...Mais tes yeux ont disparu...

Lune~7

Je garde les yeux fermés en priant pour ne pas trembler. J'entends leurs pas sur le sol. De nombreuses personnes sont entrées dans ma chambre.

-Vous voyez monsieur qu'elle est là, dans son lit, en train de dormir, dit une voix grave d'homme.

-Je sais que c'était elle. Ce ne peut être qu'elle, réplique durement une voix froide et tranchante comme une lame de rasoir. Une voix étrangement familière et terrifiante. Une image surgit alors dans mon esprit. Deux yeux gris comme du métal, tel un étau froid.

-Voyons monsieur, c'est ridicule (je reconnais la voix de Mme Chauve) Vous savez bien que l'intervention des docteurs a résolu ce problème, c'est parfaitement impossible.

-Elle ne m'a jamais trompée. Je sais que c'est une petite garce très intelligente. Je suis presque sûr qu'elle ne dort pas.

-Voyons monsieur le directeur, c'est ridicule, continue Mme Chauve, vous voyez bien qu'elle dort à point fermer. Maintenant, si vous nous le permettez, nous aimerions bien retourner nous coucher.

-Il faut continuer les recherches! crie le directeur, j'ai entendu du bruit!

-C'était certainement des rats, grommelle ma tante

-Des rats! Sur la lune ?! se moque une autre femme

-Eh bien, le directeur a rêvé

-Sous entendez-vous, madame, que je serais fou?!

-Non, juste fatigué et stressé de donner autant de votre temps pour maintenir cette école parfaite, explique-t-elle doucement

-Très bien, retournez-vous coucher, réplique sèchement le directeur

Tous les professeurs sortent puis je sens un souffle s'approcher de mon visage. La voix du directeur résonne dans mes oreilles, coupante comme un poignard.

-Tu les as peut-être tous eu petite garce mais moi tu ne m'auras pas. Je te ferais ravaler ton ego et ta fierté. Tu auras si mal que tu me supplieras de te tuer. Je te fais une promesse: je te tuerais mais je le ferais lentement et douloureusement.

Je sens un sourire démoniaque sur son visage et je ne peux m'empêcher de frissonner.

Je tremble encore plusieurs minutes après qu'il soit parti. Je respire profondément et ouvre les yeux. Je me lève doucement. Je tire la porte de l'armoire. Solfian n'a pas bougé. Il sort de l'armoire puis murmure.
-Je vais le tuer de mes propres mains ce salaud.
Et encore, il n'a pas entendu le pire.

-Tu devrais dormir ici. Les couloirs ne sont pas sûrs.

-Sur le fauteuil? ajoute-t-il

Je sens bien le sourire dans sa voix. Je ne comprends pas ce qu'il y a de drôle dans ce que je dis.

-Euh... oui dans le fauteuil pourquoi ? Tu veux que je te laisse le lit?

-Oh non ! Ne t'inquiète pas!

Je l'entends qui s'assoit dans le fauteuil. Je retourne dans mon lit. Je ne lui dirais pas mais sa présence me rassure. Je suis contente qu'il dorme dans ma chambre. Je ne serais pas toute seule pour me défendre contre ma folie.
Dès que ma tête entre en contact avec l'oreiller, je m'endors malgré les menaces du directeur qui résonnent encore dans ma tête.

Je m'avance doucement en tremblant. Le cœur au bord des lèvres, je frappe à la porte en bois.
-Entre, me réponds une voix grave
J'entre et le directeur me sourit. Il est assis et me toise en souriant de derrière son bureau. Je m'assois puis il me pose des questions. Elles sont flous lointaines pourtant je réponds. Je n'entends pas ce que je réponds comme je n'entends les questions. J'entends juste mon cœur qui résonne dans mes oreilles. Puis soudain, il se jette sur moi. Il m'embrasse mais ses lèvres me brûlent la peau. Dans ma tête, les phrases tournent en boucle et se mélange.
"Si tu veux rester en vie, tu te laisses faire"
"J'aurai largement le temps de m'occuper de toi plus tard"
"Je te tuerai mais je le ferais lentement et douloureusement"
Une voix vient couvrir les autres et se distingue. Elle crie. Je ne comprends pas ce qu'elle crie mais elle crie. Je plaque mes mains contre mes oreilles. Mon corps est traversé de spasmes. Non, ce ne sont pas des spasmes. On me secoue violemment. La voix crie: ISABELLE! RÉVEILLE TOI!
Je l'entends distinctement. Et puis...