9. Binaire

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Je quitte avec un mélange de regret et de joie ce déjeuner pour le moins surprenant. Anne est une femme très... intéressante. En plus d'avoir un sourire ravageur et plus de cervelle qu'il n'y paraît de premier abord elle m'a fait du pied pendant tout le repas. J'irai même jusqu'à dire qu'elle m'a plus dévoré du regard qu'elle n'a touché à son repas. Dieu que j'avais envie de savoir si elle emballait aussi bien qu'elle souriait.

Quant à Georges il s'est fourré le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Il a tenté de faire passer quelques clauses en douces, m'imaginant trop distrait par sa fille pour l'écouter, mais il a eu tort. Anne est belle certes, mais je suis sur cette terre depuis assez longtemps pour savoir qu'une fille comme elle n'est pas attirée par un gars comme moi. Pas gratuitement.

Mon iPhone vibre, Sean m'envoie un selfie de son salon de recrutement. Ah ah, il vient de tomber sur le stand de ma boîte. J'ignorais que nous en avions un mais rien d'étonnant. La partie communication ce n'est pas vraiment mon truc, j'ai délégué ça à un employé.

Il paraît que t'embauches mec, et tu préviens pas ton meilleur pote ?

C'est parce que t'es mon pote que je t'épargne la douleur de m'avoir comme chef.

Il ne peut pas me contredire, nous avons déjà eu cette discussion, plus d'une fois, et nous étions sobres. Enfin pas toujours.

L'appareil sonne, Sean veut des détails. Je m'empresse de lui répondre et hèle un taxi dans le même temps. Il faut que j'ôte ce costume, impossible de bosser avec ça sur le dos.

- James, j'écoute.

- Alors ce déjeuner ?

- Il m'a appâté avec sa fille.

- Elle est bonne au moins ?

- Une bombasse, ça a failli marcher.

Sean explose de rire au téléphone et me fait la réflexion que j'ai eu un peu plus tôt, aucune chance qu'elle s'intéresse à moi.

- Et la demoiselle de la fac ? Des nouvelles ?

- Pas encore mais je ne désespère pas.

Nous discutons encore un peu, Sean dans un recoin calme de son salon me raconte ses déboires avec les entreprises tandis que je l'écoute patiemment dans le taxi qui me ramène dans mon studio. Mon costume tranche un peu avec le décor mais dans quelques minutes je serai de nouveau moi.

L'invitation tient toujours ?

Comme quoi un simple SMS peut vous mettre en joie. Je réponds par l'affirmative à miss 42 puis lui propose un pub que je fréquente de temps à autre avec Sean et d'autres. Personne ne viendra nous déranger dans ce coin glauque. Ne reste qu'à patienter quelques heures...

Vais-je lui annoncer ce soir que je la rejoins elle et sa famille en Grèce ? Je doute qu'elle apprécie la surprise mais d'un autre côté si elle l'apprend ce soir elle va me bombarder de questions et, pire encore, se mettre à me juger. Et je n'ai absolument pas envie qu'elle me voit comme un portefeuille sur pattes.

Envie de me voir miss ?

Envie de quitter ce monde de faux semblants surtout, besoin d'air.

Pour sûr je ne ressemble pas à ces avocats qu'elle fréquente. Enfin, pour l'instant. Le service communication essaye de me transformer en une vitrine présentable de l'entreprise. Je n'aime pas du tout cela mais cela pourrait rapporter des millions, voire plus.

Cette dualité me pèse, plus que je ne saurais l'avouer. Je suis fatigué d'avoir à jouer le propret devant des investisseurs qui ne voient que des chiffres et oublient le simple fait que l'algorithme va avant tout changer notre façon de crypter les données. Quelle bande d'ignorants.

M'enfin, dans quelques heures je boirai une bière avec miss 42 qui me parlera de sa vie sans rapport avec la mienne. Sauf que c'est une héritière qui ne s'assume pas et se balade avec un pc prêt à rendre l'âme.

er5is

JamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant