Chapitre I - Menace

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« Chaque fois qu'un homme défend un idéal, ou une action pour améliorer le sort des autres ou s'élever contre une injustice, il envoie dès lors une petite vague d'espoir. » - Robert Fitzgerald Kennedy

« Harold, non. C'est de la folie !

Tels sont les mots d'Astrid. Ses sourcils inclinés, son regard inquiet traduisent son anxiété. Quelque chose, au fond d'elle, souffle que son ami ne l'écoutera pas cette fois.

– Je dois y aller, répond celui-ci en baissant les yeux. « Un chef protège les siens ». Je... j'partirai pas longtemps, un mois, deux au maximum, je ferai au plus vite...

– Attends, il y a sûrement un autre moyen, on... On s'est jamais aventuré au-delà des villages qui sont à plus de trois jours de Beurk en vol de dragon. Comment veux-tu retrouver ton chemin si tu pars carrément dans un autre pays ? Que tu trouves de l'aide ailleurs ou pas ne changera rien à la situation du village si tu ne reviens pas, non, on va trouver autre chose. Il y a forcément une autre solution.

Harold passe une main dans ses cheveux châtains, se gratte un peu cette tête qu'il a du mal à garder haute.

Cela fait une semaine que Beurk est frappée par une menace dont les habitants ignorent tout. Harold doute même que Stoïk ait jamais été confronté de son vivant à une situation pareille : un à un, les enfants des villageois ont brusquement changé de comportement, au point que leurs parents ne parviennent plus à les reconnaître – certains prétendent même qu'on les a remplacés. Leurs arguments ? D'abord, leur comportement trop différent de celui qu'ils ont d'habitude : les jeunes ne rient plus, ne chantent plus, ne rêvent plus, deviennent vite insolents et agressifs dès que le moindre geste de leurs parents ne va pas dans leur sens ; leurs yeux semblent plus vides qu'avant, plus froids, plus durs ; et, preuve ultime pour les partisans de la théorie des « enfants remplacés », chacun refuse catégoriquement de quitter, même pour se laver, une petite branche d'arbre qui ne s'assèche pas.

Les adultes n'en dorment plus. Se disputent. Rejettent la faute sur les autres. La situation est intenable et rien, ni les autres villages frappés du même problème, ni les livres qu'ils ont lus, relus, re-relus sans jamais trouver la moindre solution, ne leur a apporté de remède quelconque. Il faut qu'il parte, ils le savent tous deux.

– Ecoute, Astrid. Je... Je sais que c'est dangereux, que c'est risqué, mais l'aide que pourraient nous apporter les pays voisins est notre seule et dernière chance. Ce mal ne peut pas frapper toute la Terre, je devrais bien trouver quelqu'un capable de nous expliquer ce qu'il se passe, et ce qu'on doit faire pour y remédier. C'est mon rôle d'aller chercher de l'aide, non ?

– Et si tu te perds ? le ton d'Astrid est accusateur. Que va devenir Beurk si tu ne reviens pas ?

– Il faut prendre le risque, de toute façon. Et puis, je serai pas tout seul ! Avec mon sens de l'orientation hyper-développé et le système d'écholocalisation de Krokmou, on a de grandes chances de revenir en vie, pas trop tard, et avec de l'aide de préférence. Pendant ce temps, je... Je te confie Beurk. »

Cette dernière phrase confirme son départ imminent.

Les yeux bleus d'Astrid luisent de larmes inquiètes. Elle s'avance, le serre dans ses bras, d'une étreinte assez forte pour témoigner de son appréhension. Bien qu'il ait déjà prouvé maintes fois sa débrouillardise et son habileté, Harold a rarement été entièrement seul lors de ses aventures et Astrid n'est pas sûre de bien agir en ne l'accompagnant pas.

« Allez... faut que j'y aille, rappelle le jeune homme, quelques regrets dans la voix. À dans deux mois ! »

Et il s'en va en trottinant, parce qu'il a besoin de prétendre prendre les choses à la légère pour alléger ses fardeaux.

« Tu as soixante-et-un jours pour rentrer à Beurk ! » lui hurle-t-elle sur le même ton, alors même qu'elle essuie ses larmes.

Cauchemars d'enfants - HIJACKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant