L'ennui, c'est ennuyant...

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Tous les matins, c'est la même chose. J'arrive à l'école, on me fait des blagues à propos de perceuses et de percée, je me défile comme un lâche avec une panoplie d'insultes qui passent dans ma tête et je m'assois sagement à ma place en classe. Je n'ai pas beaucoup d'amis. J'en ai un peu et partout, mais personne avec qui je reste. Je mange seul et lorsque je finis, je me réfugie à la bibliothèque. Joyeuse, ma vie, n'est-ce pas? Pourtant, je ne m'en plains pas — du moins, pas trop — parce que la plupart des gens que je connais sont de vrais idiots relous. 

J'ouvre mon cahier de maths, mais je suis pris d'un soudain étourdissement. Lorsque je pose les yeux sur mon cahier, je vois quelque chose qui n'était pas là et qui ne l'a jamais été.

Toi qui rêvais de changer de routine, tu vas être content!  Prends ton destin en main. Sur ce, bonne journée! - Signé Hermès.

C'est quoi ce délire?! Je ne crois pas aux dieux grecs, moi. J'ai dû manquer de sommeil dernièrement. Trop de jeux vidéos, que voulez-vous? J'y peux rien si je suis un ado, quoi! Lorsque je pose à nouveau mes yeux sur mon cahier, le message a disparu. Ça confirme ce que je pensais: ce n'était que mon imagination. Et je n'ai pris aucune drogue, rassurez-vous — retenez bien ça, les enfants: la drogue, c'est mal.

En sortant de l'école, je me rue jusque chez moi. Je suis toujours impatient de rentrer chez moi. Là, au moins, je suis tranquille. En courant, je ne vois pas la personne qui marchait dans le sens contraire à moi. Je la heurte accidentellement — peut-être un peu trop brutalement et je me sens mal pour cela. Et si ça avait été une vieille dame? — et me retourne afin de m'excuser, mais je n'en ai pas le temps.

— Aïe! Non, mais! Tu as des yeux, faut t'en servir, imbécile! Il ne reste que des idiots sur Terre ou quoi?!

Le vent fait onduler les cheveux noirs de mon interlocutrice — je lui donnerais dans les seize ans. Cette dernière me fixe agressivement de ses yeux bleus, deux saphirs sur un visage légèrement bronzé, dans l'attente d'une réponse. Elle me fait penser à une princesse.

— J'allais m'excuser. Je m'excuse, dis-je piteusement.

— J'espère bien. Tu as failli me déboîter l'épaule, assène-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine d'un air buté.

— T'exagères pas un peu? demandé-je, un peu inquiet.

Je suis quelqu'un de très poli d'habitude et je me montre galant avec les demoiselles — celles qui le méritent, hein, pas ces filles nazes et superficielles —, alors je décide de me montrer patient.

— Je n'exagère jamais avec les imbéciles.

Non, mais quel sale caractère! Pour qui elle se prend, cette princesse? 

— Oh, ça va, j'ai compris! Ça te prend souvent, de traiter des inconnus d'imbécile? répliqué-je, un tantinet agacé. Et puis, j'ai autre chose à faire que de discuter avec une demoiselle désagréable!

Je lui tourne le dos, effronté que je suis, et me remets à marcher. 

— Bon débarras! me lance-t-elle.

Je ne prends même pas la peine de me retourner. J'entends les pas de quelqu'un qui court et lorsque je me retourne, elle a disparu.


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