"CAROTTE"

Chapitre 5- La tête sous l'eau

Kate ne mangeait plus, passait ses journées à pleurer, se mutilait comme une folle... La vie n'avait plus de sens pour elle. Entre elle et sa mère qui avait les nerfs à fleur de peau, ce n'était pas franchement la joie. Cette dernière était tellement étrange en ce moment... On dirait qu'elle avait peur de Kate. Elle qui d'habitude ne cessait de l'embrasser et de la câliner, elle ne se tenait plus à moins d'un mètre d'elle. Et puis, elle ne prenait plus soin d'elle. Elle qui était si coquette auparavant, elle partait au travail en jogging et les cheveux décoiffés ! Kate s'inquiétait pour elle, mais avec ce qu'elle vivait depuis des mois, elle n'arrivait plus à penser.

Elle souleva sa manche gauche. Ses bras étaient rayés de rouge de partout. Se mutiler, ça soulageait un petit moment, mais après, elle retombait dans sa dépression. C'était comme la drogue. Kate prenait toujours soin de ne jamais mettre de t-shirts courts pour que sa mère ne remarque pas ses blessures. C'était facile, en ce moment, puisque nous étions début décembre.

Décembre. Noël. Le nouvel an. Kate avait complètement oublié tout cela. À vrai dire, elle s'en fichait. Elle avait tellement de problèmes, alors penser à des célébrations... Elle ne voulait pas de cadeau particulier, sauf un : retourner en Irlande. Mais ce serait bientôt les vacances, Kate serait libérée de ses bourreaux pour un temps. Deux semaines. C'était trop cours, mais mieux que rien.

***

Kate traînait dans les couloirs du lycée, tôt le matin. Elle espérait que ses harceleurs ne soient pas encore arrivés. Elle avait deux feuilles à imprimer au CDI. Normalement, il était ouvert. 

Peu après, elle y entra. Elle salua la documentaliste, puis s'installa à un poste d'ordinateur. Ses feuilles imprimées, elle allait sortir lorsqu'elle se cogna contre un titan de terminale. 

- Tu peux pas faire attention, bouffonne ? gronda-t-il.

Lorsque Kate releva la tête, un ami du garçon s'exclama :

- Eh, mais c'est la carotte ! La carotte de la photo !

Kate sentit soudainement ses joues rougir.

- Quel photo ? demanda l'autre, encore énervé.

- Elle est sur Instagram, dans les WC, on voit même sa fesse gauche, repris son ami.

- Ah bon, montre ! fit le terminale, soudainement intéressé.

Il allait sortir son portable lorsque Kate le prit et, dans un élan incontrôlable, le jeta par terre.

- Eh, mais qu'est-que tu fais, imbécile ?! fit son propriétaire, fou de rage.

Kate s'en voulut un peu, sur le coup. Elle n'avait pas réfléchi, elle avait agi comme ça, à la peur qu'il découvre la photo. C'était un IPhone tout récent. Mais elle ne l'avait mis en panne. Il était juste un peu fêlé. Mais apparemment, ça le dérangeait fortement. Il la prit par les cheveux. Son camarade ricana. 

- Tu vas voir ce qu'il en coûte de s'attaquer à mon portable, carotte essuyeuse de fesses !

Et ce qui suivit fut des plus terribles.

Il la traîna par terre, tenant ses cheveux, dans toute la cour, suivit de son ami qui gloussait comme une poule. Elle eut horriblement mal. Son dos crissa contre le béton. Elle eut l'impression que toute sa peau allait s'arracher. 

Arrivé aux toilettes des garçons, il la releva, et, aidé de son ami, plongea sa tête dans la cuvette rempli d'eau. Elle cria, se débattit furieusement, mais rien n'y fit. À eux deux, ils étaient plus forts qu'elle. À genoux, la tête enfoncée dans la cuvette des toilettes, les cheveux trempés, elle était humilié. Jamais elle n'avait ressenti pire humiliation jusqu'à présent. Elle entendait leurs rires, leurs moqueries, ce qui l'enrageait encore plus. Se débattre ne servait à rien, elle était obligée de subir. Elle pleura. Son orgueil était fortement touché, ce coup-ci.

Au bruit d'un surveillant approchant des toilettes, les deux garçons sursautèrent, relâchèrent Kate, et s'enfuirent dans la cour. Kate se releva, soulagée, mais terriblement furieuse et avide de vengeance." J'aurai dû le jeter beaucoup plus fort, son putain de portable, pensa-t-elle, essuyant ses larmes. Je le déteste. Je LES déteste. N'existe-il aucune personne humaine dans ce lycée ?"