Charlotte Jay Hazelwine

156 22 10
                                    


Charlotte Jay Hazelwine était une fille qui ne pensait pas à l'avenir. En partie parce que le sujet ne la passionnait pas beaucoup, mais surtout parce qu'elle ne savait rien de ce qui pourrait constituer le sien. Et quand elle y pensait, elle se disait que tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle aimait le bruit des vagues, l'odeur après la pluie, les poèmes originaux et ceux qui marchaient en observant les nuages. Quoique ça n'ait aucun rapport avec l'avenir, chose qui l'exacerbait encore plus. C'était sûrement pour cela elle n'a jamais voulu répondre à la question qu'on lui a répétée toute son enfance : « Tu feras quoi plus tard ? » ; elle faussait l'exaspération alors, mais dans son esprit, ça fumait : Que faire plus tard ? Que faire plus tard ? Que faire plus tard ? Pour elle, la réponse était simple : je veux être une artiste. Pas la peine de préciser que les adultes ne comprenaient pas.

Déjà petite, c'était une teigne : elle jouait des tours aux clients dans la boutique de sa mère, partait faire des « expéditions scientifiques » dans les bois pour revenir pleine de boue et grimpait aux arbres en chantonnant les chansons des Beatles qu'elle entendait dans les restaurants où les plus grands dansaient ensemble. Alors il était certain que c'était peine perdue de demander à une fille dans ce genre-là quel métier elle voudrait faire.

Au final, quand Charlotte Jay Hazelwine commença à s'intéresser aux artistes en tous genres, elle finissait par répondre comme John Lennon : je veux être heureuse. Charlotte était une fille simple, en somme. Il lui arrivait de faire des choses étranges, comme entourer ses cicatrices au stylo et faire comme si son corps était une carte remplie de petites îles, faire des cabanes de draps dans sa chambre et chuchoter des jolis textes comme si c'était une prière. C'était une grande enfant. Et les grands enfants ne pensent pas à l'avenir. Ils sont éternels.

youthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant