Chapitre II - La fin du rêve

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« Lutte ! Rallume cette lumière qui s'est éteinte. » - Dylan Thomas

La nuit est fraîche dans la ville de Burgess. Jack Frost n'entend que le souffle du vent qui s'infiltre dans les feuilles des arbres, les clapotis de l'eau dans les fontaines, les quelques hululements de rapaces diurnes, le fracas, sur le sol, de poubelles renversées par le chats de gouttière. L'activité humaine ne fait plus aucun bruit.

D'un point de vue extérieur, on pourrait dire que ce garçon aux cheveux blancs, vêtu d'un simple sweat, d'un pantalon en toile, pieds nus même, rompt complètement avec la tranquillité qui transparaît aux alentours. Ses orteils dénudés ne font pas ce qu'ils auraient dû faire ; non contents de pouvoir marcher sur les dalles grises des ruelles, ils maintiennent Jack en équilibre sur une ligne téléphonique et sont percutés, de temps à autres, par un écureuil doré et un faon de glace qui jouent l'un avec l'autre.

Peu loin de son épaule droite vole aussi une petite créature aux ailes de libellule, aux plumes de colibri et au visage de fille. Jack échange régulièrement des regards espiègles avec elle, quand les animaux de sable et de glace se chamaillent comme deux frères en manque d'action. Le garçon ne sait pas que la scène évoque à la fée les disputes régulières qu'il entretient avec un lapin bleu.

« Il serait temps de rentrer, déclare-t-il en lui adressant un léger clin d'oeil. Fée risquerait de s'inquiéter que tu ne reviennes pas, sinon ; on va pas la laisser paniquer, quand même ? »

L'expression malicieuse du bébé-Fée le fait rire et Jack saute du câble, rattrapé par le vent. C'est presque à regret qu'il laisse derrière lui la créature sablée. Il en suit tous les soirs. Ça l'apaise.

Comme d'habitude quand il rentre, il choisit quand même l'un des rayons pétillants qui sillonnent la ville, les alentours, le monde entier. C'est le marchand de sable qui les a créés et Jack adore ce genre de spectacle que peu d'autres peuvent voir.

Le rayon le mène jusqu'à la fenêtre du troisième étage d'un immeuble de quatre. Mais quand il entre dans la chambre du garçon qui y vit, l'Esprit fronce les sourcils, plisse les eux. Le sable n'y est pas.

Comme si une force obscure l'empêchait de franchir la fenêtre pourtant ouverte de cette petite pièce, le rayon doré s'arrête subitement à l'extérieur de l'immeuble, laissant plongée dans le noir la chambre de l'enfant endormi. Plus troublant encore, et pourtant pas moins inquiétant, il n'y a pas non plus la moindre trace de cauchemar ; au-dessus de la tête du garçon ne se trouve ni sable jaune, ni sable noir, et s'il a les yeux fermés et la respiration régulière, Jack ne peut s'y tromper : cet enfant ne rêve pas.

L'échange de regard qu'il a avec la fée lui signale qu'elle a compris, et c'est gagné par l'inquiétude que Jack sort de la chambre. Il doit vérifier le cas des autres jeunes. C'est son devoir de Gardien.

Les trois premiers qu'il part veiller présentent le même problème. De plus en plus inquiet, Jack s'apprête à partir le plus rapidement possible prévenir les autres Gardiens, mais s'arrête en plein vol et souffle :

« Naama !

Puis, s'adressant à son amie volante :

– Quenotte, il faut que tu ailles prévenir les autres. Fais le plus vite que tu peux, je sais que tu en es capable ; s'il te plaît, dis-leur de venir directement à Burgess. On a un problème. »

Quenotte hoche furtivement la tête, lui tourne le dos, s'envole vers le Pôle aussi rapidement que le permettent ses quatre petites ailes.

Le Gardien, quant à lui, se dirige hâtivement vers une maison en briques dont la boîte aux lettres annonçe le nom des propriétaires, « Jamie et Noa Bennett ». Lorsqu'il s'aperçoit que le sable des rêves rentre bien dans la petite chambre qui se trouve au premier étage, le garçon pousse un long soupir ; dire qu'il est soulagé serait un euphémisme, pourtant son léger apaisement est bien vite balayé quand il se rend compte que la fillette qui y loge est debout, face à sa fenêtre ouverte.

Cauchemars d'enfants - HIJACKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant