Chapitre 7 : Les cendres fument...

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- Allô, c'est moi. On s'arrête là. Je ne veux plus te voir. Je regrette de le faire par téléphone mais c'est plus rapide.

- ...

- J'aime ma femme. Et j'ai été con.

- ...

- Non, on ne se reverra pas. Ne me parle plus, ne me regarde même pas.

- ...

- Au revoir.

- ...

Et il a raccroché. Sa voix n'a pas hésité une seule fois. Le ton était dur. Mais ça ne change rien à ce qui s'est passé. Il s'allonge à côté d'Agnia pour lui faire face. L'odeur du tapis brûlé mêlé à la javel lui pique les yeux et l'imprègne jusqu'au fond de la gorge. Agnia le regarde directement, froidement. Il ne fuit pas, ne cherche pas à discuter. Il se contente de la regarder, la sonder. Comme toujours. Mais pour la première fois, elle me demande s'il ne le fait pas pour mieux la manipuler après.

- Je t'aime.

Elle lui tourne le dos en serrant ses bras contre elle, elle ne veut pas pleurer. Lorsqu'il tente de l'enlacer elle se lève, part récupérer une couverture dans la chambre et se couche à même le sol. Il me rejoint et se couche à nouveau près d'elle, sans la toucher cette fois. Elle ne tarde pas à s'endormir. Finalement, toute cette journée l'a épuisée. Dans la nuit, elle se réveille à intervalles réguliers. La première fois, elle l'entend dormir près d'elle, il est vingt et une heure trois. Il a rebranché le réveil qu'elle avait balancé, sans réussir à le casser visiblement. Il est vingt-deux heure trente lorsqu'elle se réveille à nouveau et l'entend déambuler dans la maison. Au bruit, elle suppose qu'il nettoie. Il lui faudrait une baguette magique pour que la maison reprenne une allure correcte. Elle l'entend se racler la gorge, avec ce bruit si distinctif qu'il a lorsqu'il a envie de pleurer mais qu'il se retient, parce qu'il estime qu'un homme, ça ne pleure pas. Alors ça lui bloque la gorge et il fait ce drôle de bruit. C'est au rythme de ce son qu'elle se rendort.

Lorsqu'elle ouvre les yeux une fois de plus, elle aperçoit des formes sur le lit. En se redressant sans bruit, elle voit qu'il a ramené la photo de mariage, sans le cadre... ainsi que quelques objets mal cassés qu'elle lui avait offert en souvenir de paroles échangées ou de moments partagés. Il a ramené aussi les restes du collier qu'il lui a fabriqué avec des perles et pierres ramassées lors d'un voyage. Il a d'ailleurs ramassé celles qui étaient dispersées à terre constate-t-elle en farfouillant. Elle l'entend revenir et retourne rapidement se coucher.

Il a un instant d'arrêt face à la porte, elle s'efforce de respirer calmement, comme si elle dormait. Il la rejoint et se couche. Il a ramené une couette et les couvre tous les deux.

- Lève la tête, j'ai ramené les couvertures de ma voiture pour servir d'oreiller.

Elle ne répond pas mais ouvre les yeux en posant un regard dégouté sur les couvertures et en fronçant les sourcils.

- Tu te doutes bien que je ne les aurais pas ramenées si... Enfin tu vois quoi ? Et puis ce n'est pas marqué sur les photos, « dans la voiture »...

Agnia soulève la tête et il pose rapidement la couverture en oreiller, au cas où je changerai d'avis ou s'il lui prenait l'envie de le mordre à nouveau. D'ailleurs il a une belle marque observe-t-elle. Il suit son regard et sourit.

- Je t'aime.

Elle ne répond rien, se contentant de soupirer en se retournant comme pour dormir.

Mais s'en était fini du sommeil. Son cerveau avait l'air de fonctionner à peu près normalement, et elle ne sentait plus cette colère infernale lui ronger l'esprit. Ce qui était bien dommage. Il est plus facile de prendre des décisions lorsqu'on est dans cet état d'esprit.

Lui pardonner ? Mais s'il recommence, elle sait que la colère qui se tapit au plus profond de mon cœur ressurgira et elle ne pourra pas se contenter de ce qu'elle a fait aujourd'hui. Partir semble la solution la plus évidente avec le problème de l'effet secondaire, vivre sans lui. Si, au moins, il lui avait criée dessus et dit qu'il aimait l'autre, ce serait nettement plus facile aussi.

Comment savoir ? Pour le moment, il faut se reposer, autant que possible.

A son réveil, le jour est levé. Aydan l'attend avec un petit déjeuner prêt. Il est allé chercher pains au chocolat et croissants, jus d'orange. Le repas se fait en silence. Lorsqu'elle se lève pour manger, elle se rend compte qu'il a déposé des affaires pour lui et pour elle sur le lit. Il l'observe tandis qu'il s'approche du lit et s'empare de ses vêtements. Il se déshabille comme pour montrer l'exemple et les enfile. Elle fait de même. Les vêtements sentent bon. Sa peau en revanche pu horriblement.

- On va trier ensemble et jeter ce dont on ne veut plus.

Il était sûr de ce qu'il voulait et justement parce qu'elle était complètement perdue, elle l'a suivi et s'est mise au travail, avec lui. Pièce par pièce, ils ont récupéré ce qui était renversé, jeté ce qui était inutilisable ou ce qui pouvait éveiller à nouveau la colère.

- J'aurais peut-être dû bruler la maison directement ? se murmure-t-elle indécise.

Plusieurs fois, les corps se frôlent pendant ce travail, les regards se croisent tant et tant qu'aucune parole n'est nécessaire. Lorsqu'Agnia montée sur un meuble pour ranger des affaires récupérées, les mains d'Aydan se posent sur ses hanches pour la maintenir en équilibre. Il n'a pas eu à réfléchir pour agir. C'est une évidence entre eux, tous ces gestes, ces regards, ces échanges implicites. Lorsqu'elle se retourne vers lui, leurs yeux s'accrochent à nouveau, se sourient au-delà de ce que le cerveau voudrait. C'est une réalité qui n'a pas besoin de penser. Agnia sent enfin un vent frais venir souffler sur son cœur et l'apaiser. Un sentiment de paix l'envahit lorsqu'elle glisse doucement dans ses bras. Les regards ne se quittent plus, lorsque se rejoignent, Agnia l'attire plus fort contre elle. Les corps s'assemblent, se réclament à chaque espace créé et s'adorent lorsqu'ils se touchent, peau contre peau. Elle sent bien au fond d'elle une petite flamme rageuse qui trépigne de colère. Mais les caresses sont possessives et dures, étourdissantes, elles s'imposent et éteignent cette flamme insolente. Ils sont l'un à l'autre, sans compromis possible désormais.

L'incendieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant