17. #Looser

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Georges Grant est un enfoiré, n'ayons pas peur des mots. Non seulement il est dans mon bureau toutes les semaines, ce à quoi Jena a trouvé la parade parfaite avec un « safeword » : « Georges Grant est dans votre bureau », mais il tente d'inclure une multitude de clauses au contrat de vente. J'ai déménagé à l'atelier, l'endroit est plus calme. Les employés du service étaient un peu stressés de me savoir là mais, au bout de quelques jours à me voir scotché derrière mon ordinateur, des écouteurs dans les oreilles, ils se sont détendus. J'ai mieux à faire que les surveiller, j'ai des rapports annuels de performance pour cela. Je travaille sur de nouveaux algorithmes, mon cœur de métier. L'activité est chronophage, mais pire encore elle est immersive. La boîte tourne sans moi depuis quatre semaines, je ne vais pratiquement plus en cours et j'ai à moitié zappé miss42. Je crois qu'elle m'envoie des messages mais j'ai oublié mon téléphone personnel dans l'un des tiroirs de mon bureau, là-haut, avec son père. Le monde n'existe plus, je crois que je mange tous les jours, Jena m'amène régulièrement des plats et sandwichs, mais je ne suis pas sûr, et je m'en moque.

Cela ne fonctionne pas. Le pire est arrivé. L'algorithme ne fait pas ce que je lui demande. J'ai vérifié trois fois : pas d'erreur de compilation ni d'exécution. C'est « juste » un problème de conception. J'ai mal réfléchi, mal pris en compte les spécificités du langage, des machines, du réseau. Je vais en pleurer tant je suis énervé. C'est un bon sang de problème !

Jena arrive avec un plateau et une bonne nouvelle : Georges a quitté mon bureau.

— Il se dit insatisfait de la manière dont la vente est gérée, il espère un entretien la semaine prochaine avec vous.

— Les avocats...

— Suivent à la lettre vos instructions monsieur, monsieur Grant sait parfaitement que les clauses qu'om souhaite modifier ne peuvent l'être. Pour être honnête monsieur je pense qu'il souhaite un poste, rien de plus.

Jena a l'œil pour cela. Elle est capable de déterminer l'humeur d'une personne à sa démarche. D'après elle, Georges souffre de l'un de ces troubles classiques des hommes de pouvoir : il est incapable de céder la place qu'il occupe. Je remercie Jena, qui ne se gêne pas pour me suggérer une douche. Elle aurait pu subtilement le dire en me rappelant qu'un costume était arrivé et posé dans le dressing attenant à mon bureau, mais non.

— Monsieur, vous devriez prendre une douche, vous empestez la sueur.

Simple, clair, direct : Jena. Je la suis dans les étages et entre dans le bureau de Georges Grant, pardon, mon bureau. Les tiroirs sont verrouillés pour parer à ce genre de situations situation, qui explique également le manque de décoration personnelle. Je récupère mon téléphone qui affiche les 42 notifications de messages d'Aliénor, elle va me tuer, ou pire, me faire la tête. Je regarde l'heure, puis la date, puis les emplois du temps de la fac, qui a conçu un site aussi pourri ? Est-ce que ? Oui si je me dépêche cela pourrait coller. Je décroche mon fixe et appelle Jena pour lui demander si nous avons un chauffeur. Qu'il sorte la voiture, j'arrive. Je range quelques affaires dans un sac à dos, un téléphone, deux téléphones, et je quitte le bureau. David, l'un de mes collaborateurs, essaye bien de m'accaparer quelques instants mais il ne peut que m'accompagner dans l'ascenseur.

Il n'a que peu de temps pour m'expliquer son problème mais cela nous suffit. Il a besoin de contacts à l'international, contacts que Georges et son groupe vont nous apporter, mais ces gens manqueront de connaissances à propos de nous, pire encore nous ne les avons pas recrutés, David n'a donc pas confiance.

— Solution ?

— Une série de séminaires pour les former et vérifier leur loyauté, voire des licenciements.

JamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant