Aujourd'hui à l'école, je suis si distrait que je n'entends rien de ce que mes professeurs racontent. Je n'entends même pas les insultes de Steeve et de ses idiots d'amis. Steeve me tire de mes pensées en m'appelant de son habituelle voix grave et agaçante.
— Hé, Piercing!
Je l'ignore. Il se place devant moi et me domine de toute sa hauteur.
— Je viens de t'adresser la parole, petit goth dégoûtant, alors tu me réponds, assène-t-il en serrant les dents.
Je lève les yeux au ciel et soupire exagérément. De un, je ne suis pas gothique. C'est vrai: j'aime le noir, je ne porte que du noir et j'écoute du heavy metal, mais pas au point de souligner le bas de mes yeux avec du eye-liner noir.
— Tu veux quoi?
— Ton père est en voyage d'affaires, non? me demande-t-il sans préambule.
— En quoi, ça te concerne?
J'allais rajouter «sale morveux», mais je me suis retenu. Il plisse les yeux. Je me retiens de lui vomir dessus. Il hausse les épaules et me sort un journal devant les yeux.
— Tu as entendu parler de ces mystérieuses disparitions?
— Ouais.
En une semaine, il y eu quatre cas de disparitions dans notre ville. Deux adultes et deux adolescents, deux filles et deux garçons. On se demande qui est derrière tout ça et tout le monde a peur. La police n'a rien trouvé. Les photos des victimes sont partout dans les journaux.
— En quoi ça me concerne? répliqué-je, agacé.
Steeve se penche vers moi, menaçant.
— Je crois que c'est ton père qui est derrière tout ça.
Sa déclaration me donne un coup de poing dans le ventre.
— Espèce de crétin! je m'écrie, oubliant ma timidité et le fait que plusieurs personnes se tournent vers nous. Tu ne sais pas à quel point il est occupé!
Il rit, visiblement fier de lui.
— Dans ce cas, prouve-le. Retrouve le coupable.
Il retourne auprès de ses amis, me laissant fulminer à ma place.
Sitôt la journée terminée, je me rue hors de l'école. Je rentre chez moi et récupère les présents d'Hermès. Je les fourre dans mon sac et annonce à ma mère que je vais sortir.
Une fois dehors, je marche en direction de la forêt. J'ai l'air stupide de regarder par terre, mais au moins, personne ne me voit. Je cherche les soi-disant traces, mais je ne vois rien. Pendant plusieurs minutes, j'erre dans la forêt. Soudain, une lueur argentée attire mon attention. Il s'agit d'un sillon. Je le suis en faisant attention à ne pas faire de bruits. Mon instinct me dit que ce que je vais voir ne va pas me plaire. Au bout de quelques minutes, j'entends des éclats de voix. Une chicane. Pendant que je marchais, je n'avais pas remarqué que le soleil déclinait, aussi, la lueur du feu de camp m'aveugle presque. Le sillon argenté s'arrête. Je me cache derrière un arbre et épie discrètement les trois silhouettes voûtées qui se chamaillent d'une voix perçante.
— Donne-le-moi! C'est mon tour! dit une première voix.
— Tu me donnes la dent alors! rétorque une deuxième.
— Et moi, je n'ai rien? s'offusque une troisième.
Je fais quoi si elles me remarquent? Vont-elles me tuer? J'étudie la situation pendant un moment, puis me rappelle du casque d'invisibilité d'Hermès. J'ouvre mon sac, sors le casque et le mets.
— Chut! J'ai entendu du bruit.
Je me raidis aussitôt. J'ai dû faire trop de bruit en ouvrant mon sac.
— Qui est là? s'écrie une des voix perçantes.
— Sortez!
Je prends mon courage à deux mains et sors de ma cachette. De toute manière, elles ne me verront pas.
— Ce n'était qu'un animal, bande de folles, soupire la troisième voix. Allez, on échange! À trois...
J'attends qu'elles s'exclament «trois!» pour bondir et attraper l'oeil et la dent. J'atterris au milieu d'elles, près du feu. Elles s'écrient aussitôt.
— Où est la dent? demande la première.
— Toi, donne-moi l'oeil! répond la deuxième.
— Ce n'est pas juste pour moi... geigne la troisième.
— C'est moi qui ai vos trucs, je dis d'une voix forte.
Instantanément, elles tournent leur tête vers moi sans me voir — parce que je suis invisible et parce qu'elles sont aveugles. Je réprime un cri d'horreur. Elles ont la peau grise et très ridée et deux orbites creuses et vides.
— On m'a envoyé ici, mais je n'ai aucune idée de ce que je dois faire, dis-je sentant mon assurance s'effilocher.
— Nous ne te dirons rien! disent-elles.
— Oh, allez, soyez sympas!
Je presse très légèrement le globe oculaire — c'est dégoûtant — et elles hurlent aussitôt.
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Greek Heroes
ParanormalNous voici dans une époque lointaine... Non, je rigole. On est toujours au XXIe siècle. Je m'appelle Persée. Oui, Persée. Comme le héros grec. Avec ce nom, on peut facilement croire que la vie est de tout repos. C'est faux. Archi-faux. Que les dieux...