Mon père me demanda d'aller acheter du pain. Or, il n'y avait aucune boulangerie à proximité d'où nous étions. Je dû donc prendre le bus. La recontre avec l'inconnue m'était complètement sortie de la tête, je pensais à tout autre chose. Comme, par exemple, à la fraîcheur matinale, alors que les météorologues parlaient de presque-canicule pour cet été.
Mes gestes similaires à ceux de la veille, je ne pris aucune veste, enfilai mes chaussures, et prit un ticket de bus. Quelques instants après avoir clos la porte, je revins sur mes pas ; je n'avais pas de lunettes de soleil.
Je m'en souviens parfaitement : il faut 2 minutes 37 pour aller de chez moi à l'arrêt de bus, sous une chaleur matinale, à un rythme plutôt lent. Et quelques minutes de plus après, le bus était là. Ainsi que la fille. Son prénom me revint soudain en mémoire : Rachel. Rachel la grande blonde, Rachel aux yeux bleus, Rachel qui embrasse bien. Comme un automatisme, je vint m'assoir à ses côtés. Elle me souria, puis, à son habitude, engagea la conversation :
"Que fais-tu de retour dans ce bus, Charlie ?
- Je vais acheter du pain pour mon père. Je n'irais pas jusqu'au terminus cette fois, excuse moi.
- Pas de soucis, souria-t-elle."
Je pris un moment pour formuler ma phrase dans ma tête, avant d'annoncer :
"Si tu n'as rien à faire, accompagne moi donc.
- Avec joie. Pour tout t'avouer, je passe presque tous mes étés a faire des terminus-terminus, sur une ligne différente.
- Ça ne t'ennuie pas trop ?"
Nous venions d'arriver à notre arrêt, alors je me dirigeai naturellement vers la boulangerie, sans même vérifier que Rachel me suivait.
"C'est, au contraire de ce que tu pourrais penser, très différent à chaque fois. Regarde, cette année, c'est toi que je recontre."
Je saluai le boulanger, lui demandai ce pain là, s'il vous plaît, merci, puis répondis à Rachel :
"Je comprend. Ça doit être distrayant. Et un bon moyen de faire passer le temps.
- Tout à fait. Et alors, tu rentres chez toi, là ?
- Oui. Tu veux aussi m'accompagner ? On pourrait déjeuner ensemble, si tu le souhaites.
- Avec plaisir. Je suis prévoyante, j'ai de l'argent sur moi."
Je lui sourit gentillement et alors que nous piétinions en silence, le bus s'arrêta devant nous ; nous le prîmes, Rachel descendit au même arrêt que moi, comme prévu, je lui dit d'attendre dehors, déposai le pain, prit un billet et claquai la porte.
" Je connais un super endroit, pour manger. On peut y commander quelque chose, puis aller s'assoir plus loin si tu veux.
- Bien sûr."
Je crois que j'aurais pû accepter tout ce qu'elle me disait, à ce moment là.Alors, on a prit à manger à ce super endroit, et avons convenus de s'installer dans un grand parc, à l'ombre d'un arbre. Tandis que nous commençions à dévorer notre plat respectif, j'ai lancé :
"On ne vas pas s'embrasser aujourd'hui, si ?
- Non. Je n'ai pas envie. Faisons un peu connaissance. On à tout l'été pour s'embrasser, après tout.
- C'est vrai que tu embrasses bien, quand même.
- Ma bouche te manque, Charlie ?
- Non. Faisons donc connaissance. On s'embrassera plus tard."
Alors on a fait connaissance. Sauf qu'elle avait précisé la veille qu'elle préférait qu'on ne connaisse de l'autre que son prénom. Donc nous n'avons pas fait connaissance ; nous avons parlé de notre point de vue sur la situation actuelle du pays, sur la folie de se teindre les cheveux à 60 ans, sur de vieilles pubs que regardaient ses parents, ou encore d'un drôle de chien qui passa devant nous. Nous nous sommes tout dit, et nous ne nous sommes rien dit. Ce fût agréable.Nous avons fait le tour du parc, puis des glaces nous ont fait de l'oeil. Sous la chaleur qui n'avait cessé d'augmenter depuis ce matin, impossible de résister.
J'ai passé une après-midi presque parfaite. Elle me fit un clin d'oeil :
"Ne t'en fais pas ; nous nous embrasserons demain."
Je ne comprend toujours pas comment, mais elle avait raison. Le lendemain, nos bouches se sont de nouveau liées.

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Le Bus
Historia CortaIl y a ceux qui prennent le bus tous les jours et à qui il n'arrive rien. Puis il y a ceux qui ne le prennent presque jamais et à qui il arrive des choses merveilleuses, inoubliables. Charlie appartient à la deuxième catégorie. Et Rachel, à une au...