— ROOOOOOAAAAAR!!
— Rooar, toi-même! dis-je en essayant de paraître courageux et impressionnant — pas facile quand on tremble de la tête aux pieds.
Vraiment, je n'ai jamais rien senti de pire que son haleine. Même Steeve sent meilleur que lui avec son désodorisant à deux balles. Son immense tête se balance d'avant en arrière, comme s'il riait de mon désarroi. Instinctivement, je brandis mon épée dans l'espoir de le terrifier, mais que vaut ma vulgaire épée contre ce monstre? Subitement, une idée me vient en tête. Détournant la tête, je sors celle de Méduse au moment où le serpent géant plonge vers nous et je serre les paupières en criant à la fille:
— Ferme les yeux si tu veux vivre!
J'entends un craquement sinistre. Puis le silence, seulement troublé par le bruit des vagues se fracassant contre les rochers. J'ouvre finalement les yeux et devant moi se dresse le monstre, pétrifié et transformé en pierre. Les vagues ont raison de lui et il se brise en morceaux. Je range la tête décapitée — sans regarder — et je saute de joie.
— Wouhou! Tu peux rouvrir les yeux maintenant! J'ai réussi! Tu as vu ça?
Je me tourne vers la fille.
C'est une blague, j'espère?
Elle n'avait pas besoin de fermer les yeux, puisqu'elle s'est évanouie. Personne n'a donc vu mon exploit... Je me dirige vers elle et, à l'aide de mon épée, je tranche ses liens. Je tends les bras vers elle pour la récupérer, histoire qu'elle ne se cogne pas la tête par terre. Je lui retire son bâillon et pousse un léger « oh! » de surprise. Cette fille, je la reconnais. C'est la fille bronzée aux cheveux noirs que j'ai accidentellement bousculée en courant. La fille qui ressemble une princesse. Du coup, je fais quoi? Dois-je l'embrasser pour la réveiller, comme dans les contes? Je rougis aussitôt à cette pensée. Il est hors de question que je le fasse! Elle est bien jolie, mais je ne suis pas ce genre de mecs.
Alors, faute de mieux, je la dépose au sol et je retourne dans la forêt. Au moins, elle respire toujours, donc je n'ai pas besoin de lui administrer le bouche-à-bouche. De toute manière, elle n'est pas tombée à l'eau — et je ne sais pas faire de bouche-à-bouche. Je reviens quelques minutes plus tard vers elle — elle est toujours là et inconsciente — avec une petite branche à laquelle pend quelques feuilles vertes. Je me mets à lui chatouiller le visage avec les feuilles. Pas très romantique ni galant de ma part, mais que voulez-vous? Je n'allais pas me mettre à lui donner des gifles tout de même — je méprise les hommes qui lèvent la main sur les femmes. Son nez frémit et elle éternue avant d'ouvrir les yeux. Des yeux bleu saphir.
— Salut, dis-je, faute de mieux.
Elle me toise, puis se redresse sur un coude.
— Je te connais toi, rétorque-t-elle.
— Tout le plaisir est pour moi. J'ai été très ravi de te ranimer en plus de te sauver la vie, fais-je sur un ton sarcastique.
Elle se relève en époussetant la saleté de ses vêtements et secoue ses cheveux. Elle me regarde à nouveau.
— Mais oui, tu es cet imbécile qui m'a bousculée l'autre jour. On n'oublie pas une tête pareille.
Je grimace.
Qu'est-ce qu'elle a, ma tête?
— Et toi, tu n'es qu'une princesse au sale caractère.
On se défie du regard. Bon sang, je viens de lui sauver la vie! Elle pourrait au moins se montrer reconnaissante! Mais son Altesse décide plutôt de me jeter un dernier regard hautain avant de tourner les talons et de se diriger vers la forêt. Je lui emboîte le pas.
— Je suis sûr que tu ne connais même pas le chemin.
— Si.
Je hausse les épaules. Inutile de discuter. Elle semble être une personne très têtue en plus d'être dotée d'un grand orgueil. Je la suis quand même, histoire de la sauver une autre fois si elle se perd. Et je suis presque certain qu'elle va se perdre.
Au bout de quelques minutes silencieuses, je remarque que nous tournons en rond.
— Eh bien? fais-je, narquois. Son Altesse s'est perdue?
Elle me lance un regard meurtrier avant de baisser les yeux.
— La ferme.
Puis, remarquant mes souliers, elle s'exclame:
— Hé! Mais ce sont des baskets ailées ou j'hallucine?
— Ce sont des baskets ailées.
— Elles ne volent sûrement pas.
— Tu m'as pourtant vu tout à l'heure. Tu sais, quand tu étais enchaînée. Juste avant que tu ne t'évanouisses et que tu rates mon exploit.
— Sûrement mon imagination, stimulée par ma nervosité et ma peur.
— Je volais avec ces baskets devant tes yeux.
— Mon imagination, je te dis! s'écrie-t-elle.
— Et tu dis quoi du serpent géant?
— Mais c'est impossible! s'exclame-t-elle en ignorant — délibérément, j'en suis sûr — ma question. Elles ne permettent sûrement pas de voler. Je suis sûre qu'il s'agit d'un quelconque nouveau modèle pour les geeks nuls comme toi. Physiquement, c'est impossible qu'elles supportent ton poids puisque la gravité finira par...
— Raaah, mais t'es lourde à la fin! lâché-je en l'interrompant, exaspéré, les yeux au ciel.
Avant qu'elle ne recommence à rouspéter, je la prends dans mes bras — elle est plutôt légère — et je m'envole. Elle me bourre de coups de poing en m'injuriant.
— Comment oses-tu? Lâche-moi! Lâche-moi, espèce de...
— Une princesse, même outrée, ne devrait pas parler de cette manière! Aïe! Non, mais ça va pas?
Je dépasse la cime des arbres et file dans le sens inverse duquel je suis venu.
— Non, mais TOI ça va pas?! DÉPOSE-MOI IMMÉDIATEMENT! m'ordonne-t-elle.
— Trop tard.
Je commence sincèrement à regretter d'avoir détaché le bâillon.
— Du calme, je ne te lâcherais pas, déclaré-je d'un ton las. Même si j'en ai envie.
— J'ai le vertige... avoue-t-elle tout d'un coup.
Je baisse les yeux vers elle. Les siens sont hermétiquement fermés et elle a arrêté de me donner des coups de poing pour agripper mon chandail.
— C'est vrai ou tu me manipules pour que je redescende? demandé-je, méfiant.
— C'est vrai.
Des larmes se forment sous ses cils.
— Ah... T'en fais pas, je réponds, gêné.
Nous volons en silence.
— Tu as vraiment envie de me lâcher? m'interroge-t-elle tout d'un coup en regardant au sol.
— Non.
Elle ne répond pas.
— Comment t'appelles-tu? la questionné-je à mon tour. Moi, c'est Persée.
Elle me regarde, les yeux écarquillés de stupeur.
— Persée?!
— Ne te moque pas. Et ne fais pas de mauvais jeux de mots.
— Non, non. Je m'appelle Andromède. Crois-tu qu'il s'agit d'une coïncidence?
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Greek Heroes
ParanormalNous voici dans une époque lointaine... Non, je rigole. On est toujours au XXIe siècle. Je m'appelle Persée. Oui, Persée. Comme le héros grec. Avec ce nom, on peut facilement croire que la vie est de tout repos. C'est faux. Archi-faux. Que les dieux...