Pourquoi me suis-je fourré dans cette aventure, déjà? Ah, oui. Parce que je m'ennuyais. Je regrette amèrement. Il est trop tard de toute façon. Je m'avance lentement vers la créature en essayant de ne pas la réveiller, puis je me rappelle que je suis invisible. Mais quand même, ce sera plus facile de la... tuer si elle n'oppose aucune résistance. De plus, je n'ai pas envie de me faire pétrifier. Je manque de trébucher sur une petite pierre qui part rouler à quelques centimètres de moi. L'écho se répercute dans la grotte. Je retiens mon souffle, m'attendant à ce que Méduse se réveille en criant:«AU VOLEUR!!» Rien. Si ce n'est qu'un des serpents se met à siffler plus fort. Puis, me rendant compte de ma stupidité, je me retiens de me fracasser le crâne contre le mur. Je porte les baskets ailés d'Hermès. Il me suffit de voler.
Comment fonctionnent ces trucs-là?
À peine ai-je pensé au fait de m'envoler que cela se produit. Je souris malgré l'atmosphère écrasante de ma situation. Encore quelques mètres et ensuite, le plus dur sera à faire. Je m'avance encore un peu et...
Crotte de bique!
Mon coeur rate un battement. Je viens de commettre une énorme bourde, en gros imbécile que je suis. Mon pied heurte brutalement la tête d'une des statues de pierre, qui tombe sur le côté en entraînant une autre statue, qui fait tomber une autre statue à côté et ainsi de suite...
Ça y est, je suis mort.
Les serpents, parfaitement réveillés, sifflent furieusement en se dressant sur la tête de Méduse. Cette dernière se redresse sur son matelas. Me rappelant la légende, je détourne le regard et j'active mon bouclier, le coeur battant la chamade. En voyant son reflet, je me retiens de pousser un cri d'horreur. C'est qu'elle est méga-moche! On dirait un visage humain à la fois disproportionné et difforme mélangé à celui d'un phacochère — les défenses incluses — et d'un serpent. Je ne sais même pas comment c'est possible, mais c'est ce que me montre mon bouclier, éclairé par ma lampe torche.
— AU VOLEUR! beugle Méduse. Qui va là? Montrez-vous!
Je me retiens de répondre. Inutile de lui révéler ma position. Selon ma logique, les objets que je tiens devraient être eux aussi invisibles. Hermès ne me l'a pas précisé, ce détail.
— Un bouclier qui flotte? s'exclame-t-elle. Ah, je vois.
Bon, apparemment, ma logique n'était pas bonne. Je suppose que je n'ai plus à me cacher. Je retire le casque, sans jamais me tourner vers Méduse.
— Tiens, tiens. Que viens-tu faire ici, jeune homme? siffle-t-elle.
À l'entendre, elle s'est levée et s'est approchée de moi. Je sens sa proximité dans mon dos — à environ un mètre et demi peut-être — et je dois rassembler toutes mes forces pour ne pas lui faire face. Mes mains tremblent tellement que j'échappe ma lampe.
— Tu as peur? poursuit-elle. Tu devrais.
Je l'entends se déplacer. Instinctivement, je ferme hermétiquement les yeux. Les serpents sifflent de plus belle. Je sens une de leurs langues me frôler la joue. Méduse est juste devant moi.
— On ne t'a jamais appris à cogner avant d'entrer? Ou, du moins, aviser le propriétaire d'une demeure de ta visite?
Malgré toutes les répliques héroïques ou les supplications qui me viennent en tête, je sors:
— C'est ça que vous appelez une demeure?!
— Tu mériterais une punition pour cet affront. Que dirais-tu de devenir une statue? Tu es plutôt beau garçon, tu sais? As-tu une petite amie?
Je secoue la tête.
— Donc, ce n'est pas si grave si tu disparais. Maintenant, ouvre les yeux, dit-elle d'une voix presque hypnotique. Je veux voir tes yeux...
Tout mon être me crie de lui obéir, mais je garde quand même les paupières scellées. Je sens la pointe de ses défenses me frôler la joue et les langues de serpents me chatouiller le visage.
— Ouvre... tes... yeux...
— JAMAIS! hurlé-je en dégainant mon épée.
Tout se passe rapidement. Je balaie à l'aveuglette l'air de mon épée jusqu'à ce que je rencontre une résistance et que j'entende un Ploc! retentissant. J'entends son corps qui s'effondre. Quelques sifflements furieux fusent dans l'air avant de s'éteindre complètement. J'ouvre à demi un oeil. Les serpents — morts, soi-dit en passant — lui recouvrent le visage, laissant seulement ses défenses dépasser. Parfait. J'ouvre enfin les yeux et sors le sac que m'a donné Hermès. Détournant le regard, je me baisse et enveloppe la tête tranchée dans le sac, que je referme.
J'ai tué Méduse.
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Greek Heroes
ParanormalNous voici dans une époque lointaine... Non, je rigole. On est toujours au XXIe siècle. Je m'appelle Persée. Oui, Persée. Comme le héros grec. Avec ce nom, on peut facilement croire que la vie est de tout repos. C'est faux. Archi-faux. Que les dieux...