Charlotte sonna à la porte. Le temps qu'on ouvre, elle regarda la maison qui lui faisait face : une grande habitation bleue aux volets blancs lui rappelant quelque peu les petites maisonnettes parisiennes qui entouraient le quartier de son père sur ses photos d'avant qu'il n'aille aux États-Unis. Une grande dame accompagnée d'un dalmatien ouvra la porte, un verre d'eau de vie à la main. Elle dévisagea Charlotte.
- Pas encore, gémit-elle.
Charlotte cligna des yeux plusieurs fois, analysant ce qu'elle venait de dire. Elle envisagea la meilleure des réponses.
- Bonjour, piailla-t-elle. Je m'appelle Charlotte Jay Hazelwine.
La mère de Joy soupira.
- Entrez. Joy est dans le jardin.
Charlotte la suivit.
Le jardin fut le plus beau des jardins que Charlotte ait vu. Une ribambelle de pantes avaient l'air de tournoyer autour d'un petit lac, bercé par le vent et du liège grimpant suivait les dalles menant à une piscine creusée. Tout au fond du jardin, il y avait trois grands saules pleureurs en dessous desquels se trouvait Joy, qui lisait tranquillement un magazine. Charlotte et la dame au dalmatien s'approchèrent d'elle et Charlotte remarqua que son amie se faisait mouiller par l'arroseur automatique et que Joy n'avait pas l'air de s'en soucier plus que ça. Ce qui n'était pas le cas de sa mère.
- Joy, soupira-t-elle, tu es sous l'arroseur.
- Je sais.
- Tu te mouilles.
- Regarde, j'ai un maillot de bain. C'est fait pour ça.
- Et où as-tu trouvé ces lunettes de soleil ? Tu les as volées ?
- À ton avis, Mary-Beth ?
Mary-Beth regarda Joy.
- Oui. Tu es une voleuse.
Joy perdit son sourire. Elle regarda Mary-Beth un moment puis chuchota:
- Si c'est ce que tu penses.
Une gouttelette tomba sur les taches de rousseur de Joy. Elle tourna la tête pour se concentrer sur son magazine, et Mary-Beth s'en alla.
Charlotte se mit à côté de Joy. Elle posa son dos sur l'herbe mouillée. Son uniforme se remettait déjà à prendre l'eau.
- Tu les as vraiment volées, ces lunettes ? demanda-t-elle, ce qu'elle regretta aussitôt.
Joy la regarda par-dessus sa paire.
- Oui. À John Lennon (elle gloussa). Arrête de faire cette tête, elles étaient offertes avec le magazine.
Charlotte ne répondit rien. Elle regarda le ciel tandis que Joy lisait ses articles à voix haute.
- Kurt Cobain a dit : "je ne veux pas que le grunge devienne une mode. Le grunge est anticonformiste ; la mode non."
- J'ai entendu parler de ça à la radio, dit Charlotte. Il a aussi dit qu'il n'aimait pas que les gens entendent leurs chansons sans écouter les paroles.
- Ça se comprend, aussi. Les chansons de Nirvana sont tellement profondes, ça me ferait chier d'écrire un truc magique que personne ne lit. Oh! Lady Diva !
Le grand dalmatien était passé sous l'eau et s'affairait désormais à éclabousser le magazine de Joy, qui y avait jusque-là échappé.
Charlotte fit la moue puis se mit à rire si fort qu'elle crut sentir son thorax exploser.
- Lady Diva ? C'est ça le nom de ton chien ?
- Ouais.
- C'est une femelle, j'espère ?
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youth
Randomquand la lune rencontre le soleil : qui a peur de grandir ? qui a peur d'une muse consumée ? qui a peur de la mort ?