Chapitre 8 - Sens

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Ennora

Mes sens me revinrent petit à petit, commençant par le toucher. Ma peau toute entière fut parcourue de petits picotements et d'un froid intense. Le poids sur ma poitrine s'était allégé mais chaque inspiration était douloureuse. Ma tête lourde reposait sur une surface dure, comme le reste de mon corps d'ailleurs. Au fil des heures je perçus d'autre sensations sur ma peau. La chaleur autour de ma main qui disparaissait soudain pour revenir quelques instants plus tard, puis les frôlements sur mes cheveux. Plusieurs fois, alors que ma main quittait la chaleur rassurante qui m'accompagnait la plupart du temps, la pression sur ma poitrine disparaissait et la caresse de l'eau la remplaçait pendant un instant.

Plus tard, l'odeur particulière du désinfectant m'emplit les narines, accompagnée d'une autre, plus douce, musquée, de feu de bois et d'autre chose que je ne reconnaissait pas. Et celle du sang.

Et puis se furent les sons qui me parvinrent à nouveau. D'abord ténus puis de plus en plus nettes. Les battements de mon coeur, faibles mais bien présents, accaparèrent d'abord toute mon attention. Et puis parfois des murmures furent prononcés à mon oreilles sans que je n'en comprenne le sens. Une voix en particulier retint mon attention. Je savais la connaître sans réussir à mettre un visage dessus. Une voix toute proche, toujours rassurante malgré les tremblements qu'elle tentait de cacher.

La vue en revanche tarda à me revenir. Mes yeux refusaient de s'ouvrir et mon corps d'esquisser le moindre mouvement.

Pendent longtemps rien ne changea plus. Jusqu'à ce jour – ou nuit, pour ce que j'en savais- où les murmures se sont fait cris. Il y avait beaucoup de voix, la chaleur autour de ma main ne m'a pas quittée. La voix que je connaissait s'est faite plus brutale, menaçante mais je n'ai pas eu peur ; Ce n'était pas contre moi qu'était dirigée cette colère, j'en était certaine bien que les mots ne fassent pas sens dans ma tête. Les autres voix aussi étaient énervées. Elles, elles m'ont fait peur. J'avais le sentiments de les décevoir, de faire quelque chose de mal. Les cris ont continué longtemps et puis se sont arrêtés tout d'un coup. La seule voix que j'entendais encore était celle qui m'était familière. Là, juste à côté de mon oreille. Et c'est seulement lorsque elle glissa sur ma joue, que je senti la larme que j'avais laissé échapper. Ce fut comme un électrochoc. Je remontai doucement à la surface et les mots prirent un sens pour moi.

- Ennora, chut, ce n'est rien. Ça va... tout va bien, mon coeur.

Mes yeux refusaient toujours de s'ouvrir, mais je réussi à serrer la main autour de celle qui enserrait la mienne. Celle de la voix. Je ne parvenait toujours pas à savoir à qui elles appartenaient, pourtant je me raccrochai à elles comme à un radeau pour ne pas couler. Mon corps ne m'obéissait toujours pas mais les picotements dans mes mains et mes jambes commençaient à refluer. Ce n'était pas grand chose mais c'était déjà un début.

L'ultime feuilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant