Avant~3

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Je hoche la tête. Je n'écoute absolument pas ce que dis l'homme en face de moi. Je l'entends mais ses paroles entrent par une oreille et ressortent par l'autre sans que mon cerveau n'en mémorise un mot. Ses mots sont du vent, ils sont vides. Ils ne trouvent aucun écho dans mon esprit. Je ne retiens rien de ce qu'il me dit. Il parle, je hoche la tête mais la seule chose que j'entends, c'est cette tempête qui se déchaine en de moi, ce feu de joie qui me consume entièrement. J'ai la rage. La rage de me battre. La vengeance et la haine hurlent dans mes oreilles et je sais qu'elles ne vont pas se calmer tout de suite. Elles ont soif de sang. Sauf que pour les assouvir, il n'y a qu'un seul moyen, écouter cet homme, là, devant moi. L'écouter, lui obéir et signer, s'engager. Pour aujourd'hui. Pour demain. Pour moi. Pour les autres. Pour ma mère. Pour toujours. Jusqu'à la chute ou jusqu'à la mort.

Depuis que j'ai quitté ce tapis de cendre, je n'ai plus eu qu'un seul objectif : entrer dans la résistance. Quelle chance pour moi d'apprendre que Valentine en fait déjà parti ! Voilà qui explique aussi beaucoup de chose sur son comportement parfois étrange. Mais bon, il ne faut pas oublier que Valentine est une Aïatola et le fait qu'elle soit dans la résistance est plutôt singulier. Son père est quand même le soi-disant président du monde. Il dirige et contrôle la terre entière. Il maintient tous les gens dans une atmosphère de répression et de peur. Charles Aïatola.

Je répète ce nom dans ma tête encore et encore. C'est une véritable obsession pour moi à présent. Il est le responsable. Je veux le voir au sol, mort, baignant dans son sang. Je veux lui faire payer ce qu'il a fait à ma mère.

Mais avant d'accomplir mes rêves de vengeance, il faut signer. Je prends le crayon sans aucune hésitation et je signe. En bas à droite du formulaire. J'ai un badge, un nom de code. Je fais partie de la résistance et je m'appelle La Nuit.

Je me fonds dans la nuit. J'aime beaucoup la nuit. Je peux être moi-même. Mes rêves sont à moi miens et c'est bien la seul chose qui m'appartient. Ce sont les miens et personne ne peut me les voler. C'est secret et personne ne peut les révéler.
Mon nom de code est aussi La Nuit parce que la résistance, c'est secret, c'est caché dans cette nuit éternelle. Il fait et fera toujours noir dans les couloirs du quartier général de la résistance.
On y accède par des trappes secrètes cachée dans des maisons en bois éloignées et isolées. On descend de nombreux escaliers. Quand vous êtes au centre de la terre, vous êtes arrivé. Non, pas vraiment au centre, mais très profond sous terre, plus profond que les métros, il y a un dédale de couloirs et des salles: le quartier général de la résistance. Il est très grand, immense même. Il a des entrées dans le monde entier. C'est un autre monde, un monde souterrain. Bien sûr, si vous ne faites pas parti de la résistance, vous ne le trouverez jamais. Ils ont les meilleurs systèmes de sécurité de la terre. Naturellement, les résistants viennent du monde entier mais on n'est pas très nombreux. Les gens ont peur et puis, ce n'est pas vraiment comme si on pouvait distribuer des tracts dans la rue.
D'après ce que j'ai compris (ou écouter), on accomplit des missions secrètes. On s'infiltre et on récolte des informations pour essayer de faire tomber la monarchie des Aïatola.
C'est dangereux. De nombreux sont morts ou ont disparu sans laisser de traces. Pour tous ou presque tous, ils ont connu la torture et la souffrance.
Mais je m'en fiche de ça, ce ne sont que des détails. Je suis prêt à mourir pour avoir le privilège de dire à Charles Aïatola ce que je pense de sa soi-disant "République ". Je vais venger ma mère et je tuerais autant de policier que possible. Ça m'est égal de savoir si oui ou non ils ont une famille, qu'ils ont le droit à un jugement, une deuxième chance, ils ont tué ma mère, ils vont payer. Je tuerai aussi Charles si j'y arrive et tant pis si je me prends un avertissement ou si je suis consigné à vie au quartier général. J'aurai accompli ma vengeance.
Je n'aurai de répit qu'un voyant disparaître Aïatola et tous ses sbires. Une fois que je les aurai tous réduit à néant.
-Eh Solfian!
Je me retourne et je vois Valentine. En retrait, derrière elle, un petit groupe de jeunes nous regarde. Ils semblent attendre quelque chose.
-Oui?
-Tu veux venir avec nous?
Nous ? Je regarde les jeunes. Ils sont soit plus grands, soit plus petits. Ses amis. Elle et eux.
-Non, merci, je réponds
-Pourquoi? demande Valentine presque tristement
Comment je vais lui expliquer. Je n'ai jamais été très doué pour me faire des amis et je n'en n'ai jamais eu vraiment envie.
-Je préfère aller aux archives pour éviter d'être perdu lors de la première mission, pour me préparer
Elle pince les lèvres mais ne dit rien. Elle s'en va avec ses amis et ils disparaissent dans les couloirs sombres. Bah oui, parce que comme nous sommes sous terre, le seul éclairage provient d'une ampoule blanche qui n'est certainement pas un soleil. Il fait très sombre tous le temps, où que vous alliez.

...Mais tes yeux ont disparu...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant