chapitre 3 Bordertime

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Bordertime était une de ces petites ville américaine semblable à des milliers d'autres, mais pour moi qui n'avait jamais quitter New York, c'était un endroit étrange.
Pas de foule anonyme qui se pressait sans rien voir autour d'elle, pas de rues qui se croisent et s'entrecroisent,  pas de building, de tour de verre, et surtout. peu de circulation, pas de sirène de police ou de pompier, de claxonne, de sans abri, de bagarres, bref, j'avais l'impression d'être arrivé dans un petit paradis de calme et de silence. Seulement voilà, je n'avais plus aucun repère, j'étais déconcertée et perdue.
J'entrais dans un café, le seul de la ville, tous les regards se posèrent sur moi, ça aussi c'était nouveau.
A New York, personne ne fait attention à vous.
- Bonjour,
La patronne me salua, une cinquantenaire rondouillarde à la mine avenante
- Bonjour, mademoiselle, et pour vous ce sera quoi ?
Je commandais un café et m'assayais à une table.
Il devait y avoir cinq ou six personnes, attablées ça et là, en couple ou à deux ou trois,  ils mangeaient bruyamment, parlait fort sans se soucier d'être entendu ou non,  s'interpelaient d'une table à l'autre, ou blaguaient avec la patronne, mais leurs regards ne cessaient de se tourner vers moi. J'étais l'attraction du jour. J'étais gênée, je n'avais pas l'habitude d'être observée comme une bête curieuse.
Après le repas, excellent, par ailleurs, je sortis la photo de Molly Joanson, et la montrais à la barmaid
- C'est Molly ! S'ecria t- elle. Ça alors, comment avez vous eu cette photo ?
- C'est une longue histoire, expliquai-je brièvement.
- Bein, j'sais pas c'que vous lui voulez, mais c'est trop tard, la pauvre petite est morte depuis longtemps.
- Oui, je sais, elle a été tuée par un chien errant
Un silence gêné s'installa quelques instant. Puis, un homme , Mince. Cheveux argenté, le bouc et la moustache blanche, s'accouda au comptoir et me fixa.
- Alors. Qu'est-ce que tu lui veux à cette pauvre Molly ?
J'hésitais sur la conduite à suivre, l'honnêteté ou le mensonge ? J'optais pour la vérité.
- Je crois que c'est, c'était ma mère.
Ma réponse déclencha un fou rire général.
- Ah ça ma petite, c'est impossible ! Me répondit Bertha, la patronne.
- Molly pouvait pas avoir d'enfant ! Reprit l'homme, près de moi.
- Molly s'est faite avortée quand elle avait seize ans. Une vrai boucherie ! Elle a bien failli y rester, pauvre môme ! Depuis elle pouvait plus faire de gosse. M'expliqua Bertha.
- Mais pourquoi tu croyais qu'c'etait ta mère ?
Je leur racontais alors mon histoire.
- Vous savez pas si un enfant aurait disparu dans le coin il y a quinze ans ?
Phil, l'homme du bar se gratta la tête.
- Pas que je sache ! Mais ça date pas d'hier, faudrait voir le bureau du shérif, ils auront p't'etre des archives.
- Faudrait voir Bernie Mac Kauley, c'était lui le shériff à l'époque. Si y a quelqu'un qui sait, c'est bien lui. Reprit Bertha.
- Tu crois que la pauvre Molly t'as kidnappée ? J'savais qu'elle etait cinglée, mais quand même ! Allez volé un gosse ! Poursuivit Phil.
Je fronçais les sourcils.
- Comment ça cinglée ?
- La pauvre môme avait plus toute sa tête depuis que son frère jumeau s'était fait tué par un loup ! Elle arrêtait pas de parler de loups garous, comme si ces choses là existaient !
J'equarquillai les yeux.
- Des loups garous ?
- Oui. Elle répétait à qui voulait l'entendre que son frère avait été tué par un loup garou ! Me répondit Phil
- Mais, qu'est-ce qui lui faisait dire ça ?
- Bah, le gosse traînait toujours du côté de hawkscreek, une réserve naturelle, c'est une ancienne réserve indienne, il y a pas mal de légendes sur cette tribu, il paraît qu'elle se changeait en loup les nuits de pleine lune, et la nuit ou le p'tit Billy est mort, c'était une nuit de pleine lune. L'en à pas fallu plus à Molly. Raconta Bertha.
- Elle arrêtait pas de dire qu'elle avait tout vu, qu'elle était la bas elle aussi.
- C'est dingue une histoire pareille ! M'exclamais -Je.
- Ouais, et ce qui est le plus dingue, c'est que Molly ai été tué par un chien, comme son frère ! Et comme par hasard, c'était aussi une nuit de pleine lune ! Je sais, j'ai vérifié. Reprit Phil d'un air entendu.
Au fond de moi, ressurgit une phrase que j'avais entendu à New York, "mais qu'est- ce qu'ils ont tous ce soir ? Je sais que c'est la pleine lune, mais quand même ! Je me souvins que la nuit ou j'avais failli tué cet abrutis à coup de batte de base-ball, c'était aussi une nuit de pleine lune. Je secouais la tête, c'etait idiot ! Les loups garous n'existaient pas, je me laissais gagner par l'atmosphère du lieu ! Et voilà, sortez une New-Yorkaise de chez elle, et elle s'imagine en être surnaturel. C'était stupide. Il fallait que je me reprenne !
Aussi, après avoir pris une chambre chez Bertha, je lui demandais l'adresse de l'ancien shérif et me rendis chez lui.

Bernie Mac Kauley m'affirma qu'aucune disparition d'enfant n'avait été signalée à cette époque, si ça avait été le cas, tout l'etat aurait été en alerte. Mais que si je voulais en savoir plus sur Molly, je devais interroger Douglas Swamsun, le petit ami de Molly, c'est lui qui l'avait mise enceinte.
Il était trop tard pour me rendre chez lui, aussi, je décidais d'attendre le lendemain.
Je me rendis à la bibliothèque et décidais d'en apprendre plus sur la tribu qui vivait dans la réserve dont m'avait parlé Bertha.

La lecture ne m'apprit rien de nouveau. C'était un tissu d'âneries, basée sur de vieilles légendes.
En revanche, ma visite à Douglas fut plus fructueuse.
Il me parla longuement de Molly, la présentant comme une jeune femme un peu perdue depuis le décès de son frère, mais incapable de faire du mal à une mouche, et encore moins à un enfant.
- Elle adorait les mômes ! M'avoua t-il, c'est pour ça que Billy et elle allaient à la réserve, ils jouaient avec les mômes des Forsyte
Comme je lui demandais qui étaient les Forsyte, il m'expliqua qu'ils étaient les nouveaux propriétaires de la réserve,  une riche famille avec de vagues origines indiennes, des gens sauvages qui ne se mélangeaient jamais aux autres habitants, ils vivaient en autarcie sur leur terre et ne supportaient pas les visiteurs. De quoi alimenter les ragots.
Je décidais qu'une visite de Hawkscreek s'imposait, ce serait donc ma prochaine étape. Machinalement, je vérifiais que le lendemain ne serait pas une nuit de pleine lune.









A L OMBRE DE LA LUNEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant