Chapitre 9 : Tentative avortée

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          J'essayais de me faire le plus discrète possible, agenouillée dos à un arbre. J'avais remonté la capuche de mon sweet sur mes cheveux humides et un foulard sur le bas de mon visage. Je respirais lentement derrière le bout de tissu. Mon fusil reposait au sol alors que mes muscles devenaient douloureux après une si longue attente. Derrière moi, la maison d'Evan se découpait à peine dans l'obscurité. Il n'y avait plus aucune lumière pour filtrer entre ses volets, ni aucune fumée s'échappant de la cheminée par ce soir humide. J'étouffais un bâillement sans céder à l'envie d'étendre mes jambes endolories. Autour de moi, il n'y avait que le son de la pluie s'écoulant sans fin. Ses fines gouttelettes bruissaient en chutant sur les feuilles mortes. Avant, je me serais laissée bercer par cette mélodie. Avant, je l'aurais laissée m'entrainer dans les bras de Morphée. Mais plus aujourd'hui. Je clignais des yeux, brièvement aveuglée par les gouttes qui s'étaient accumulées sur mes cils, lorsqu'une porte s'ouvrit dans un léger souffle.

Je me contractais aussitôt et me retins de tout mouvement pour jeter un coup d'œil dans mon dos. La porte se referma dans le même râle silencieux. Je serrais les poings et ralentis ma respiration. Je restais aussi statique qu'une statut alors que derrière moi, des bottes foulaient avec précaution le sol humide et couvert de feuilles. S'ils étaient discrets, les pas n'en résonnaient pas moins avec fracas à mes oreilles. Je demeurais immobile encore un long moment après qu'il ait traversé la clairière et gagné les sous-bois. J'attendis encore qu'il s'éloigne, avant de refermer les doigts sur le canon mouillé de mon arme.

Je me redressais le plus lentement possible. Chacun de mes gestes étaient réfléchis pour étouffer le moindre bruit. Je ne voulais pas l'alerter. Je ne voulais surtout pas qu'il rentre maintenant. Après dix interminables minutes, je foulais l'herbe de mes talons. Je m'extirpais avec précaution de la forêt et m'approcher avec la même vigilance de la maison heurtée par la pluie. Les marches du perron craquèrent sous mes bottes, me forçant à m'immobiliser une nouvelle fois pour tendre l'oreille. J'avais l'impression que leur mécontentement était audible à des kilomètres à la ronde. Pourtant, je ne perçus aucun bruit de pas précipités leur répondre. Je grimpais plus vite les quelques marches me séparant de la porte d'entrée en tentant d'étouffer les râles du bois dévoré par les insectes. Je m'adossais contre l'encadrement de la porte le temps de reprendre mon souffle. De l'autre côté du mur de brique, je ne percevais presque aucun son. Le bruissement de la pluie était si intense qu'il recouvrait tout. J'expirais et jetais un regard aux fenêtres calfeutrées. J'inspirais et tendis la main vers la poignée. J'allais devoir y aller à l'aveugle.

Le rond de métal me parut faire un bruit effroyable alors que je le tournais et que le mécanisme grinçait. Sans plus réfléchir, je m'engouffrais dans la maison. Si Evan ne revenait pas avec tout ce boucan, c'était un miracle! Je m'appuyais contre la porte pour la refermer et m'agenouillais rapidement. J'évaluais la pièce d'un regard. Un feu crépitait dans la cheminée. On ne distinguait ni sa lumière, ni sa chaleur depuis l'extérieur. La flamme d'une bougie dansait également sur l'étagère près du canapé. Un morceau de couverture dépassait légèrement de l'un des accoudoirs. De même que des mèches blondes.

D'un geste vif et précis, j'ôtais la sécurité. Je me levais avec précaution et entrepris de contourner ma cible malgré mes jambes endolories. Mes bras tenaient le canon à la bonne hauteur pour viser et mon doigt s'était glissé près de la détente quand les flammes se retrouvèrent dans mon dos. Devant moi, emmitouflée dans une couverture épaisse, Cassie semblait dormir à poing fermé. Mes muscles se contractèrent un peu plus à sa vue. J'inspirais et expirais calmement. Nous y étions. C'était le moment d'agir.

