James

24. (Il) légalité

Cartwright parti, ma véritable journée de travail pouvait commencer, mais c'était sans compter sur cet objet de malheur posé sur le rebord de mon bureau. Il sonne sans interruption depuis une demi-heure. Des employés, des clients, Jena... tout le monde semble avoir besoin de moi aujourd'hui. Pourtant rares sont ceux qui possèdent ce numéro, la majorité de mes contacts ne connaît que celui de Jena.

— James Wood.

— Xyrus Wood, me répond une voix familière. Cela nous fait un point commun.

Xyrus est un gosse de riche avec le sang bleu, difficile de croire que nous puissions être amis. C'est pourtant l'un des rares. Mes autres potes sont des amis d'enfance, trouvés au gré des années scolaires. Xyrus est le seul partenaire d'affaires avec qui j'ai sympathisé.

— Tu n'es plus en lune de miel ?

Il me répond en riant que non, il ne l'a d'ailleurs jamais été. Ce ne sont que des fiançailles, la lune de miel viendra plus tard.

— Il m'est néanmoins agréable de constater que tu portes un quelconque intérêt à la vie sentimentale de tes amis, bien que nous soyons nettement moins intéressants que tes ordinateurs.

— Je bosse Xyrus.

Ou j'essaie.

— Vu que tu as parlé d'Ellya...

— De qui ?

— Ma fiancée, Ellya.

Il va falloir que je retienne son prénom, je parie un bitcoin que Xyrus va m'inviter à dîner avec eux et me proposer de me présenter quelques-unes de ses amies célibataires. Soit je devrais lui parler d'Aliénor, soit j'accepterais de passer la soirée avec une fille qui me séduira autant qu'elle le pourra alors que je tenterais d'avoir un semblant de respect pour les conventions sociales.

— Tu m'appelles pour me parler de ta fiancée ?

— A vrai dire oui, tu as entendu parler du scandale de sa famille n'est-ce pas ? Je t'ai envoyé des messages à ce sujet la semaine dernière.

J'attrape mon portable et y jette un œil, Xyrus m'a envoyé une dizaine de liens vers des articles traitant d'une vague affaire familiale.

— Fais-moi un résumé...

— C'est du vent, on s'en fiche, me répond Xyrus, mais le fait est que la presse, surtout son pire volet, s'en donne à cœur joie. Et Ellya est assez... Disons qu'elle est comme tout le monde, elle n'a pas eu un James Wood pour lui prouver qu'elle gérait mal sa vie sur le web.

Xyrus m'a vendu la création du site web de mon entreprise. Cela impliquait que son équipe ait un accès direct à une partie de nos informations. C'est pourquoi je me suis livré à un petit test. Rien de bien méchant, monsieur Wood était si sûr de ses équipes, de ce que nous pouvions faire ensemble, que j'ai un peu fouiller sa vie. Lui aussi était « comme tout le monde » avant.

— Tu veux que je craque ses comptes en ligne ?

— Un en particulier, tu ne devineras jamais où elle héberge ses données...

Au sourire que j'imagine étalé sur son visage je comprends sans peine et devine aisément. Ce fournisseur est une véritable passoire.

— Dis-lui d'en changer et ce sera bon.

— Elle est en train de s'installer au château familial, et avec cette histoire de famille elle m'écoute à peine. Ma mère insiste pour que rien ne puisse entâcher ma réputation ou celle de l'entreprise.

— Donc elle veut que je nettoie l'image internet de ta fiancée ?

J'aime cette dame, elle a la tête sur les épaules. Elle sait que tout ce que l'on sème sur le net peut nous nuire.

— Oh non, elle veut que je rompe les fiançailles.

— D'accord.

S'en suit un blanc, j'ai merdé, je sais que j'ai merdé. Je devrais lui dire un truc sympa, mais je ne sais pas lequel. Les relations sociales ce n'est pas mon fort.

— Il faut que tu m'aides James.

— Il y a des entreprises spécialisées pour ça.

— Il me faudrait tous ses logins et mots de passe. James, s'il te plaît, je n'ai pas envie de la quitter.

Il y tient à cette nana, il a dit « s'il te plaît ». Je me demande ce que dirait miss42. Elle n'aimerait probablement pas me savoir fouillant dans la vie privée de quelqu'un, déjà que je n'aime pas ça. Les gens n'ont qu'à mieux gérer leurs affaires.

— C'est illégal Xyrus.

Complètement illégal même, au niveau des lois de la Grande-Bretagne, au niveau des lois européennes, je suis sûre qu'il y a même un truc niveau mondial. Pas besoin d'être un juriste pour savoir que cela ne se fait pas.

— Et si ça arrivait à ta copine James ? Imagine qu'un jour tu sois en couple et qu'une chose pareille vous surprenne. Ne voudrais-tu pas la protéger ?

C'est vrai, je ne lui ai pas encore parler de miss42. Mon cœur se serre, il touche la corde sensible cet abruti.

— Envoie-moi tout ce que tu as.

Je rentre chez moi, je ne peux pas faire ça depuis le boulot, je serais sur le réseau de l'entreprise et cela la rendrait coupable. Hors de question qu'elle coule sous les procès parce que j'ai aidé un amoureux transi.

— Je t'en serai redevable.

J'y compte bien.

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