Chapitre 11 : Le premier Silencieux à fuir (II)

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          - Je ne l'ai pas tué... mais j'ai bien failli le faire.

Sa mâchoire se contracta, signe qu'il n'était pas fier de cet aveux et même plutôt en colère contre lui-même. Il jeta un regard nerveux par dessus son épaule pour confirmer ce que nous savions tous les deux. Cassie était toujours en haut. Sa respiration demeurait la même, rapide mais régulière. Il n'y avait pas le moindre signe pouvant laisser penser qu'elle s'était réveillée.

- Après la station essence, et même avant, je l'ai eu plusieurs fois dans mon viseur. Plusieurs fois, j'ai essayé de presser la détente. C'est pour ça qu'on est là, non? Pour faire le ménage.

Il avait levé les yeux vers moi en posant cette question, qui avait tout d'une question rhétorique. Il connaissait la réponse aussi bien que moi. Mais comme moi, il semblait cherché auprès de l'un des nôtres la confirmation impérative et le bien-fondé de notre mission. 

Manque de chance pour lui, je n'étais plus en mesure de me montrer si catégorique. Cassie avait débarqué pour chambouler son monde et ses certitudes. Et par extension, le mien.

- Mais tu n'as pas tiré.

Il détourna le regard, me faisant froncer les sourcils.

- Si, finit-il par avouer à contrecœur. Celui qui l'a blessée sur l'autoroute, c'est moi. Après une éternité à douter, j'ai tiré sans hésitation.

Il valait mieux que Cassie dorme plutôt que d'apprendre que son sauveur était aussi celui qui aurait pu la mener directement dans la tombe. Pourtant, quelque chose clochait.

- Je ne te crois pas. Si tu avais été sûr de toi, elle ne serait plus de ce monde.

Evan ne releva pas la tête vers moi. Il regardait ses mains tout en les triturant. Des mains trop lisses pour être celles d'un fermier. Comment Cassie avait-elle pu croire à ce bobard? S'il était doué pour énoncer des vérités qui faisaient mal, je savais faire de même.

- Tu lui as tiré dans la jambe. Et tu l'as ramené chez toi pour la soigner. Tu aurais eu mille occasions de la laisser mourir si tu l'avais vraiment voulu. Tu aurais pu lui tirer une balle dans la tête, dans le cœur ou la laisser se vider de son sang après avoir touché son artère.

Les mots sortaient de ma bouche sans que je sache réellement ce que je ressente. Je ne savais pas si j'avais envie de l'engueuler ou si je tentais de lui remonter le moral.

- Mais à la place, tu as fais la chose la plus stupide et la plus incompréhensible du monde, tu lui as sauvé la vie. Ce que je ne comprends toujours pas.

Après une demi-seconde, les lèvres de ce crétin s'étirèrent. Il pouffa en levant le regard vers moi.

- Un jour, tu comprendras, Stricker.

- J'espère pas. J'ai aucune envie de me mettre à regarder une autre personne avec le même regard de merlan fris que toi.

Il secoua la tête, amusé par ma répartie aux airs de critique.

- On en reparlera quand ça t'arrivera.

Allez savoir pourquoi, à ce moment-là, l'image de Mister Colgate avec son maillot rouge me traversa l'esprit. Je levais les yeux au ciel et affichais un visage blasé alors qu'intérieurement, j'étais déstabilisée. Il fallait vraiment que j'arrête de penser à ce type. Qui était sans doute mort qui plus est.

- A ce moment-là, sur l'autoroute, c'est moi qui ai fuis. Face à Cassie, j'ai pris la fuite.

Contrairement à jusqu'à maintenant, je plongeais dans les yeux bruns de mon ami sans le moindre jugement.

- Je lui ai tiré dessus. Et pourtant, je ne pouvais pas me résoudre à la tuer. J'avais fais un pari avec moi-même. En lui tirant dans la jambe, je lui laissais deux options : mourir en tentant de prendre la fuite ou mourir en se vidant de son sang en se plaquant.

Il secoua la tête tout en souriant, ce que je ne comprenais vraiment pas.

- Elle a pris une troisième option. Elle est sortie de sous la voiture sous laquelle elle s'était abritée et m'a fais face. Elle m'a vraiment fais face.

Il paraissait aussi admiratif que décontenancé. Et je devais avouer que je partageais ces sentiments. Je voyais mal cette humaine si frêle et blessée se tenir volontairement dans le viseur d'un Silencieux. C'était complétement absurde, aussi fou que... courageux, je devais l'admettre.

- Tu l'aurais vu me défier. Elle était devant moi et j'aurais pu la tuer d'un simple mouvement de l'index. Et pourtant, elle se tenait debout au milieu de cette autoroute alors qu'elle se vidait de son sang.

La vision était aussi improbable que celle d'un Silencieux la ramenant chez lui pour la soigner.

- Je n'ai pas eu son courage. Je n'ai pas pu tirer. Face à cette humaine, c'est moi qui est craqué le premier. J'ai pris la fuite.

Et voilà le résultat. Nous étions tous les deux dans sa cuisine à attendre qu'elle se rétablisse. Nous étions deux imbéciles assez stupides pour commettre la pire des trahisons. Deux Silencieux qui avaient fuis. Je soupirais tout en me balançant en arrière. Nous étions pathétiques et complétement fêlés, il n'y avait que ça comme explication.

- Elle a plus de courage qu'un Silencieux, soupira-t-il plus pour lui-même que pour moi.

Néanmoins, un sourire m'échappa. Peut-être que j'aimais ça finalement. Puisque j'étais toujours dans cette cuisine malgré mes états d'âme, c'est que quelque chose me retenait. Et peut-être que je ne restais pas que pour Evan mais aussi pour moi-même. Parce que Cassie nous donnait un objectif plus noble que celui que nous suivions jusqu'à maintenant. Un de ceux qui vous paraissaient valables et justes.

Je reposais ma chaise dans un léger claquement.

- Et bien, Walker, quelle est la prochaine étape? Après le rétablissement de Cassie, s'entend.

Au regard qu'Evan me lança, je sus tout de suite que ça n'allait pas me plaire.

- Camp Heaven. Elle veut aller à Camp Hevean.


Still alive - Still human (La 5eme Vague fanfiction - french)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant