Chapitre 8 : How Soon Is Now ?

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CharlotteJay Hazelwine risqua un regard au dessous d'elle. Il y avait le vide, le vide sur plusieurs mètres, puis une bordure d'eau, certes, assez profonde, mais pas assez pour l'empêcher de frissonner. Elle devait bien l'avouer, ses jambes nues tanguaient un peu ; elle n'arrivait pas à déterminer si c'était son corps qui tremblait, ou alors si c'était le balcon du motel, sous le poids de ses amis. Derrière elle se trouvait Joy, puis Aaron et enfin Bees, dans cet ordre. Charlotte, dans sa démarcation naturelle, avait demandé à sauter la première, mais elle s'était à présent perdue dans sa contemplation du vide depuis quelques temps.

- Allez, fit Joy, qui était certainement la plus pressée des quatre. On va pas y passer la journée.

Derrière elle, Aaron semblait mourir de froid dans son sous-vêtement.

- C'est vrai, ajouta-t-il. Ne me dis pas que t'as la frousse, quand même ?

Charlotte s'indigna.

- Moi ? Non, impossible. J'ai jamais peur.

Elle réajusta son tee-shirt fétiche à l'effigie de Bowie, ôta sa paire de lunettes transparentes et désormais, elle ne voyait plus qu'un flou sous ses pieds. Étrangement, cela la rassura.

- C'est parti, chuchota-t-elle pour elle-même.

Puis elle sauta en silence, et il y eut un moment, un court moment où elle se sentit plus libre que jamais -
Jamais assez, et Charlotte eut l'impression pour un moment de flotter dans l'air, entre le Bates et le lac, entre le rêve et la réalité, et elle sentit qu'elle ne pourrait jamais plus s'en lasser, pas même le temps d'une éternité. Quand le corps de la petite fut propulsé dans l'eau, sa froideur lui fit reprendre conscience du monde. Son énergie la quitta, et l'impression entêtante que cet endroit relevait de la magie la gagna peu à peu. Elle fut tentée d'y rester pour un moment, au fond de ce lac, et d'y dormir ; mais sa conscience la rattrapa vite et elle remonta à la surface.

La blonde n'avait même pas encore ouvert les yeux qu'elle entendit Joy hurler avant de l'éclabousser dans un grand bruit d'eau, qui s'exaltait.

- Venez, vous deux ! cria-t-elle à l'intention d'Aaron et de Bees. C'est putain de génial !

- Merde, Joy, ria Charlotte en l'arrosant à son tour, Tu m'asperges !

Les deux derniers amis tombèrent en même temps. C'était le week-end et les chênes autour du lac faisaient pleuvoir des feuilles. Joy portait une légère robe, surmontée d'une grande veste en treillis encore bien au sec sur le balcon du troisième étage. Elle avait écrit "HOW SOON IS NOW ?" au feutre indélébile sur toute la longueur de son avant-bras gauche et l'eau le faisait dégouliner. Charlotte, elle, avait retiré sa jupe longue pour sauter ; Bees avait fait son apparition au Bates avec un maillot une pièce sous sa salopette. Aaron, lui, avait gardé tous ses vêtements. "Alors, Monsieur Overgaard est pudique ? Fais pas ta prude" l'avait taquiné Joy lorsqu'ils s'étaient tous retrouvés devant les murs jaune et décrépis de l'hôtel, et le garçon n'a alors qu'ouvert sa chemise dans un soupir. Joy s'était alors esclaffée de sa manière si particulière, comme si Diane se riait des damnés aux Châtiments. "C'est un plongeon, Aaron, pas un strip-tease au rabais". Dans leur étrangeté respective, le garçon l'avait rejointe dans son rire jusqu'à leur arrivée au balcon.

- Elle est super froide ! dit Bees en grelottant dans l'eau.

Charlotte tourna sa tête vers le ciel. Son bleu était éclatant, mais il était vrai que la température n'était pas des plus idéale. Elle se laissait flotter sur le lac en écoutant les corbeaux battre des ailes ; et le cours d'eau hésitant finit par la diriger en direction du bord du lac.

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