Journal d'une Rébellion (extraits disponibles avant publication, début 2025)

Partie 6 - Ca va trop loin ma chérie

       J'ai dormi dans mon lit, cette nuit. Si on peut appeler ça dormir. Mon cerveau ne cesse de tourner en boucle et s'adonne à des séances interminables d'introspection.

Fais chier. Je ressemble à un raton laveur en fin de vie.

Je prends ma douche et me dépêche de préparer le petit-déjeuner. Puis on sonne à ma porte et je sursaute, étonnée qu'il y ait des personnes réveillées de si bonne heure.

— Sam ?

Mais qu'est-ce qu'elle fait là cette pouffiasse ?

— Bonjour.

Jarvis arrive et salue la grognasse avec un sourire d'adolescent prépubère. Elle pose ses « Louboutin » sur mon parquet et mon cerveau s'empresse de m'ordonner de récupérer de l'essence et un briquet. Il faut que je mette le feu à cette experte en assurance qui couche avec mon mari et ose revenir dans ma maison.

— Tu demanderas à ta mère de nous ramener ses clés. Sam va rester avec nous quelque temps.

Pardon ?

Je ne prends pas conscience tout de suite de la gravité du moment. Je reste dubitative, voire léthargique l'espace d'un instant. Je me contente de les regarder partir ensemble, dans la Mercedes de cet enfoiré. De mon enfoiré. Alors que mes esprits reviennent à moi, je jette un œil sur le pas de la porte avant de la refermer et remarque la valise à roulette de Miss Usa.

Sérieusement ?

Je prends mon téléphone pour écrire sur le groupe.

moi

S.O.S, ceci n'est pas un

Exercice

maman

D'accord, je serai là pour midi

Izzy

Dacodac mon cassoulet

Je ramène Kevin avec moi

Va chercher à manger au hipe

Ta bouffe est trop dégueu

moi

Pourquoi tu ramènes Kevin ?

Je ne le connais pas.

Je ne veux pas pleurer devant

Quelqu'un que je ne connais pas !

Et pour ton info, je ne peux plus

Aller au hipe

maman

Qui est Kevin ?

C'est non négociable.

Je veux un milk-shake en dessert

Fais chier.

— Nikki ? me lance Bryan, étonné de me voir.

On échange alors quelques banalités, comme savoir comment va sa gorge, son visage et toutes autres détails depuis que mon mari l'a roué de coups. Je tente ensuite de noyer le poisson en lui racontant l'intrigue incroyable que j'ai découverte dans Amour et tromperie, mon feuilleton à la con. Mais il semblerait que le beau Bryan ne suive pas du tout le même programme audiovisuel que moi.

J'aimerais recouvrer la face mais ne sais pas comment m'en sortir.

— Je vais fumer une cigarette.

— Tu ne fumes pas Nikki.

— Je sais Bryan, je sais.

Je fronce les sourcils et pars attendre dehors à côté d'un vieillard plié en quatre qui peine à marcher.

— Un coup de main ? lui proposé-je avant qu'il ne descende du trottoir et ne se fracasse le crâne sur la route.

— Bats les pattes, démons ! hurle-t-il avant de baragouiner un psaume qui le protègerait du mal que je lui inspire.

Chicago est une ville vraiment géniale.

— Il faut payer maintenant, m'appelle Bryan.

Je m'exécute, c'est d'ailleurs la chose que je fais le plus souvent dans mes journées. Je récupère nos menus et nos milk-shake avant de rejoindre tout le monde à la maison. J'arrive avant elles et...merde, j'ai oublié Kevin.

La porte s'ouvre.

Ils sont là.

— Hey !

— Hey ! surjoué-je un peu trop.

A table, Izzy me jette un regard noir ne comprenant pas pourquoi seulement trois paquets étaient préparés.

— J'ai déjà mangé, vous avez mis un temps fou avant d'arriver. J'avais beaucoup trop faim.

Je sais qu'elle ne croit rien de mes sornettes mais j'ai l'air de ne pas m'en sortir trop mal, donc je n'insiste pas. Elle me présente son fameux Kevin avec un discours fidèle à la Izzy.

— Kevin voici Nikki. Nikki est une femme soumise et dérangée qui se laisse maltraiter par son enfoiré de mari.

— Oui, mais c'est le sosie de Tom Hardy, soufflé-je pour dédramatiser.

— Oh, s'exclame-t-il en portant ses mains sur ses joues. Je le serais tout autant pour ma part, termine-il avec un clin d'œil.

Je l'aime bien.

Les filles s'installent et Kevin le Brésilien aussi. Elles me posent tout un tas de question quant au toupet de Miss USA qui est censée récupérer les clés de « ma maison » pour quelques temps. On dérive vite sur des menaces bien salaces et tortueuses et je tente d'apaiser les colères de chacun et chacune. Il semblerait même que j'aie perdu l'alliance de ce Kevin.

— ça va trop loin, ma chérie, dit-il avec la sauce de « mon burger » qui dégouline le long de ses lèvres.

Finalement, je le déteste.

— Il faut être honnête, ton mari a un véritable problème de possessivité et de narcissisme.

— Merci Sherlock, merci beaucoup, réponds-je d'un ton linéaire.

Une fois encore, mon S.O.S ne m'aura servi à rien. A part, peut-être l'idée que le Brésilien m'a soufflé pendant qu'il dégustait mon burger. Je dois rendre Jarvis plus fou qu'il ne me rend. Et qu'est-ce qui rend fou, ce psychopathe au corps de rêve ? Une Nikki Kant-Delfino indépendante et insoumise.

Pour être insoumise, j'ai encore un peu de travail à faire, mais pour être indépendante, tout peut aller très vite.

Tandis qu'ils claquent la porte derrière eux, je décide de ne pas regarder mon épisode d'Amour et tromperie. Le sort de Jen peut bien attendre le replay de demain. En revanche, la valise de Sam qui est restée sans surveillance sur le pas de ma porte, ne le restera pas très longtemps.

Je décide donc de fouiller dans ses affaires pour voir ce qu'une femme comme elle peut bien prendre dans « ses indispensables ».

Ça commence mal. Je sors plus de cinq paires de bas plus sexy les uns que les autres. Apparemment la notion de nécessaires « indispensables » est purement subjective. Je déballe aussi quelques nuisettes à dentelle et des sex-toys d'une grandeur indescriptible. Première réaction, farfelue, j'en conviens, un fou rire que je ne parviens pas à maitriser. Il y a certainement un peu de craquage nerveux là-dedans, mais je me rassure en me disant à quel point elle ignore tout de mon mari. Jarvis déteste les jouets. Il les a en horreur. Soit, Miss USA, tu penses pouvoir arracher mon mari de mes griffes acérées - qui ont besoin d'être un peu limées, cela va de soi - alors jouons. Je suis prête.