Still alive - Still human (La 5eme Vague fanfiction - french)

Chapitre 10 : Le premier Silencieux à fuir (I)

            La pluie martelait contre ma capuche tandis que je martelais moi-même la porte d'Evan. Après avoir frappé mes deux coups habituels, soulevé la clenche et frappé à nouveau deux fois, je reculais d'un pas les mains dans les poches. Si j'aimais la pluie, je détestais lorsque l'air était saturé par l'humidité. J'avais alors l'impression de ne pas réussir à respirer. La porte s'ouvrit finalement après un vague mouvement imperceptible pour les yeux humains de l'autre côté du journal plaqué contre les carreaux de verre. Evan se tint dans l'embrassure juste assez longtemps pour jeter un regard derrière moi.

J'entrais et retirais mes bottes pleines de boue aussitôt la porte refermée. Evan reposa l'arme qu'il avait saisi près du porte-manteau. Même s'il restait avec moi, toute son attention demeura focalisée durant de longues secondes sur l'extérieur. Je le laissais faire et ôtais mon blouson sans dire un mot.

- Je ne pensais pas te revoir de sitôt.

Je frissonnais mais ne relevais pas. A vrai dire, je n'étais pas certaine qu'il s'agisse d'un reproche à demi-mot. Malgré mes doigts engourdis, je déposais près de lui un sachet en carton.

- Tiens, c'est pour ton humaine.

Mes cheveux gouttaient dans mon cou et mes mains me brûlaient alors que je les frictionnais avec un torchon sec. Sans avoir besoin de le regarder, je devinais au son du sachet qu'Evan l'avait saisi et s'était penché sur son contenu.

- Pour sa fièvre et son infection. Je ne savais pas si tu en avais encore. Et moi, ...

Je soufflais, la poitrine soudainement écrasée par un poids invisible.

- Et moi, j'en ai plein chez moi sans en avoir besoin.

Je fis tout pour ne pas tourner la tête vers lui. J'étais plus mal à l'aise en sa présence que jamais. J'avais l'impression de commettre une erreur monumentale. Et pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de la faire. C'était plus fort que moi. Plus fort que la conscience de l'Autre.

- Merci.

Ce simple petit mot et la gratitude profonde qui s'en dégagea me surprirent assez pour que je lève les yeux vers lui. Evan me dévisageait de ses orbes chocolats. Il me fixait avec un sourire que je n'avais pas vu depuis longtemps sur ses lèvres. Il y avait plus de joie dans son regard que dans celui de l'adolescent de 15 ans que j'avais côtoyé. Il passa près de moi et me pressa l'épaule sans que je parvienne à m'arracher à ma surprise.

En le regardant monter les escaliers, je devais me rendre à l'évidence. Cassie l'avait changé. Il avait changé pour Cassie. Le requin redevenait humain. Il était plus humain que jamais.

          Assise à table, je soupirais en repensant à la photo de Mister Colgate. Alors qu'Evan m'avait abandonné pour retrouver son humaine, je me demandais si cet humain-là aussi avait survécu. Est-ce qu'il en aurait seulement eu les moyens? Il fallait être vraiment chanceux (ou malchanceux) pour avoir survécu aux quatre vagues. Si la première avait renvoyé les humains au Moyen-Age en les privant des éléments les plus banales de leur vie telle que l'électricité, internet ou l'eau potable ; la deuxième les avait carrément propulsait à l'âge de pierre. Il était difficile d'imaginer qu'une poignée d'entre eux ai pu leurs survivre et survivre à ce qui avait suivi.

Un nouveau soupir m'échappa et je regrettais soudainement de ne pas pouvoir prendre une canette de soda fraîche dans le frigo d'Evan. Peut-être que je l'avais tué. Peut-être que Mister Colgate avait survécu aux trois premières vagues et que c'était moi qui l'avait abattu sans aucun remord. En appuyant mon visage contre mes bras, je me fis la réflexion que ce n'était pas un soda dont j'avais besoin mais d'alcool.

Les pas tranquilles d'Evan revenant au rez-de-chaussée m'extirpèrent de mes réflexions dénuées de sens. Il revint se poster près de la fenêtre, puis retourna à son pistolet. Il l'avait démonté pour le nettoyer. Le bruit du chiffon allant et venant suivant les gestes du Silencieux était apaisant. Je fermais les yeux, toujours avachie contre sa table.

- Stricker, est-ce que ça va?

Je ne répondis pas tout de suite. Est-ce que ça allait vraiment? Même moi, je me le demandais. Les choses prenaient une tournure que je n'aurais jamais imaginé. Evan protégeait une humaine. Et moi, je l'aidais. J'avais été incapable de la tuer et maintenant, je lui apportais des médicaments. Si Evan se sentait plus humain grâce à Cassie, je me sentais juste perdue et affreusement mal.

- Quand est-ce que tu comptes me le demander?

La gorge sèche, je comptais les secondes jusqu'à ce qu'il me réponde.

- J'attendais que tu m'en parles.

- Avoue que tu m'as gardé dans ton viseur.

Je relevais juste assez la tête pour le défier de mes yeux verts. Les siens m'observaient calmement. Ses mains s'étaient immobilisées sur le canon.

- Mon viseur ne peut pas voir au travers des murs, Stricker.

- Mais toi, tu n'en as pas besoin pour viser juste.

La stricte vérité énonçait sans le moindre sentiment. Si Evan avait effectivement pointé une arme sur moi, je ne lui en voulais pas. Il avait cessé de réfléchir comme moi depuis qu'il avait rencontré Cassie. Il ne fonctionnait plus exactement comme un Autre. Et je devais m'y faire. Lui tirer dessus ne faisait pas partie de mes options.

- Je ne l'aurais pas fais. Tu le sais. 

Oui, je le savais. C'était pour ça que je ne lui en voulais pas. Tant que je n'étais pas une menace pour son humaine, Evan ne me ferait rien. Mon équation se résumait désormais à ça : Evan, Cassie et moi.

- Mais moi, tu ne pouvais pas être certain que je ne le ferais pas.

- Si.

Ses orbes chocolats sondaient les miennes.

- Parce que tu ne serais pas le premier Silencieux qu'elle ferait fuir.

De surprise, je cillais à plusieurs reprises. Cassie m'avait fais fuir. Je ne l'aurais jamais énoncé ainsi mais c'était les faits. La veille, face à sa détermination et la lueur sauvage qui brûlait dans ses yeux, j'avais pris la fuite. Pendant un instant, je m'étais sentie aussi vulnérable que si c'était elle, le Silencieux et moi, la proie dans le viseur. J'avais détesté cette sensation. Néanmoins, je l'avais bien ressenti. Et j'avais craqué avant de pouvoir appuyer sur la détente.

Je détaillais longuement Evan alors que les pièces s'emboitaient dans mon esprit. Il n'avait toujours pas fais le moindre mouvement.

- C'est pour ça que tu ne l'as pas tué. Elle t'a fais fuir.

Je vis ses épaules s'abaisser tandis que le Silencieux reposait son arme sur le comptoir dans un son mat. Il n'avait visiblement pas envie de repenser à ça. Mais moi, j'étais déterminée à avoir le fin mot de l'histoire. C'est à voix basse qu'il reprit la parole, comme s'il avait peur que Cassie puisse l'entendre.

- Ça ne s'est pas exactement passé comme tu le penses.

Sous mon regard vert qui l'acculait, il grimaça et soupira.

- Je ne l'ai pas tué... mais j'ai bien failli le faire.

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Très mauvaise journée.

J'espère que la votre a été meilleure.