Le moment de la tuer. 

J'avais beau me le répéter mentalement, m'y encourager. Cela faisait trente bonnes secondes que j'étais immobile devant l'humaine. Mes paupières ne cessaient de s'abaisser et j'avais soudainement chaud. Mes muscles contractés menaçaient de céder à tout instant et de me laisser sans force. Je serrais la mâchoire et approchais un peu plus mon doigts de la détente. Il fallait que je tire. Il le fallait si je voulais protéger Evan. Si je voulais nous protéger. Elle était une menace. Un cafard qu'il fallait écraser, comme elle le disait si bien.

Pourtant, les secondes s'engrenaient et j'étais toujours là. Nous étions toujours là toutes les deux, bien vivantes. Je fermais les yeux et inspirais. S'il fallait tirer à l'aveugle, je le ferais. Je devais le faire. Je n'avais pas le choix. Je ne l'avais plus depuis longtemps. Pourtant, je les rouvris sans avoir presser la détente. Et à ma grande surprise, Cassie aussi avait ouvert les yeux et me fixait attentivement.

Durant de longues secondes, aucune de nous deux ne bougea. Elle ne fit pas le moindre geste pour se redresser. Et je ne parvins pas à combler le peu d'espace qui me séparait de sa mort. De la sueur glissa dans mon dos alors que j'avais le cœur au bord des lèvres. Je ne comprenais pas ce qui me mettait si mal à l'aise. J'avais déjà tué des humains. Je n'avais jamais autant hésité. Pas depuis le premier. Je ne comprenais pas ce qui me retenait. Je ne voulais pas penser que cela avait  à voir avec l'attachement d'Evan pour cette fille. Il fallait que je reste objective.

Néanmoins, mes doigts tremblaient. Cassie dut s'en apercevoir puisque ses orbes claires me scrutèrent avec plus d'attention qu'auparavant. Si elle avait peur, elle n'en laissait rien paraître. Ses joues avaient beau être rouges et son regard un peu vitreux, elle semblait analyser la situation avec un calme effarant. Elle paraissait dresser une liste mentale de ses éventualités alors que la fièvre la dévorait. Malgré l'infection et sa température, elle n'agissait pas comme une proie. Elle réagissait presque comme nous, ce qui m'effraya.

- Si tu veux tirer, il n'y a aucune raison d'hésiter. A ta place, je ferais la même chose.

Sa voix était roque, ma gorge sèche.

- Ça, j'en doute.

Un sourire lui échappa, creusant ses joues.

- Tu veux me tuer pour le protéger, parce que tu penses que je suis une menace. C'est comme ça que ça marche maintenant. On ne peut faire confiance à personne. Ni aux humains, ni aux amis, pas mêmes aux malades. Personne ne sait ce qui se cache derrière l'un de nos visages.

L'arme commençait à être lourde dans mes bras. Si, moi, je pouvais savoir qui se masquait derrière des iris bleues, vertes ou marrons. Nous nous savions faire la différence et nous reconnaître. Seuls les humains étaient démunis.

- Si tu veux me tuer, c'est maintenant. Parce qu'une fois que j'aurais récupéré, je serais beaucoup moins facile à tuer.

Je tiquais face à l'arrogance soudaine de l'humaine. C'est ce qu'ils avaient sans doute tous cru au début de l'Arrivée, qu'ils ne risquaient rien.

- Pourquoi?

Malgré ses lèvres gercées et son teint pâle, c'est plus déterminée que jamais qu'elle m'annonça :

- J'ai une promesse à tenir. Et je ne compte pas mourir avant de l'avoir réalisé.


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Hello! 

Voilà pour le chapitre du jour! J'espère qu'il vous plaira. ^^

Je ne sais pas trop quoi vous dire d'autres, à part merci et « à vos clavier » !



Still alive - Still human (La 5eme Vague fanfiction - french)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant