Show Me You Care

Chapitre 5

L O U I S

Neuf jours. Neuf jours que cet abruti a collé sa bouche à la mienne. Neuf jours que je n'ai pas vu sa tronche. Neuf jours que j'essaie de me convaincre que ce n'est pas arrivé.

« Tu vas faire comment, pour l'exposé ? »

Neuf jours que je me demande ce qu'il devient maintenant que je ne vais plus le voir le soir.

« Je pensais pas qu'il arrêterait l'école... »

Neuf jours que la seule personne à laquelle je pense, c'est lui. Même si c'est parce que je le déteste, il occupe toutes mes pensées. Il m'obsède.

« Pourquoi tu penses qu'il a arrêté ? Peut-être qu'il a simplement changé de lycée ? »

Neuf jours qu'il me hante au point de m'endormir en pensant à ses lèvres et de me réveiller en en ayant rêvé toute la nuit. Ses lèvres. Ses. Lèvres.

« Louis ?

– Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a encore ? Tu vois pas que je suis occupé ? »

Eleanor me regarde un moment, pas sûre de la réaction qu'elle doit adopter. Elle regarde autour de nous avant de reporter son attention sur moi – mais c'est vrai qu'elle est chiante à me parler sans cesse. Merde.

« Euh... occupé à quoi ? »

À rien, évidemment. Enfin si, à penser à Styles. Rien que de réaliser ça, j'ai envie de vomir. Je suis tellement occupé à penser aux lèvres parfaites de l'autre demeuré que j'en oublie celles de ma propre petite amie. Alors pour y remédier – et aussi pour la faire taire – je l'embrasse longuement. Mais il n'y a rien à faire : les lèvres d'Eleanor se sont pas aussi parfaites que celles de Styles. Ce n'est pas comme s'il m'avait embrassé longtemps, ce n'était même pas un vrai baiser, juste ses lèvres sur les miennes. Quelques secondes à peine. Sauf que ça suffit à me perturber. Je romps le baiser avec Eleanor. Elle ne sait pas que c'est parce qu'elle n'est pas à la hauteur. Elle ne sait pas que je pensais à quelqu'un d'autre en l'embrassant. Elle ne sait pas non plus que je ne la supporte plus. Alors comme une idiote, elle sourit. Mais même son sourire m'agace. Le seul sourire que j'ai envie de voir, c'est celui de Harry. Parce que les fossettes qui creusent ses joues lorsque son visage s'illumine avec un sourire le rend adorable. Tellement qu'on aurait envie de le serrer dans ses bras pour le protéger et—

« Pourquoi tu souris ? »

Je souris ? Fais chier. Je le déteste tellement à cet instant précis que ça m'empêche de respirer convenablement. Comment est-ce qu'il a pu prendre autant de place dans ma vie, sans même que j'en ai conscience ? On n'a jamais parlé avant que je le questionne. Avant qu'il m'embrasse. Et d'ailleurs, je ne sais pas ce qui est le pire : que ce soit le raté du lycée qui m'ait embrassé ou que ce soit un garçon ? Ou encore... qu'il m'ait pris par surprise ou que j'ai envie de recommencer ?

Non.

Je n'ai pas envie. Enfin je ne crois pas. Peut-être que tout est faussé par la surprise ? Peut-être que j'ai embelli les choses sans le vouloir ? Ça doit être ça. Ce soir, je vais le voir, je l'embrasse, je déteste ça et on n'en parle plus. Jamais. J'suis pas gay, putain.

« Bon... Y a le prof.

– Cool.

– T'es sûr que ça va ?

– Ouais. T'inquiètes Eleanor, tout va bien. »

Elle hausse les épaules puis elle va s'installer avec son binôme de bio. En fait, quand j'y pense, ça fait presque un mois que Styles n'est pas venu et elle le remarque seulement maintenant ? C'était à ça que se résumait sa vie ? À passer inaperçu au lycée jusqu'à ce qu'un joueur de l'équipe ne lui tombe dessus et ne lui pourrisse sa journée ? J'veux dire... Il a déjà fait une tentative de suicide. Forcément qu'il a été absent plus d'une journée. Mais quand ? Je suis incapable de m'en rappeler parce que j'ai certainement estimé, à ce moment-là, que ça n'avait pas d'importance pour moi.