Un jeune homme planta ses crocs dans le cou d'un clochard qui traînait dans les champs de cannes à sucre. Il se lécha les lèvres et prit une moue dégoûtée. En effet, ce sang était infect ! Si bien qu'il se demanda même si ce n'était pas de loin le pire sang qu'il n'ait jamais bu en six siècle et demi ! Légèrement étourdi par ce sang assez dégoûtant il décida de partir à la recherche d'un breuvage plus potable.
Il faisait sombre en plein jour dans les ruelles mal famées de la ville où la crasse cachait même le soleil. Circulait un jeune homme un peu trop bien habillé pour fréquenter ce genre d'endroits. Il passait, inconscient du danger. Derrière les portes et les fenêtres apparaissaient des yeux, dénués de tout visage. On l'observait, on le jugeait. Il ne semblait pas gêné et balayait la zone du regard. Ses yeux bleu turquoise se posèrent sur un être recroquevillé par terre qui semblait tremblant ... de froid ? Lentement il s'agenouilla devant lui et le releva. L'homme le fixa avec un regard hagard avant de sourire comme s'il venait de comprendre quelque chose. Le clochard chancela sur ses jambes et s'accrocha aux épaules du jeune homme.
Pris d'une pudeur soudaine, il empoigna, dans la pagaille de son campement de fortune, une bouteille d'eau et la versa sur son visage et sa nuque. Son vis-à-vis le laissa faire avec un petit sourire compatissant. Les yeux s'étaient retirés loin des fenêtres et des portes. Aucun témoin de la fin de cet homme. Presque avec tendresse, le beau brun prit sa victime dans ses bras. Avec une douceur inaccoutumée, il planta ses canines acérées dans le cou de sa proie. Quelques gouttes suffirent à lui faire perdre toute sa réserve et il aspira goulûment le sang du sans abri. Rapidement, sa soif fut hors de contrôle et il devint frénétique. Le corps du sans domicile fixe fut pris de soubresauts. Dans un élan de lucidité l'homme parvint à articuler : « Seigneur tout puissant, pardonnez-moi mes péchés. » La fin de sa phrase dérailla et perdit toute sonorité humaine. Enfin son bourreau le lâcha et il tangua. Les lèvres du brun étaient couvertes d'un rouge vif et étirés en un sourire d'excuse. Imperturbable, il regarda sa proie vaciller et rendre son dernier souffle en heurtant le sol dans un bruit mat. Il se lécha les babines en une ultime délectation macabre puis reprit sa route comme si de rien n'était.
Même s'il avait bien bu, ce sang était dégoûtant ! N'y avait-il donc pas sur cette Terre un breuvage digne de son rang ? Il se mit alors en quête d'une personne dont le liquide vital serait de meilleure qualité. Il se rappela alors que la ville comptait un parc ou plutôt une espèce de sylve sauvage délimitée par des rochers çà et là. Il n'en fallut pas plus pour le décider.
Il abusa de sa vitesse exceptionnelle pour se rendre dans le dit lieu. C'est alors qu'il fut horrifié. Un parc pour enfants. Les autorités avaient fait de son terrain de chasse préféré un parc pour sales mioches ! Il serra si fort des poings qu'il se fit saigner lui-même. En colère, il se glissa dans ce qu'il restait des « bois ». L'individu réprima un juron. Les lieux étaient désespérément vides !
Il s'apprêtait à partir lorsqu'une voix parvint à son oreille. Il obliqua derechef dans cette direction. Il trouva une jeune fille adossée à un arbre, ses écouteurs dorés dans les oreilles, qui écoutait une musique tout en chantant. Il devait être à moins de deux mètres d'elle lorsqu'une légère brise et emporta son odeur dans sa direction. Le sang du brun ne fit qu'un tour. Il dut se retenir pour ne pas lui sauter dessus. Sa gorge le brûlait comme si le feu consumait son œsophage. Il se sentait indéniablement attiré vers cette fille. À vrai dire, il était complètement envoûté par la voix de sa belle inconnue. Inconsciemment, il renifla son odeur : une fragrance si suave qu'il voulut s'approcher pour pouvoir capter encore un peu les effluves de son futur repas ? Il se déplaça donc derrière le chêne mais alors qu'il faisait un pas pour s'appuyer sur le gros arbre il broya, par mégarde, une branche sèche qui traînait sur le sol. Pris d'une panique soudaine, il s'enfuit à toute allure.
Il observa sa réaction d'un peu plus loin. Elle avait sursauté et fait volte-face. Pendant quelques secondes, elle sembla perturbée puis finit par reprendre ses activités. Une poignée de minutes plus tard, la jeune fille se leva, rassembla ses affaires et partit d'un pas calme. Comme un idiot, il resta à la regarder, terrifié à l'idée de lui faire du mal.
Lorsque son odeur disparut totalement du parc il retrouva enfin sa mobilité. À l'image d'un automate, il pivota sur lui-même et s'en retourna chez lui. Pour la première fois de sa vie il avait laissé une proie s'échapper. Jamais personne ne lui avait fait un tel effet...
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Bloody Attraction : Sangsitive
Vampire"Il est dit que les vampires descendent des chauves-souris. Nous sommes des bâtards : moitié-humain, moitié-animal. Si certains de nos gênes continuent de s'exprimer, nous laissant notre apparence humaine, d'autres en sont définitivement altérés. Co...