"CAROTTE"

Chapitre 10- Jour-J

Kate ne parla pas durant tout le trajet en voiture. Elle était furieuse. Parce qu'elle allait rencontrer son beau-père, James Horton. Avant de descendre, elle se promit d'avoir un comportement détestable avec lui durant toute la soirée. Il ne fallait surtout pas qu'il croie qu'il serait le bienvenu dans la famille. 

Lorsque Kate vit sa maison, elle fut frappée d'admiration malgré elle. Elle était magnifique, on aurait dit une mini Maison Blanche ! Le jardin était très joliment décoré et il devait faire au moins 300 mètres carrés. Ça changeait de son appartement à elle.

Soudain, elle secoua la tête comme pour se réveiller. 

" Je ne vais pas m'émerveiller devant sa maison, quand même ! pensa Kate. Je suis censée détester tout ce qui appartient à lui ".

Lorsque sa mère sonna, le coeur de Kate tambourina à tout rompre. Comme elle était stressée ! Elle allait voir pour la première fois son beau-père, un inconnu richissime qui avait mis sa mère enceinte !

Il ouvrit.

Il était grand, brun, portait une barbe assez fournie mais bien taillée. Il avait revêtu un costume bleu marine, une chemise bleu à carreaux et une cravate verte à pois blancs. 

-Bonsoir, leur dit-il en souriant. Il fit pudiquement la bise à sa mère puis tendit sa main droite à Kate. Sûrement pour lui serrer la main. 

Mais Kate ne la prit pas et s'écarta, ce qui le laissa surpris. 

Sa mère la fusilla du regard. Une bonne minute passa, mais Kate n'en fit rien.

- Kate ! Ne fais pas ta malpolie avec James ! gronda sa mère. 

- Laisse, Lawrence (le prénom de sa mère), elle est sans doute fatiguée. Entrons, ne perdons pas de temps, tenta de la défendre James Horton.

Sa mère grommela quelque chose dans sa barbe puis entra, suivit de Kate, puis de James qui referma la porte. Le sol du couloir était de marbre et les poignées de porte plaquées à du véritable or. Kate tentait de ne pas admirer toutes ses choses. Mais c'était dur, pour elle qui n'avait jamais eu beaucoup d'argent...

Elle s'assit sur le canapé de cuir blanc sans un mot, et sa mère s'assit sur un beau fauteuil, toujours fâchée. James s'assit sur un pouf en vrai peau de lapin. 

-Servez-vous, dit-il d'un ton joyeux. Peut-être même un peu trop.

Kate ne toucha pas un seul de ces apéritifs posés sur la table, et ne prit pas de boisson. Sa mère se fit servir un peu de rhum et James grignota quelques chips.

James et sa mère parlaient de tout et de rien, toujours en se fixant d'un regard profondément amoureux, et en ajoutant des petits mots doux, ce qui agaçait Kate au plus haut point. Un petit chat gris tigré se glissa entre les jambes de Kate. Sans y faire attention, Kate la caressa doucement. Elle stoppa brusquement lorsque James s'adressa à elle d'un ton qu'il voulait amical.

- Et, toi, ça se passe bien à l'école ?

Cette question ! Si, à l'école, ça se passait bien ? L'atmosphère serait bien plus agréable pour Kate dans un champ miné qu'au lycée ! Et puis, pourquoi lui adressait-il la parole ? 

-Je me plains bien mieux là-bas qu'en votre compagnie, répondit Kate en le fixant droit dans les yeux.

Il hoqueta. Sa mère sursauta.

-Kate ! cria-t-elle.

- Elle n'est pas habituée à moi, la défendit James. C'est la première fois qu'elle me voie. Un peu de temps, et elle se sentira mieux.

La mère de Kate foudroya cette dernière du regard.

" Tu peux toujours me défendre, pensa Kate, jamais je ne t'apprécierai, ne serait-ce qu'un peu !"

Ils passèrent à table quelques minutes plus tard. L'entrée était une bouchée à la reine. Elle qui adorait ça, elle n'en mangea pas une miette, ce qui fut enrager sa mère.

- Manges, persifla-t-elle, James s'est donné du mal pour nous faire plaisir !

Mais elle n'en fit rien.

Suivit de l'agneau avec des légumes.

C'était sa viande préférée, mais elle n'en avala pas une bouchée.

Sa mère serrait les poings sous la table, avec l'air de se retenir de la frapper tellement elle était furieuse.

Le dessert fut une magnifique charlotte aux fraises. Lorsque James la posa sur la table, elle la regarda avec envie, se retenant difficilement d'une toucher une miette. 

"Elle a l'air si bonne ! pensa-t-elle avec envie."

Mais elle ne la mangea pas. Lorsque James partit débarrasser, sa mère lui asséna une gifle magistrale. Aussitôt, Kate porta sa main à sa joue. C'était la première fois que sa mère la giflait !

-Malpolie ! cria-t-elle. James se donne du mal pour nous et tu ne manges rien de son repas ! Tu n'es pas comme cela d'habitude ! Tu lui parles comme à du poisson pourri alors qu'il est si aimable avec toi ! C'est quoi ton problème ? C'est quoi ?

Kate la foudroya du regard.

-Je n'aime pas James Horton, c'est aussi simple que cela. Parce qu'il va avoir un enfant avec toi alors que vous ne vous connaissiez que depuis deux mois et que vous n'êtes même pas marié. Parce qu'il va remplacer papa. En tout cas, pour toi. Parce que personne ne remplacera papa pour moi. Personne. 

-Qui a dit qu'il remplaçait ton père ? rétorqua sa mère, outrée. Je ne l'oublierai jamais, comme toi. C'était le premier homme que j'ai aimé. Mais maintenant, il faut faire place au présent. J'ai le droit d'être aimée et James a le droit de m'aimer. Que tu ne l'aimes pas ne changera pas, Kate. Il va falloir t'y habituer.

C'était justement ce qu'elle redoutait le plus.