10 (fin)

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Il se massait le poing et avait le visage déformé par la rage. Je ne pouvais que le fixer, incapable d'avoir des pensées cohérentes. Il se tourna presque instantanément vers moi, me piégeant de l'intensité de ses iris, me plongeant dans un désarroi encore plus grand.  Il me prit brusquement le bras, m'obligeant à le suivre parmi la foule qui s'était agglutinée autour de nous. Les plus malins s'écartèrent en nous voyant arriver, les moins attentifs se firent bousculer sans ménagement par Sirius, et les plus idiots protestèrent mais se ravisèrent vite devant son expression.

Nous sortîmes de la salle, immédiatement submergés par un agréable silence, loin de la musique et des cris. Il m'emmenait dehors. Vraisemblablement sous « notre » hêtre. Je ne cherchai pas à dire quoique ce soit, dans la mesure où j'aurais été capable d'aligner deux mots s'entend. Je ne cherchai pas non plus à me dégager. De 1 : Sirius me tenait trop fermement, de 2 : Je n'étais pas certaine d'en avoir envie. Il était grand temps que nous ayons une conversation. Je sentais que son issue serait très importante. Elle marquerait soit un début... soit une fin.

Nous franchisâmes la Grande Porte et l'écart de température se fit immédiatement sentir. La brise glacée vint caresser mon cou nu, y faisant naître un long frisson.  Le sol était encore couvert d'un manteau blanc immaculé, le lac toujours gelé, le tout reflétant faiblement la lumière de la lune. C'était vraiment très beau, même si je n'avais pas vraiment la tenue appropriée. Si ça continuait, mes dents ne tarderaient pas à claquer.

Il me lâcha le bras quand nous parvînmes sous l'arbre. Je m'arrêtai instantanément alors qu'il faisait encore trois pas. Je me sentis encore plus glacée, maintenant que le seul point chaud que constituait sa main sur mon bras s'était volatilisé.

Le reflet de la lune sur la neige ne constituait pas un éclairage suffisant. Je distinguais à peine les contours du dos de Sirius dans l'obscurité. Je pris ma baguette dissimulée sous le tissu de ma robe et fit apparaître une flamme qui flottait dans les airs. Elle n'éclairait pas beaucoup, mais ajoutée à la lumière naturelle, c'était suffisant. Sirius était dos à moi, le visage légèrement incliné de côté, fixant le sol. Ses mains tremblaient. De colère ?

Je ne savais que dire. Surtout qu'il semblait à bout de nerf. Je ne savais pas que Costin lui était si insupportable. « Oh oui, bien sûr, c'est Costin qui le met dans cet état et pas le fait que tu dansais avec lui ! » Tout à fait. Il s'en fiche totalement de ça. «  Mais oui ! Et d'ailleurs ce n'est pas du tout le fait non plus qu'il avait les mains sur ton popotin qui l'a mis en rogne ! » Tu piges vite. S'il lui a foutu un pin c'est uniquement parce qu'il ne peut pas le blairer. Qui pourrait le lui reprocher ? « T'en démordra pas hein ? En attendant, il risque pas mal de détentions »

-      Tu n'aurais pas dût le frapper, dis-je d'une voix que j'aurais aimé plus assurée.

Il se retourna vivement, les sourcils froncés, la bouche ouverte d'indignation.

-      Il t'a touché les fesses ! Hurla-t-il 

« Qu'est-ce que je disais ? » La ferme.

Ses yeux trouvèrent les miens, et ce fut comme si on me versait un saut remplis d'émotions contradictoires sur la tête. On se contemplait simplement. Sans un mot. Juste un regard. Mais qui signifiait tellement plus que tout ce qu'on aurait pu se dire...

Les yeux sont le miroir de l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant