Chapitre 5

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  Drago jeta un coup d'œil derrière lui afin de s'assurer que personne ne le suivait.  Ç'aurait été plutôt improbable, étant donné l'heure, mais c'était une habitude que sa mère lui avait dit de prendre.  Après tout, on ne sait jamais.  Il traversa donc tout le château, aux aguets, l'oreille tendue et le regard par dessus l'épaule, jusqu'à la Salle Commune.  Le trajet depuis le septième étage lui prenait une dizaine de minutes qu'il mettait généralement à profit pour réfléchir à sa situation.  Et s'il échouait ?  Et s'il réussissait ?  Il ne saurait dire laquelle de ces deux éventualité l'effrayait le plus.  Car oui, ce n'était ni de l'angoisse, ni de l'anxiété qui résultait en lui de toute cette histoire, mais bien de la peur.  De toute sa vie, il n'avait jamais eut aussi peur qu'en ce moment.  Qu'à chaque seconde, qu'à chaque instant de son existence depuis qu'il s'était vu attribuée sa terrible mission. 
Blême, il se posta devant le mur humide de le Salle Commune, énonça le mit de passe et vérifia si celle-ci était vide - bien qu'il n'y voyait pas grand chose - et partit se coucher, comme l'exigeait son petit rituel.  Quand il entra dans le salon désert, il savait très bien qu'il ne distinguerait rien d'autre à l'intérieur de celui-ci que des meubles silencieux et immobiles, que des tableaux endormis, et que les faibles rayons de lune qui transperçaient le plafond de verre.  Il savait très bien qu'une fois dans son lit, il passerait des heures à se retourner et à broyer du noir sans que le sommeil ne vienne à lui.  Il savait très bien que le lendemain matin, quand il se lèverait, ses heures de travail dans la Salle Sur Demande se rappelleront à lui dès le moment où il croiserait son reflet dans le miroir et apercevrait les cernes toujours plus violacées qui soulignaient ses yeux.
  Alors, les mains tremblantes, il s'appuya à l'encadrement de la porte et reprit son souffle. 
Tu peux le faire, se disait-il, tu peux y arriver. 

***

Deux longs mois s'étaient écoulés depuis la rentrée scolaire.  Une sorte de routine lassante et monotone s'était installée au sein de l'école.  Comme à son habitude, Aerin prenait son petit déjeuner très tôt, le matin, avec pour seule compagnie un roman d'une épaisseur ahurissante.  Plongée dans sa lecture, elle enfournait une cuillère de céréales sans détourner les yeux de son livre quand Rosamund, assise fasse à elle, bailla bruyamment.
« Étant donné que personne d'autre ne peut t'entendre, j'imagine que cette plainte m'était destinée ?
— Puisque tu en parles, je trouve que nous déjeunons beaucoup trop tôt.
— Tu es morte.  Tu ne manges pas, tu ne dors pas, en quoi cela représente-t-il un problème pour toi ?
— C'est une question de principe.
— Tu n'as qu'à ne pas me rejoindre.  Va t'en donc traîner je ne sais où dans le château, dans le pays, dans le monde, mais ne me dérange pas pendant mon petit-déjeuner. »
Des élèves qui passaient par là la regardèrent avec de gros yeux, avant de s'en aller en ricanant.
« Ils te prennent pour une folle.
— On ne peut pas les blâmer.
— Ils pensent que tu parles toute seule.
— La faute à qui ? »
  Rosamund soupira longuement.  Elle se pencha en arrière et laissa s'échapper de sa gorge un râle comme elle seule savait en produire.
« Ah, le lundi matin.  En plus d'être un jour de merde, il te met de mauvaise humeur.  Enfin, encore plus que d'habitude.
— C'est surtout ça qui en fait un jour de merde. »
Les deux soeur se turent.  Aerin continua de déjeuner.  La salle commençait à se remplir.  De temps à autre, le regard de Rosie s'accrochait à l'un ou l'autre élève qu'elle qualifiait immédiatement de mignon, ou autre terme un petit peu plus familier.  Sa petite sœur roulait des yeux et replaçait toute son attention dans sa lecture.
« Si l'on m'avait dit il y a deux ans que je serais forcée de revenir à Poudlard.
— Si l'on m'avait dit il y a deux ans que je devrais supporter tes sautes d'humeur toute la journée.
— Au moins c'est un défaut qu'on ne peut te reprocher.  Tu es toujours maussade, quelque soit l'occasion. »
Ne trouvant rien à répondre à cela, elle fit comme si elle n'avait pas entendu.  Soudain, un cri de chouette retentit dans la Grande Salle.
« Ah, le courrier arrive tôt aujourd'hui, déclara Rosie en levant la tête. »
Au lieu d'une flotte d'oiseau qui aurait envahi la salle s'il avait été plus tard, on vit planer au dessus des table une seule chouette qui cherchait du regard son propriétaire.
« Regarde, c'est Hildegarde ! s'exclama la soeur aînée. »
Elle avait finalement réussi à cerner l'attention de sa cadette qui leva les yeux de son ouvrage pour les poser sur l'oiseau familial.  La vieille chouette battait vaillamment de l'aile, essoufflée, fixant sa maîtresse avec l'œil d'un coureur qui voyait apparaître la ligne d'arrivée.  Quand elle l'eut finalement rejoint, elle secoua ses plumes tachetées et s'étala de tout son long sur les genoux de celle-ci qui s'occupa de la libérer de son fardeau.  Une enveloppe orange ficelée à la patte de l'animal - qui leur avait déjà fait la blague de perdre leur courrier en plein trajet - sur laquelle était couchés à l'encre violettes les mots :

Aerin Jones
Maison Serpentard
Poudlard

« De qui est-ce ? demanda Rosie.
— Papa.  De qui veux-tu que ce soit d'autre ?
— Je ne sais pas.  Un admirateur secret.  Ce serait palpitant...
— Qui se servirait d'Hildegarde pour faire passer ses messages ? rétorqua Aerin. »
Et puis, ajouta-t-elle mentalement, ce n'est pas comme si quelqu'un était assez idiot pour tomber amoureux de moi.
Ce fut au tour d'Aerin de soupirer.  Elle attrapa un couteau à pain dont elle se servit comme d'un coupe papier pour déchirer l'enveloppe et en sorti une lettre de cette même couleur orange, recouverte de cette même encre violette.
Ma chère Aerin, disait-elle, je t'écris comme à mon habitude pour te donner des nouvelles de ta mère.  Celle-ci se porte aussi bien que l'on pourrait l'espérer, considérant son état, ce n'est donc pas le principal motif de ma lettre.  Il s'agit de ton autorisation de sortie pour Pré-Au-Lard.  Je l'ai signée, cependant je souhaiterai que tu minimises tes sorties cette année.  Les temps sont rude, comme tu le sais, et j'aurais trop peur qu'il ne t'arrives quelque chose.  Papa.
« Alors ? s'enquierit Rosie.
— C'est bien papa, qui prétend encore qu'il s'intéresse à moi, on connaît la chanson...
— Il doit vraiment te prendre pour une idiote.
— Force m'est de constater que je peux compter sur toi pour me réconforter.  Mais quand bien même, il est l'heure d'aller en cours.
— Tu as quoi ce matin ?
— Potion, comme tous les lundis en première heure.
— Je n'aime pas le professeur Slughorn.
— Qui est-ce que tu aimes ?  Telle est la question, lâcha Aerin en hissant son sac à bandoulière sur son épaule.
— Mais toi, enfin.  Ma petite sœur adorée... »

Dark Secrets {Drago Malefoy}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant