Terre~10

29 7 2
                                    

Dernier chapitre. On se revoit dans l'épilogue.
Azurasg

Il fait sombre, il fait humide et il fait terriblement chaud. Je suis assis contre le mur, immobile, mes genoux repliés devant moi. Je suis tout moite de sueur et je pue. Heureusement qu'on supporte sa propre odeur parce que sinon je serais mort asphyxié par moi-même. J'ignore depuis combien de temps je suis là. C'est bien le problème d'une prison : on n'a aucune notions du temps. Ils m'ont dit: Jusqu'à ce qu'on ait décidé que tu as retenu la leçon. Génial. Autant dire que ça peut durer une semaine ou un an.

Parfois, j'ai le droit à un repas. Mais ça ne m'indique rien du tout parce que l'intervalle est plutôt irrégulier. Parfois, j'ai un énorme repas (immangeable) puis rien pendant une éternité, parfois j'ai pleins de petits plats (infectes) plusieurs fois dans la journée. J'ai faim alors je mange mais j'en viens presque à regretter la nourriture de cette brave Anouchka.

Au début, j'ai fait le fier. Je ne mangeais pas ce qu'ils m'apportaient et j'essayais de faire quelque chose. Je parlais à haute voix me rappelant l'Histoire et la philosophie, je révisais mes techniques de combat. Je me comportais comme si j'étais en vacances et parfaitement heureux d'être ici. J'ai rapidement cessé. C'était idiot parce qu'eux, ils s'en fichaient royalement et il n'y a qu'à moi que ça atteignait. Depuis, je mange et je ne dis plus rien. Je reste assis contre le mur, les yeux dans le vague. Quelques fois, je m'allonge contre le sol de terre battue. Je cherche de la fraîcheur, en vain. Mes pensées divaguent. Je pense souvent à ma mère ou à cette école. Je repense à tout ce que j'ai vécu. Je change certains passages de ma vie et je la recommence. J'imagine ce qu'elle aurait pu être si je ne n'avais pas dit ou fait telle ou telle chose. Puis, la plupart du temps, je m'endors au milieu de mes réflexions et je fais des rêves peuplés de visages connus et inconnus. Je m'ennuie fermement.

Normalement, j'ai le droit de demander des visites. Si je le souhaite, certaines personnes sont autorisées à venir me voir pour quelques heures ou quelques minutes. Je sais qu'Isabelle a demandé à me voir, le chef aussi et Valentine. J'ai refusé, bon, sauf le chef parce que je n'avais pas trop le choix. Je ne veux voir personne et surement pas Isabelle. Je lui en veux. J'ai l'impression que si elle, elle m'a trahie, alors qui? Qui ne fera pas la même chose ? Cette fille que j'ai arrachée à l'enfer et mise en garde contre un autre, celle pour qui j'ai risqué plus que ma vie. Si cette fille n'a pas eu assez de respect pour garder mes secrets pour elle, alors qui le fera ? Personne. Je suis seul. Comme toujours. Je ne serais jamais libre comme les oiseaux. Tant pis, ils l'ont voulu. Je suis ce qu'ils ont fait de moi. Je serais le pire hypocrite de la terre. Si c'est  qu'il faut faire pour avoir ma vengeance, je suis prêt à tout. Quant à Isabelle, je ne veux plus JAMAIS lui parler. Je ne pourrais jamais lui pardonner. Jamais. À quelqu'un d'autre peut-être que j'aurais pu mais pas à elle. Après tous les reproches qu'elle m'a faits! Je n'arrive toujours pas à y croire. A chaque fois que j'y pense, une rage sourde s'empare de moi et un liquide amer coule dans ma gorge. Lorsque j'entends des pas derrière la porte, je me demande si c'est elle qui vient se réjouir de ce qu'elle a fait ou si au contraire, elle s'arrête et se mord la lèvre, coupable. Est-ce qu'elle regrette ses actes ? Surement pas. Mais peut-être qu'elle s'en veut un peu? Qu'elle a un peu de remords ? Ou peut-être qu'elle jubile de joie, là, derrière cette porte, fière d'elle. Je peux presque voir ses yeux magnifiques brillants d'une lueur démoniaque. Ou peut-être que ce n'est pas elle, que c'est seulement une autre personne, un autre rebelle qui s'en fiche parfaitement de ce qui se trouve derrière cette porte qu'il n'a même pas vue. Un gars ou une fille pressé et occupé, l'esprit tourmenté par d'autres pensées. Une personne qui ne connait pas mon nom.

Le garçon qui a détruit l'école, acclamé par tous pourrit aujourd'hui dans une pièce humide et sombre, oublié de tous. Il pue la sueur et le coin  à son opposé pue les excréments. Il n'est plus que le meurtrier d'un autre meurtrier condamné pour ce crime par des meurtriers. Il a été décidé que ce serait lui le monstre. C'est pathétique. Ils ne font que jouer à la justice. En vérité, ce sont tous une belle bande de menteurs et d'illusionnistes qui vous font croire que vous êtes libres. Ils sont hypocrites avec eux-mêmes. Moi, je sais très bien ce qu'ils sont. Ils sont comme moi, assoiffés de vengeance mais eux, ils veulent aussi le pouvoir et le contrôle. Tous les hommes se battent pour ça, dominer les autres, les assujettir, soit avec de belles paroles mensongères, soit avec la violence.

...Mais tes yeux ont disparu...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant