La Créature

Partie 14 - Observation

Kira demeura un instant interdite et contrairement à ce qu'elle pensait, ce n'est plus la colère qui s'empara d'elle mais une sorte de résignation accompagnée de tristesse. Il était fort dommage que ce garçon qu'elle pensait ouvert et attentionné soit en réalité sans cœur et tellement décidé à la faire disparaitre de son existence. Il devait avoir peur d'elle. Et elle devait donc lui prouver que la cause pour laquelle elle se battait était juste. Mais comment ?

Elle allait devoir être forte et c'était peut-être également son rôle : convaincre quelqu'un que cette forêt valait la peine de se battre pour elle. Et pour toutes les autres. Car il y avait quelque chose de fort en lui, quelque chose qu'elle sentait être important pour elle et la Nature qu'elle se devait de protéger. Il pourrait faire bouger les choses. Elle décida donc qu'elle n'allait pas laisser s'échapper Allan. Elle allait en avoir besoin. Et pour ce faire, un plan était de mise.

Avec une partie de l'immense fortune que lui avait légué ses parents, elle acheta la petite maison qui se trouvait être en vente à côté de chez les Vulkan. Cela faisait partie de son plan : se rapprocher des Vulkan. Et pendant une semaine, elle apprit un maximum sur la famille d'Allan. La maman était la secrétaire de son père, maire de la ville. Allan n'avait donc pas menti en disant qu'il ferait bouger les choses. Mais son père était souvent absent, soi-disant en voyage d'affaire. Kira n'avait jamais entendu parler d'un maire qui ne revenait chez lui qu'une fois semaine. De sa petite fenêtre et grâce aux animaux qui entouraient la maison, elle apprit pas mal de choses : Allan n'avait pas un très beau parcours de vie. Ses parents étant absents pendant une grande partie de son enfance et adolescence, il avait beaucoup trainé dans les rues et connaissait pas mal de monde de ce milieu obscur. Il était même passé par la drogue. Sa mère avait décidé de reprendre son fils en main en travaillant un maximum depuis son domicile. Depuis la fenêtre de sa chambre qui donnait sur celle d'Allan, Kira pouvait le voir clairement évoluer dans le milieu qui était le sien. Il écoutait de la musique pop, passait certaines de ses soirées à dessiner. Les dessins sur les murs de sa chambre, datant certainement déjà de quelques années, étaient simplement magnifiques. Mais cela faisait trois jours qu'il planchait sur un dessin en particulier. Elle ne l'avait à aucun moment vu changer de feuille et il y mettait beaucoup d'ardeur. La curiosité de la jeune fille était piquée à vif et elle avait hâte de savoir ce qu'il dessinait avec tant de passion.

Après une semaine d'observation intense, elle décida de retourner à l'école. Elle avait en main assez d'informations que pour se rapprocher de lui et s'il lui résistait, le faire tomber. Elle espéra ne pas avoir à choisir la seconde option. C'était contre ses principes de faire mal aux autres mais c'était sans doute un mal pour un bien.

Après avoir rentré son faux justificatif d'absence, elle gagna sa classe, juste avant que le cours ne commence. Elle espérait ainsi éviter un maximum les remarques en public d'Allan. Elle savait que son secret était gardé grâce à son serment mais elle le savait assez intelligent que pour faire sortir la vérité, d'une manière ou d'une autre.

Il était déjà arrivé en classe et discutait avec Driss, celui qu'elle avait deviné comme étant son meilleur ami. Il tournait le dos à la porte, un pied sur la chaise de leur banc et son coude appuyé sur son genou, sa main gauche en train de s'agiter dans l'air alors qu'il expliquait quelque chose qui semblait captiver Driss. Inspirant un grand coup, elle se protégea de ce qui l'entourait, se ferma à toutes les pensées et avança en ignorant les regards ébahis qui se posaient sur elle. Elle devait rester forte et ne pas se laisser déstabiliser. Ne pas perdre le but de vue.

- Bonjour Al, dit-elle en se campant derrière lui.

Elle le vit se raidir et suspendre son geste. Il se redressa lentement et pivota pour ensuite la détailler des pieds à la tête puis de la tête au pied, la mine déconfite. Elle n'avait pas besoin de s'ouvrir à ses pensées pour comprendre qu'il était ébahi de la savoir là. Et il devait certainement se demander quel genre de plan machiavélique elle avait élaboré pour arriver à ses fins.