Chapitre 10

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« Allez, on y va! »
Aerin enroulait son écharpe autour de son cou.  C'était une vieille écharpe tricotée par sa grand-mère, de son vivant.  Les couleurs n'étaient pas assorties et les mailles s'étaient effilochées au fil des années.  Elle aurait pu mettre son écharpe verte, celle de Serpentard, mais elle n'avait aucune envie d'arborer les couleurs de sa Maison, en ce moment.
« Dépêche-toi !
— Sors déjà, je te suis. »
Avec une lenteur calculée, elle enfonça son crâne dans son bonnet, de sorte qu'il ne restait plus que son visage qui émergeait de ses vêtements.  Elle portait des gants, de grosses chaussettes et une veste très épaisse.
Sans se presser, elle attrapa son cahier et quitta la Salle Commune.  Il n'y avait pas beaucoup d'élèves à croiser dans les couloirs, tout le monde étant déjà parti.  Sur le chemin qui menait vers Pré-Au-Lard, Aerin observa sa sœur s'amuser avec les flocons de neige.
Rosie adorait la neige.  Elle la regardait tourbillonner dans le ciel avant de passer à travers de ses bras qu'elle maintenait au dessus de sa tête.  Ses pieds ne laissaient aucune trace de pas dans le chemin boueux et maculé d'empreintes, ils s'enfonçaient à peine dans la neige poudreuse.  Un grand sourire fendait son visage, mais aucun son s'échappait de sa gorge.  Elle ne chantait pas, ni ne riait, comme elle le faisait de son vivant.  Elle se contentait de fermer les yeux, puis de rouvrir...  Aerin se demanda si elle pouvait sentir la neige la traverser, comme les fantômes.  Elle n'osait pas le lui demander.  Elle n'osait pas gâcher le moment que sa sœur était en train de vivre.  Elle n'osait pas non plus courir le risque que celle-ci se remettre à parler.  Aerin elle-même ferma les yeux.
Au bout du chemin, à la sortie du village, un groupe de garçons se dirigeait vers le château.  Des confiseries et des objets de chez Zonko leur débordaient des bras.  Ils avançaient bruyamment, comme en troupeau.  Un jeune homme à l'allure altière, tout habillé de noir, tenta de les dépasser.  Il dut se frayer un chemin en usant de ses coudes pour passer et n'accorda pas la moindre attention à leurs mines vexées.  Merlin, qui s'était fait bousculé, décida d'oublier cet incident et se remit à rire avec ses amis.
Ils marchaient.  Ils riaient.  Soudain, l'un d'eux s'exclama:
« Hé, elle a quoi celle-là ?  Elle s'est faite pétrifier ? »
Tout le groupe s'esclaffa.  Sauf Merlin.  Merlin qui, malgré la quantité impressionnante de laine dans laquelle elle s'était enveloppée, avait reconnu Aerin immobile dans la neige, les mains enfoncées dans les poches de son manteau et les yeux fermés.  Bien sûr, il ignorait que Rosie se tenait à peine à quelques centimètres de lui, et qu'elle ne put faire autrement que de remarquer la lueur dont s'illumina son regard lorsqu'il l'aperçu.  Elle fronça les sourcils.
« C'est pas drôle, répliqua Merlin.
— Oh, au rigole... »
Il jeta un coup d'œil en direction d'Aerin.  S'il n'avait pas vu sa poitrine se soulever et s'affaisser, il se serait effectivement inquiété.  Mais les traits de son visages étaient détendus et il émanait d'elle une sensation de sérénités, comme si elle s'était endormie debout.  Jamais, quand il lui arrivait de tomber "malencontreusement" sur elle dans les couloirs, il ne la voyait aussi calme.  Il en était presque arrivé à croire que ses sourcils étaient naturellement froncés.
L'idée de l'aborder lui traversa l'esprit mais, manque d'aplomb, fut rapidement abandonnée.  Au bout d'une fraction de secondes, il détourna les yeux, rougit et passa son chemin. 

Aerin entendit un bruit.  Un sanglot étouffé, provenant de quelques mètres derrière elle.  Elle se retourna et scruta le paysage.  Il n'y avait que le muret qui longeait la route, et au loin une maisonnettes dont les murs en pierres entassées les unes sur les autres tenaient debout comme par... magie.  La neige continuait de tomber silencieusement autour d'elle, son nez et ses joues étaient rougis par le vent froid qui frappait son visage.  Elle enjamba le muret, et se mit à la recherche de l'émetteur de ce bruit.  Elle était certaine d'avoir entendu quelqu'un pleurer.  
« Où tu vas ? lui lança Rosie.
- Nul part.  Je reviens. »    
Rosie fronça les sourcils mais se contenta de cette réponse.  Elle continua de regarder disparaître les traces de pas dans la neige pendant que sa sœur entreprenait sa mission de repérage.  Aerin explora les lieux du regard de longs instants avant d'entendre un nouvel étranglement.  Elle marcha en direction du bruit, près du cabanon, et y trouva une silhouette recroquevillée, les jambes ramenées contre le buste et le visage enfoui entre les bras, secouée de faibles tremblement. 
  « Est-ce que ça va ? »  
Drago Malefoy releva la tête.  La surprise cédant bientôt la place à la honte et à l'embarras, il sauta sur ses jambes et tourna le dos à Aerin le temps de sécher ses larmes. 

  « Qu'est-ce que tu veux ? »  
Aerin ne répondit rien, et même pris un air contrarié.  Lorsque les yeux froids de Malefoy se posèrent sur elle, elle soutint son regard avec aplomb.  Décontenancé, il parvint à forcer son visage à revêtir une expression calme et indifférence, bien qu'il n'y arrivât pas aussi bien qu'à l'habitude.  En comprenant qu'elle n'avait pas l'intention de lui répondre, il entreprit de s'éloigner et de reprendre le chemin de Poudlard - ce qui, avec la neige, n'était pas sans effort.  Alors qu'il était à quelques mètres d'Aerin, celle-ci sans savoir pourquoi, demanda : 
  « Tu n'aurais pas besoin d'aide ? »  
Elle ignorait d'où elle tirait cette conclusion, mais il lui avait sembler que c'était la seule chose qu'elle avait à dire, et qu'elle devait la dire.  Le garçon, froissé, lui répondit sans se retourner de se mêler de ses affaires et disparut sur le chemin. 

Dark Secrets {Drago Malefoy}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant