Chapitre 13 : L'autre Silencieux

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            Je ruminais. Assise sur le perron d'Evan, je grognais contre Cassie et sa stupide notion de vie privée. Comme si on avait le temps pour ces balivernes! Les crocs sortis, je me massais distraitement la joue. Ca faisait un mal de chien! Si Cassie n'avait pas encore totalement récupéré, elle avait retrouvé suffisamment de force pour m'en coller une bonne. Saleté d'humaine!

- Tu l'as bien cherché, Stricker.

Je fusillais Evan du regard alors qu'il venait me rejoindre. Les cris de l'humaine s'étant tus, il avait dû réussir à la calmer. Ou alors, il l'avait enfin ligoter dans sa cave et avait jeté la clé! Quelle douce vision!

- Tu peux parler. Je suis sûre que toi aussi, tu l'as lu.

- Peut-être. Mais moi, je suis assez malin pour éviter de provoquer sa propriétaire.

Je roulais des yeux tandis qu'il se laissait tomber à côté de moi. Nous nous retrouvions tous les deux sur les marches du perron. Comme avant.

- Tu l'as fais exprès. Pourquoi?

Malgré son sourire, son esprit logique était revenu en un quart de tour. Je haussais les épaules.

- J'en sais rien. Pour la tester, peut-être.

- Et alors?

Je restais silencieuse quelques secondes. Alors? Cassie avait une sacré droite. Et même si elle avait agi sur une impulsion, elle m'avait démontré qu'elle pouvait se battre bec et ongles pour ce qui lui semblait encore important.

- J'ai du soucis à me faire. Elle ne lâchera pas avant d'avoir retrouvé son frère, et donc avant qu'on l'ai amené à Wright Paterson.

Je soupirais, fatiguée d'avance par ce qui me traversait l'esprit.

- Le pire, c'est qu'elle serait capable de réussir.

Je redressais la tête quand un souffle de vent secoua doucement quelques feuilles. Je savais que nous étions visibles. Pas de loin mais suffisamment si certains avaient l'idée de s'approcher.

- " On " ? 

Sans quitter l'orée des arbres, je lançais un sourire narquois à Evan.

- Comme si tu avais vraiment cru que j'allais te laisser y aller seul. Tu es assez mordu pour faire une connerie s'il n'y a personne pour te remettre les pieds sur terre.

- Il ne me semble pas t'avoir invité.

- J'ai ma propre invitation, souriais-je.

Avant qu'une branche ne craque à quelques mètres.

- Tu as entendu?

Evan ne fit qu'approuver d'un faible signe de la tête. Lentement, je levais le bras pour attraper la balustrade. Tout aussi discrètement, je me relevais. Mon fusil reposait heureusement de l'autre côté de la rambarde. Je l'attrapais d'un geste vif et vérifiais instinctivement s'il était chargé.

- J'y vais d'abord, indiquais-je rapidement à Evan alors que j'étais déjà partie.


          Contrairement ce à quoi je m'attendais, les bois étaient déserts. Il n'y avait pas trace du moindre passage humain près de chez Evan. J'avais beau avoir quadrillé le périmètre, je n'avais rien trouvé. Rien n'avait changé par rapport à mes précédentes rondes. Rien n'avait été délaissé dans le sillage d'une fuite. Les humains avaient tendance à laisser des traces. Toujours.

Pourtant, bien que nos oreilles de Silencieux aient perçu un mouvement, il n'y avait rien. J'abaissais mon arme tout en retenant un juron. Dernièrement, je détestais autant faire chou-blanc que trouver une proie. Mon humeur vacillait dangereusement de la lassitude au soulagement. Je serrais les poings à ce constat et repassais mon fusil par dessus mon épaule. Je n'avais plu qu'à rentrer et profiter de la cheminée d'Evan.

Alors que je marchais sur les feuilles mortes, je me rappelais que je détestais l'Automne. Cette saison entre l'Eté et l'Hivers oscillait trop entre deux. Entre les arbres feuillis et ceux dénudés, entre le temps sèchement chaud et celui aridement froid, entre le jour et la nuit. Je n'aimais pas cette saison à l'air humide. Cette saison qui en annonçait une autre faite de neige et de glace.

Et qui séparait désormais l'époque des Humains et la notre. Celle des Autres.

Je me figeais quand une porte claqua plus proche de moi que je ne l'aurais cru. Perdue dans mes pensées, je n'avais pas remarqué la distance que j'avais parcouru. J'avais bientôt rejoins la maison d'Evan. Mais soudainement, j'avais peur d'arrivée trop tard. Une respiration hachée et une course hasardeuse me parvenait à travers le vent et les craquements des bois morts. Et si moi, je pouvais la percevoir, c'était aussi à la portée des autres. Je m'élançais sans réfléchir après qu'un des pièges d'Evan ne se soit déclenché. Les casseroles s'entrechoquèrent violemment alors que je dévalais une pente. La maison apparue un instant entre les feuillages. Je la dépassais et me stoppais sans trop savoir quoi chercher de plus. Il n'y avait plus un bruit. Seulement le son de ma respiration brusque. Merde!

Je me mordillais la lèvre lorsqu'un autre craquement attira mon attention. Sur ma gauche, une silhouette se découpait du couvert des arbres. Je me plaquais instinctivement au sol. C'était un Autre. Un Autre qui comme moi ratissait ces bois à la recherche des survivants. Il ne semblait pas m'avoir vu, trop préoccupé par sa propre chasse. Il pistait quelque chose et se dirigeait dans la direction du piège d'Evan. Avant même de réaliser, j'avais fais basculer mon arme et placé la lunette contre mon œil. Je survolais rapidement les environs pour m'arrêter sur deux silhouettes plaquées contre un arbre.

Je fermais les yeux et maudis silencieusement Cassie. Visiblement, elle avait encore moins d'instinct de survie que ce que je pensais. Je redressais mon viseur vers l'Autre. Il avançait prudemment. Heureusement, il n'avait pas l'aide d'un drone. Sinon, ils les auraient déjà repérés. Mon cœur battait sourdement et mes mains étaient moites. La lunette dévia vers Evan et Cassie, juste assez longtemps pour que je puisse estimer la distance qui les séparait du Silencieux. Cela allait se jouer à un mouchoir de poche. S'il avançait trop près d'eux, je devrais prendre une décision. Et cette simple éventualité me serrait le ventre.

Le doigt près de la détente, c'était un de ces moments importants où un millième de seconde pouvait faire changer bien des choses. Un de ces moments où la décision qui allait bouleverser votre vie se prenait sur un coup de tête. Sur une inspiration, vous pouviez renverser le cours de votre existence.

L'œil collé à la lunette, j'allais devoir choisir entre la vie d'un Autre et celle d'une humaine. C'était le moment de savoir quel était réellement mon camp. Cela me donnait des sueur froide. Observant le Silencieux, je comptais ses pas. Encore quelques mètres de franchis et je devrais tirer. La sueur perlait dans mon dos malgré le vent froid. J'avais les lèvres gercées et la gorge sèche. Est-ce que j'étais vraiment prête à commettre l'irréparable? Ma conscience me martelait cette question faisant écho au cœur battant dans ma poitrine. Ramenant lentement le viseur vers Evan, je fus surprise de croiser son regard. Je ne savais pas s'il me voyait réellement mais il avait relevé le visage dans ma direction au moment-même où j'avais tourné la tête vers lui. Comme s'il savait que j'étais là. Comme s'il savait ce que je m'apprêtais à faire.

Et comme pour m'en dissuader, il secoua la tête à la négative. Il la secoua de gauche à droit dans des mouvements lents et presque imperceptibles. Evan savait que j'avais le regard braqué sur lui. Tout comme il savait que j'avais l'autre Silencieux dans mon viseur.


***

Nouveau chapitre! J'espère qu'il vous plaira! ^^

Je n'ai pas eu beaucoup de retours sur le dernier, donc je me demande si ça vous plait toujours. Ou si définitivement, Zombie met trop de temps à arriver.

Pour ceux qui vont bientôt avoir des examens, bon courage pour les révisions!

Moi, j'ai repris le boulot pour cet été. Snifff! C'est dur!

Still alive - Still human (La 5eme Vague fanfiction - french)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant