Los Framos

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Par Leilou

- Votre passeport, madame.

- Mademoiselle, ça ira aussi, je bougonne en tendant mon document à l'hôtesse chargée de l'enregistrement de mes bagages.

Je regarde l'heure sur mon téléphone. 7h54. Fais chier, encore 3 bonnes heures à poireauter. Dans un terminal blindé. Qu'est-ce qu'on avait besoin de se pointer autant de temps à l'avance ? Pour arpenter le duty free, je présume. Mon passeport dans ma besace, ma grosse valise avance sur son tapis roulant, en direction du zinc dans lequel je poserais mon cul pendant plus de onze heures. Pourquoi déjà s'infliger tant d'avion ?

Je me retourne vers Laurine, qui m'attend, prête à aller claquer sa thune dans des parfums et des fringues alors qu'on est même pas encore parties. Débarrassées de nos valises, je propose qu'on aille d'abord se prendre un petit déj'. Mais le genre de petit déj de grosses. Même pas sûre que l'avion arrive à décoller avec nous deux à l'intérieur.

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- T'as de la mousse de lait partout sur la tronche, Vaness'!

 - Cool, je marmonne en m'essuyant vaguement les contours de la bouche.

J'avale sans trop tergiverser sur la quantité de calories déjà ingurgitées avec les deux croissants au beurre précédents, mon troisième. Cette fois-ci, un pain choco-banane. Histoire de ne pas partir le ventre vide.

Ça fait trois semaines. Trois putain de semaines où je graille à peine, bien trop occupée à chialer, picoler, vomir, et pioncer. Mon estomac risque de tiquer avec toute cette bouffe d'un coup, mais je crois que j'en ai besoin avant d'affronter ces onze heures de vol sans pouvoir cloper, prendre l'air ou même hurler.

Hurler parce que j'en ai clairement marre de ma vie. Et qu'hurler est finalement un des seuls moyens encore pas trop néfastes pour mon corps d'exorciser ma colère. Celle qui me bouffait sournoisement les entrailles depuis de longs mois.

- Plus que deux heures, je propose...

- Un tour chez Marlboro, si vraiment t'insistes... Mais tu n'échapperas pas à Gucci, Hugo Boss et ce bon vieux Hermès...

Je soupire, je repose ma tasse de chocolat viennois vide et plante mes yeux fatigués dans ceux de mon amie, la seule, la véritable, qui ne m'a pas tourné le dos. Et qui continue à être à mes côtés, quoi qu'il arrive. La preuve, j'ai émis le besoin de m'aérer. Dans la minute, le billet était réservé sur le net, et elle avait appelé un de ses contacts qui a une villa sur les hauteurs de Cabo San Lucas au Mexique. Elle m'a suggéré d'aller m'enterrer là-bas le temps que j'aille mieux. Et elle ne voyait pas pourquoi j'irais seule. Alors c'était impensable qu'elle ne m'accompagne pas.

La voilà à côté de moi, son bras coincé dans le mien, à commenter chaque devanture de magasins de luxe. Elle les squatte à l'année à Paname, pourquoi m'emmerder avec toutes ces boutiques pour péteux ici. Ah, pour les – 30 % affichés en gros sur la vitrine. Je lève les yeux au ciel et la suis à contre cœur chez son meilleur pote, Dior.

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- J'adooooore, s'extasie Laurine devant un mannequin portant une robe courte, à sequins dorés.

- Mouais... je te laisse, je vais vite me prendre un ou deux paquets de clopes supplémentaires.

- Tu pourras t'en acheter là-bas pour 3 dollars.

- Je fume que ce qui est français, je raille en quittant la boutique pour rejoindre le tabac d'en face.

J'y pénètre, et tente de me frayer un chemin entre les étalages d'alcool, de cigares et de cartouches de clopes. Et surtout éviter cette bande de mecs, tous en jogging, à jurer comme des charretiers et hésiter bruyamment entre des Camel et des Lucky Strike.

One shotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant