Chapitre 1 - L'Arrivée

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Ennora, maintenant

Je m'agitai dans mon sommeil. Cela faisait déjà plusieurs mois que je ne parvenais plus à dormir, sinon très mal. Mais je ne me souvenais pas avoir jamais eu la désagréable impression d'avoir un rocher enfoncé dans la colonne vertébrale. Je bougeai pour me débarrasser de cette sensation et ce ne fut que pire. J'ouvris doucement les yeux et me relevais avec une précaution infinie ; j'avais l'impression qu'en plus de dormir sur une pierre, on me tapais sur la tête avec ladite pierre. Et, bien que je me sois levée on ne peut plus lentement, les coups de pierre, loin de faiblir redoublèrent d'intensité. Et la seule chose qui me dissuada de me recoucher fut le paysage qui s'offrait à moi.

Des arbres.

Oui, oui, des ARBRES !

À perte de vue. Je me levais d'un bond, ignorant les élancements dans mon crâne et tournai sur moi-même. Encore des arbres. D'abord une vague de panique me submergea puis je me calmais de nouveau et me rassis à coté de mon amie la pierre. Je rêvai encore. Ça ne pouvait être que cela. Sinon comment expliquez-vous le fait que je me réveille au milieu d'une forêt pleine d'arbres, alors que je m'étais endormie dans ma chambre tout en rose avec ses images de danseuses sur les murs et mon matelas douillet ?

Non. J'étais juste en plein cauchemar. Ça arrivait souvent ces derniers temps. Mais c'était la première fois que j'étais face à un tel paysage. Et en plus je détestais le vert et les arbres. Il me suffisait d'attendre et je me réveillerai dans mon lit après quoi j'irai certainement mettre de la musique à fond sur mon iPod et danser jusqu'à ce que tout souvenir de cette affreuse couleur ce soit dissipé.

Mais comme dans tout bon cauchemar, plus ça dure mieux c'est !

Non, parce qu'au bout de ce qui me parût être une éternité, et que je n'étais toujours pas dans mon lit, je commençai à douter de moi. De plus, ma tête me faisait encore souffrir, alors je me recouchai dans l'espoir que ça passe mais me relevai aussi tôt. Amie ou pas cette fichue pierre commençait sérieusement à se jouer de mes nerfs déjà à rude épreuves.

Je l'envoyai valser et un bruit creux retenti lorsqu'elle frappa le tronc d'un immense arbre, et que, devant mes yeux ébahis, fut engloutie par le géant. Comme si le bois avait été liquide.

Génial ! Il ne manquait plus que ça ! Des arbres mangeur de pierres ! Et pourquoi pas mangeur d'homme tant qu'on y était ?!

Et c'est là que je l'entendis. La voix. Elle résonna dans ma tête. Tel un murmure.

- Non Les hommes de Silva sont nos âmes. Pourquoi leur souhaiterions-nous du mal ?... Va. Tu dois retrouver l'Arbre. Il est mourant... Son éclat s'estompe et son Ultime feuille menace de tomber...Sauve nous...

Je sautai sur mes pieds et allai me plaquer contre un tronc à l'opposé de ce qui me paraissait être la source de la voix.

- N'aie crainte. Personne ne te fera du mal jeune Malimunne, reprit la voix mais de derrière moi cette fois. Et j'aurai juré avoir senti le tronc vibrer sous mes paumes.

Je me retournai et reculai jusqu'à me cogner le dos à un autre arbre. Mon cerveau fonctionnait à toute vitesse et des centaines de questions se bousculaient dans ma tête. Était-ce les arbres qui avaient parlé ? Etais-je vraiment dans un rêve ? Depuis quand les arbres parlaient-ils ? Pourquoi étais-je ici ? Que devais-je faire ?

Je vais me réveiller. Je vais me réveiller. Je vais me réveiller.

Les larmes se mirent à couler d'elles même sur mes joues, le martèlement dans mon crâne se faisait de plus en plus présent et une douleur commençait à poindre dans le creux de mon ventre. Je me mis à prier pour me réveiller, pour que ça cesse. J'étais terrorisée malgré ce que m'avait dit les arbres –si tant est que ce soit bien les arbres qui ai parlé. Sans que je m'en sois rendu compte j'étais tombée à genoux et je cachais à présent mon visage de mes mains. Je devais vraiment avoir lair pitoyable, mais sur le moment je m'en fichai, et de toute façon j'étais seule.

C'était bien ça le problème ; j'étais seule, au milieu d'une forêt alors que je devrais être dans mon lit, endormie, paisible. Sans parler du coup que j'avais dû recevoir sur la tête - quand même, pour voir des arbres engloutir littéralement des pierres et les entendre parler il fallait vraiment que je me sois cognée fort.

J'étais tranquillement en train de me lamenter sur mon sort et de me résoudre au fait que j'allais mourir toute seule ici quand une douleur fulgurante me traversa l'abdomen, me coupant le souffle. Je me pliai en deux sous le coup de la souffrance. Plusieurs minutes passèrent, ou peut-être plusieurs heures puis la crampe se calma un peu et quand je cru que c'était fini je me relevai mais la douleur revint bien vite, plus forte. Atroce. Plus horrible encore que tout ce que j'aie jamais connu. Elle se propagea dans tout mon corps. Dans mes veines. Commençant par mes doigts et gagnant ma poitrine. Je hurlai à m'en arracher les cordes vocales, jusqu'à ce que mes oreilles bourdonnent et que ma vue se trouble. Et ma dernière pensée, couchée dans la mousse et la terre fut pour mon père. Puis les ténèbres se refermèrent sur moi. Je n'avais plus la force de lutter alors je me laissai aller, sombrer dans le néant.

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Un premier chapitre qui laisse entrevoir le caractère doux et patient d'Ennora. Notez l'ironie.

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