23. Cyber-attaque

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Demain est un meilleur jour hein ? Qui est l'abruti qui a pondu cette phrase « sensée » ? Tout avait pourtant bien commencé, je m'étais réveillé les bras enroulés autour de miss42, #bonheurtotal, puis Peter est allé nous chercher des scones pour le petit déjeuner avant de s'excuser platement une bonne centaine de fois.

— Non, disait-il, je ne veux pas vous embêter plus encore avec ça. Je suis déjà tellement al à l'aise d'avoir débarqué comme ça chez toi James, surtout que tu n'es pas seul. P*** quelle image tu dois avoir de moi euh...

— Aliénor, avait gentiment complété ma miss42 en lui offrant un café.

Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais elle était fraîche comme une rose dès le matin. Elle avait les cheveux devant les yeux et en broussaille, la marque de l'oreiller sur la joue et les paupières si proches qu'elle paraissait encore dormir, magnifique. Elle avait posé sa tête sur mon épaule et luttait pour ne pas se rendormir en écoutant les malheurs de Peter.

J'aurais bien aimé être le pote sympa qui écoute son ami pleurer la mort de sa relation avec sa copine mais j'avais du boulot, miss42 aussi. Elle s'était finalement éclipsée dans la salle de bain alors que Peter commençait à me donner tous les détails de sa soirée, enfin avant son blackout. J'apprécie Peter, vraiment, on passe de bons moments en soirée, mais je ne suis pas vraiment du genre social. C'est à Sean qu'il aurait dû s'adresser, pas à moi. Je me demande encore comment il a pu avoir l'idée de venir squatter chez moi. Je suis le dernier des mecs accueillants.

— J'aimerais rester avec vous mais je dois aller travailler, nous avait annoncé Aliénor en sortant de la douche.

Elle nous avait abandonné dans la foulée, à mon grand désarroi, sans même m'embrasser, sans même m'aider à virer Peter du studio. J'ai mis un quart d'heure à lui faire comprendre que je devais vraiment bosser.

Et donc maintenant me voilà enfin devant mon bureau, en retard, après trois quarts d'heure passés dans les transports. Inutile de dire que je suis un peu énervé. Jena m'accueille avec son sourire bref habituel. Je ne me féliciterai jamais assez de l'avoir embauchée, bon que ma mère l'ait trouvée et m'ait obligé à l'embaucher. Un café brûlant m'attend sur le rebord de son bureau, ainsi qu'une pile de dossiers recouverts de post-it, autant d'annotations effectuées avec soin par cette assistante de génie.

— Monsieur Cartwright vous attend.

Lorsqu'un comptable souhaite vous parler, ce n'est jamais bon signe. Cartwright & associés est un gros cabinet, réputé pour sa qualité et son sérieux... Et ses tarifs. L'homme est assis dans l'un des fauteuils face à mon bureau. Il se lève à mon arrivée, la poignée de main est cordiale mais l'inquiétude se lit sur son visage. Face à quel procès allons-nous encore faire face ? Cartwright a la délicatesse de me laisser m'asseoir avant de m'annoncer la nouvelle.

— Un piratage à grande échelle a lieu partout autour du globe. Des entreprises de nombreux pays sont touchées.

Oh mon dieu une vague de cyber-attaques, tous aux abris !

— Une rançon est exigée en échanges des données volées, poursuit le comptable que je vais bientôt virer s'il ne vient pas rapidement au but. Mais aucune garantie que les criminels ne gardent pas une copie de ce qu'ils ont pris. Vous avez embauché mon cabinet pour vos expertises comptables et je tenais à venir vous informer personnellement de l'état de votre cash flow. Nous procédons ainsi avec tous nos clients afin de les aider au mieux s'il s'avère qu'ils soient attaqués. L'un d'eux s'est retrouvé dans ce cas et nous l'avons aidé dans toutes ses démarches.

S'attend-il à des remerciements ? Par tous les bugs d'Explorer cet homme au costume sur mesure et à la montre en or est sérieux ! Je joue avec la première chose que je trouve sur le bureau. Le stylo tourne entre mes doigts, je tente de contenir mon rire en l'écoutant me décrire toutes les procédures qu'ils ont mises en place pour aider leurs clients à payer si besoin tout en gardant une certaine traçabilité pour aider la police dans ses investigations.

— C'est une procédure classique j'imagine monsieur Cartwright, vous démarchez tous vos clients sans exception.

— Tout à fait.

— Sans prêter attention à leur domaine d'activité.

— Bien au contraire, nous portons une attention toute particulière à chacune de nos entreprises partenaires, la vôtre par exemple est particulièrement à risque car vous évoluez dans le domaine des technologies de l'information et de fait vous brassez nombre de données sensibles.

— Cyber-sécurité, je précise.

— Pardon ?

— Nous travaillons dans la cyber-sécurité.

— Cela vous rend d'autant plus intéressant pour les pirates.

Je l'étrangle maintenant ou plus tard ? Garder son calme, garder son calme, je ne pourrais pas conclure avec miss42 si je vais en prison pour meurtre. Je suis un homme d'affaires respectable qui suit les consignes de son équipe de communication. Je n'ai pas suivi leur formation « humaine » pendant des mois pour tout détruire à cause d'un comptable. Rester zen...

Le stylo se brise dans ma main. Cartwright ne peut l'ignorer. Il me dévisage longuement, cherche sur mon visage l'origine de ma colère et enfin les deux neurones de son cerveau se connectent. Il recule dans son fauteuil et je le sens chercher ses mots d'excuses. J'inspire profondément, pense aux conseils de mon équipe de com, tire sur mes joues pour former ce truc que miss42 arbore toute la journée, un sourire, et répond de manière calme, posée et pédagogue.

— Monsieur Cartwright, je vous suis très reconnaissant de votre sollicitude, je vois que mon entreprise et ses intérêts vous tiennent à cœur. Sachez donc que si par malheur nous subissions cette vague de cyber-attaques que nous avons déjà repoussée une demi-douzaine de fois ces dernières semaines et que, toujours par malheur nos logiciels spécialisés dans la traque via la détection de traces ne parvenaient pas à les identifier et que nos propres outils de fouille furtive presque autorisée de serveurs sécurisés échouaient dans leur tâche de récupération de données j'aurais en effet besoin de vos services pour m'aider à sauver ma boîte de la faillite.

J'ai failli réussir à rester calme. Le ton n'est pas monté mais je gage que l'homme en face de moi a ressenti toute ma colère. Bon sang nous sommes une entreprise de cyber-sécurité ! J'ai l'un des meilleurs services informatiques du monde, ma réputation repose là-dessus ! Que s'imagine Cartwright ? Que je mets mes données confidentielles sur un Google Drive ? Sur un cloud Amazon ? Sur Facebook ? Qu'elles ne sont pas chiffrées ? Zen, je dois rester zen.

— Bien, déclare mon comptable en se levant. Vous avez mes coordonnées, vous pouvez nous joindre n'importe quand.

— Et je vous en suis gré, ainsi que de la qualité de votre travail. Vous gérez mes comptes Cartwright, laissez-moi la sécurité informatique.

Il sourit, un peu gêné, mais sincèrement, enfin j'espère.

— Ce serait plutôt à moi de vous demander conseil dans ce cas.

— Et ce serait avec plaisir, demander à mon assistante les coordonnées de nos commerciaux qu'ils vous envoient un expert afin de faire votre audit. Dites que c'est de ma part, nous serons aux petits soins pour vous.

Ne manquerait plus que mes données comptables soient en danger chez eux.

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Merci d'avoir lu ce chapitre ! 

Axel.

JamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant