Chapitre 14

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Je n'ai même pas fais un crochet par ma maison pour avertir mon mari que j'étais rentrée. Un simple texto depuis mon ancien téléphone, écrit à la va-vite, pour lui et Eileen, avant de prendre un taxi m'amenant à l'hôpital. J'ai eu de nouveau l'honneur d'être conviée dans le bureau du docteur Gladwost, bien que je me serais passée de ce privilège. Ses yeux verts étaient ternes et graves ; je pouvais y deviner des cernes proéminentes. On s'est assis, lui avec un dossier épais comportant toutes les informations médicales de Kim et le répertoire de ses interventions. Cela ne m'a pas rassuré.

- Je suis désolé que vous ayez dû écourter votre séjour. Il semblerait que nous soyons au même point qu'à son arrivée aux services intensifs, ses légères fractures en moins, débriefa-t-il.

J'ai hoché la tête. Ma salive avait un gout d'acide.

- Par conséquent, nous allons reprendre le même traitement en y ajoutant les modifications nécessaires. Nous espérons qu'elle y réponde autant sinon plus que la première fois.

Je l'ai remercié de me tenir informée, puis je me suis dirigée, le pas lent, les yeux rougis, vers sa chambre. Le sourire qui s'était dessiné la semaine dernière sur son vidage était définitivement mort, empalé sur le long tuyau du respirateur. Une semaine avant mon départ, elle respirait sans assistance, ce qui était une avancée considérable. Je revoyais son éclatant sourire, ses mots résonnants dans ma poitrine au rythme effréné de mes battements de cœur. Ce n'était pas la voir comme cela qui me faisait souffrir, mais de la revoir ainsi, pareillement identique au lendemain de cette soirée maudite.

Est-ce que si j'étais restée, elle se serait réveillée ?

Cette question sans réponse avait été immédiatement engloutis par un tas d'autre, toutes formulant le diabolique effet papillon dont nous étions victimes. Je ne saurais jamais si mon départ a autant joué que celui de Kathy. Je ne saurais jamais pourquoi ma sœur m'a dit « Merci ».

Je me suis installée, retenant mes larmes, caressant sa joue pâle et gelée. Les paroles de ma demi-sœur, dures, accablante et sans-cœur, s'étaient inscrites dans ma mémoire et n'avaient pas cessé de me poursuivre durant mon vol. Mes yeux mi-clos par le jet-lag menaçaient de se fermer à tout moment. Mais dès que je m'assoupissais, même légèrement, j'étais en proie à des images du dernier dîner de mon périple chinois. Je suis alors partis me chercher un café au bout du couloir, quand Mauricio apparut près du distributeur, paniqué. J'ai courut vers lui, haletante, incapable d'aligner plus de deux mots à la suite avec cohérence. Il m'a ramené chez nous, lui cherchant à comprendre et à me rassurer, moi n'arrivant qu'à pleurer. Mon mari m'a pris dans ses bras et m'a soulevé doucement, pour me déposer sur le lit. Il ne m'a posé aucune question. Il ne m'a pas demandé pourquoi j'avais des bandages. Il ne m'a pas interrogé sur mon voyage. Non. Mauricio m'a consolé, allongé à coté de moi de sorte à voir mon visage, essuyant mes larmes, son étreinte croisé dans mon dos, ma tête niché dans son cou. Bercé par ce bouclier d'amour, je me suis laissée aller, mon corps et mon esprit arrêtant de lutter contre des faits irréparables. J'ai plongé dans un sommeil sans fin, sans rêve mais sans cauchemar. Une trêve au côté de l'homme de ma vie.

J'ai passé la journée suivante à déprimer. Bien sûr ce n'était pas une dépression telle que celle que j'avais vécu après la mort de ma mère, mais je n'avais envie de ne rien. J'avais été frappé de plein fouet par les propos de Kathy et par la rechute (médicale) de Kim. Ma vie s'étendait en morceaux, tous derrière moi, irrécupérables. J'ai tout raconté à Mauricio, qui s'était affublé d'une colère sans nom. Je l'ai tout de même calmé, sachant très bien qu'un esclandre ne résoudrait rien. De toute façon, qu'est-ce qu'il y avait à résoudre ? Tout avait été dit.

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