Partie 20 - Visite

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Après son entretien avec son père, Allan but plusieurs verres d'eau. Quelques mois plus tôt, il serait sorti dans la rue et se serait immédiatement rendu à l'arrière de l'église, là où se retrouvaient les consommateurs d'herbe de la ville ainsi que le principal dealer. Il en aurait bien eu besoin. Il ne savait d'ailleurs pas ce qui le retenait. Il en mourrait pourtant d'envie.

Il secoua la tête comme pour chasser ce moment de tentation et remonta dans sa chambre. Il fonça vers son lit et s'y laissa tomber lourdement sur le ventre. Tout cela l'avait épuisé.

- Crois-tu vraiment tout ce que ce monstre dit ?

Il sursauta et fut sur ses pieds plus vite qu'il ne le faut pour le dire, tous ses muscles tendus et prêt à se défendre.

- Nous ne sommes pas du tout comme il le prétend.

D'un coin de sa chambre qui n'était éclairé par la lune sortit Kira. Elle s'avança dans les rayons de la lune. Allan eut une vision de beauté et de magnificence comme il n'en avait jamais vue.

Elle se tenait droite, uniquement vêtue d'une fine robe blanche recouvrant ses pieds mais laissant apparaitre des orteils nus. Ses longs cheveux blancs tombaient en cascade sur ses épaules et étaient dégagés de ses traits par une tresse qui entourait son visage. Contrairement au son de sa voix, elle paraissait paisible, ses lèvres arborant une moue désinvolte et ses mains nouées devant elle. Elle paraissait à la fois tellement forte et innocente. Il en vint à se demander combien de temps encore il parviendrait à la détester.

- Que fais-tu chez moi ? demanda-t-il, la voix rendue rauque.

- Je n'allais pas rester chez moi tout en sachant ce qui se tramait ici pour te remonter contre nous.

- Tu m'espionnes ?

- J'ai l'ouïe extrêmement fine sous ma vraie nature.

Pouvait-elle donc entendre la course folle de son cœur en ce moment ?

- Fais-tu alors vraiment partie de ces créatures monstrueuses ?

Elle parut se calmer un peu, le sentant curieux et non haineux. Elle avança comme si elle était chez elle et s'assit sur le bord du lit. Attiré tel un aimant, il s'assit sur le lit près d'elle.

- Nous ne sommes pas des monstres Allan. C'est ce que les humains veulent croire. Nous nous contentons de défendre la Nature, mère de tous les êtres. Ce que ton père a dû te montrer doivent certainement être les mêmes images que les chasseurs utilisent pour rallier d'autres chasseurs à leur cause : des images d'être verts et sanguinaires qui détruisent tous les vivants sur leur passage. Ça, c'est ce que nous devenons lorsqu'on perd notre arbre. Sans lui, nous ne sommes plus rien, nous errons et continuons de tuer avec fureur. Nous ne sommes plus que tristesse et rage.

Allan fronça les sourcils. Son père était-il au courant de cette version ?

- Nous pourrions vivre en harmonie avec vous, dans ce cas ? Si nous ne détruisions pas vos arbres ?

Kira sourit. Il était curieux et ne les jugeaient pas. Elle le savait. Elle savait qu'Allan n'était pas celui que tout le monde pensait, sans cœur et à penser à son propre intérêt. Elle sentit les battements de son cœur s'accélérer d'excitation et une joie immense s'emparer d'elle. Peut-être que lui, dans les veines duquel coulait du sang de chasseur allait pouvoir les sauver eux, soi-disant leurs ennemis. Elle ne put s'empêcher de poser une main sur l'avant-bras du garçon dans un geste amical et reconnaissant.

- Oui, cela est possible. Mais nous ignorons comment faire sinon nous battre. Nous détestons tuer alors nous résistons mais beaucoup des nôtres sont morts. D'autres pensent que le combat est la seule solution et luttent. Mais ils sont si peu nombreux. Et puis, nous devons nous cacher. Nous dissimuler demande beaucoup d'énergie et nous n'avons pas la force pour lutter. Regarde-moi. Tous les jours je dois faire en sorte d'être une fille normale et cela me vide de toute énergie.

Allan fixait la main de Kira sur son bras et fut étonné de la froideur de ses doigts. Son corps entier était-il aussi froid ? Était-ce dû au manque d'énergie ? Il eut presque envie de la serrer dans ses bras pour la réchauffer.

Remarquant qu'elle ne parlait plus, il leva les yeux vers elle et leurs regards se croisèrent. Électrisant. Une part d'Allan qu'il ne connaissait pas s'ouvrit et un large sourire rassurant et franc fendit ses lèvres. Il ne dit cependant rien.

Kira le fixa et se demanda si après tout, elle avait fini à le convaincre.

- Je n'ai pas de preuves à te donner que nous ne sommes pas des monstres comme les chasseurs le prétendent.

Il posa une main sur sa joue, hypnotisé.

- Tu es une preuve suffisante.

Elle papillonna des paupières et plongea à son cou.

- Je savais que tu nous comprendrais.

- Je te comprends, dit-il. Je dois t'avouer que je ne connais pas tes congénères mais je pense, je sens, au plus profond de moi que tu ne me ferais pas de mal.

Oh non, ça, elle en était incapable, se dit Kira. Allan semblait être la seule personne sur qui elle pouvait réellement compter alors jamais elle ne lui ferait de mal. Et puis ce qu'elle ressentait pour lui l'en empêchait.

Elle sentit un bras entourer sa taille et l'amener plus près de lui. Elle sentit et entendit les battements affolés de leurs cœurs et elle sut qu'il partageait en ce moment les mêmes sentiments qu'elle. Le cœur ne ment pas. Alors elle fit le premier pas.

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