuse qui commence à m'écraser la cage thoracique.
Je commence à voir trouble, une marre rouge se dessine comme par magie.
Mes yeux se ferment alors je me sens faible, froide, fatiguée.
Et d'un coup toute la pression redescend, je suis morte, non, je ne suis pas morte mais libérée.Une lumière blanche m'appelle au loin, je sens mes membres bouger pour aller la rejoindre.
J'y suis, devant cette lumière éblouissante.
Ma main tendue vers l'origine de celle-ci.Je suis alors emportée dans un tourbillon, ma vie refait surface comme un film, je vois défiler tant d'images à la fois. Je me revois enfant, je suis devant mon nounours dehors près du pommier, une allumette à la main, et les flammes attaquants mon premier nounours.
Et puis tout d'un coup plus rien, plus d'images, plus de tourbillons, plus de lumière blanche.
Rien. Sauf mon sang s'échappant toujours de mes veines.
Rien. Un souffle masculin s'écrasant sur mon visage.
Rien, sauf une phrase me faisant vibrer intérieurement.
«Ne me laisse pas.»
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American Psycho
Gizem / GerilimJe m'appelle Natacha et les règles du jeu sont simples. Il faut rester éloigner des gens, de ses amis, de sa famille, et si on n'en a pas, on ne s'en trouve pas. Personne ne doit vous parler et vous ne devez parler à personne. Restez seuls, mange...