Par Stefette.
Quatre-cents vingt-deux jours.
Ce matin en posant un pied à terre cela faisait exactement quatre-cent vingt-deux jours que j'étais seule. Quatre-cents vingt-deux jours qu'il n'était plus là. Parti. Mort. Pour toujours et à jamais.
Les premiers temps, il m'avait été tout simplement impossible ne serait-ce que de mettre un pied à terre le matin. Comment perdre son mari, l'amour de sa vie, de manière aussi brutale, aussi injuste, et s'en remettre après ? Je pensais sincèrement cela impossible. Pour moi Lorenzo était et resterait toujours le seul et l'unique.
Nous nous étions rencontrés alors que j'avais à peine dix-huit ans et lui vingt-cinq. Il venait d'ouvrir son restaurant et moi je cherchais un endroit où organiser l'anniversaire surprise de ma meilleure amie, pour cela, je faisais le tour de toutes les adresses sympa et pas trop cher du quartier. Je me souviens encore de son sourire quand j'ai poussé la porte pour lui demander quel type de menu il pouvait me proposer. Je me souviens de sa main posé sur le bas de mon dos alors qu'il me proposait d'aller m'assoir pour que nous discutions tous les deux de tout ça. Je me souviens de son regard sur moi quand je lui expliquais ma passion pour Dali après avoir vue une de ses horloges molles tout droit sortie de « la persistance de la mémoire » accrochées au mur. Je me souviens de son rire gêné alors qu'il m'expliquait que cette horloge était un cadeau d'un de ses amis et qu'il n'en connaissait pas la signification. Je me souviens de tout. De notre première rencontre jusqu'à ce coup de téléphone que j'ai reçu il y a maintenant quatre-cents vingt-deux jours m'annonçant qu'il était urgent que je me rende à l'hôpital de la Tour. Mon mari y avait été admis quelques heures plus tôt. On ne me donna pas plus d'informations et sur le moment tout ce que je retins fut « mari, hôpital, urgent » En même temps avec le recul, il n'y avait au final que ça à retenir.
Je n'ai pas voulu prévenir notre fils tout de suite. Après tout, je l'aurais appelé pour lui dire quoi? Que son père était à l'hôpital pour je ne sais quelle raison et dans je ne sais quel état? Hors de question pour moi de l'alarmer inutilement, alors je lui avais juste envoyé un message pour lui dire que son père et moi n'étions pas à la maison et qu'il n'avait qu'à se faire des pâtes ou se commander une pizza pour le repas du soir.
Le trajet en voiture jusqu'à l'hôpital avait été fait dans l'inquiétude. Comment Lorenzo allait-il? J'essayais de ne pas penser au pire. Je n'avais même pas conscience de ce que pouvait être le pire en fait, jusqu'à ce que j'arrive au service des urgences et que j'énonce le nom de mon mari. La personne à l'accueil me dit d'attendre un instant, qu'un médecin allait venir me parler, la voix de cette jeune femme me parut légèrement tremblante et son regard fuyant, mais sur le moment je n'y fis pas attention. Ce que je remarquai par contre ce fut le visage préoccupé du médecin quand il vint me chercher pour m'emmener dans son bureau. Il m'expliqua que mon mari avait eu un grave accident, il s'était fait renverser par une voiture alors qu'il traversait au feu rouge. Il était au téléphone avec un fournisseur et n'avait pas fait attention, la conductrice de la voiture ne l'avait pas vu et l'avait percuté de plein fouet. Lorsque les pompiers étaient arrivés sur place, il n'y avait déjà plus rien à faire. C'était fini.
Je me lève et sors de ma chambre sans faire de bruit, ne voulant pas réveiller mon fils, Thomas et son meilleur ami Alexandre. Je me dirige vers la cuisine et me fait couler un café. Il est onze heures passé, je décide de ne pas rien manger, le déjeuner étant dans peu de temps. Je prends ma tasse et vais m'installer à l'extérieur. Le soleil tape fort ce matin et ma peau lui en ai reconnaissante. J'enfile mes lunettes de soleil laissées la veille sur la table et respire à fond plusieurs fois de suite. L'air marin qui s'infiltre dans mes narines jusqu'à mes poumons me fait un bien fou.
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