Edwin

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         Sur l'Esplanade Rouge, tout se passait très rapidement. Les loups faisaient des ravages, tuant et déchiquetant les gardes royaux sans toucher un seul cheveu des rebelles et des civiles encore sur place. Les cris de rage, de douleur, de détresse et de peur envahissaient le calme de la forêt alors que tout le monde semblait courir au hasard. C'était la panique.

        Othar s'assit sur le dos de l'énorme loup qui était venu à lui, non sans pousser un grognement de douleur. Des étoiles vinrent voiler sa vision quelques secondes alors que le monde tournait autour de lui. N'importe quel mouvement lui faisait souffrir le martyr.

        Après qu'il eut retrouvé une vision à peu près claire et stable, il observa ses mains, recouvertes du sang qui avait coulait le long de ses bras depuis qu'il avait été détaché, tremblantes comme des feuilles.

— Non. Je ne peux pas tirer. Je n'aurai pas la force de tenir mon arc fermement, et encore moins de viser correctement.

Anardil, qui était resté à ses côtés, suggéra à nouveau :

— Tu devrais t'en aller. Maintenant que les loups sont avec nous, les gardes n'ont aucune chance. Si tu te fais tuer, nous n'aurons plus personne à la tête de la rébellion, et nous aurons besoin de toi pour tuer le Roi et le Prince qui se sont enfuis.

Othar ne répondit pas de suite, se contentant d'observer autour de lui.

        Il avait vu Suron partir avec sa mère par les escaliers, son cœur était alors plus léger. Il la savait en sécurité. L'elfe se focalisa donc sur ceux qui le soutenaient au point de risquer leur vie pour lui épargner un supplice inhumain, sur ceux qui voulait une Forêt juste et heureuse. Sur ceux qui voulait faire tomber la couronne.

        Les elfes se battaient avec brio, munis des armes les plus fines et les plus légères au monde, forgées avec un savoir-faire unique. Le métal était plus blanc que les autres, reflétant le moindre faisceau de lumière avec une légère teinte bleutée, douce et captivante. Dangereuse. Mais les épées et poignards seuls n'étaient rien sans l'habileté des rebelles qui maniaient ces derniers avec rapidité et efficacité.

        Une vingtaine de soldats en armure dorée gisaient déjà sur le sol, alors qu'il en arrivait toujours plus. D'un rapide coup d'œil, Othar estima une soixantaine de rebelles sur l'Esplanade, et une vingtaine d'archers sur les hautes branches voisines. Il ne doutait pas une seconde de l'efficacité de ses elfes, les ayant tous vus au combat lors de batailles antérieures, d'autant plus que les loups faisaient des ravages.

        Soudain une flèche siffla. Eshkhan hurla.

        L'immense loup se pencha en avant, déséquilibrant l'elfe sur son dos tandis qu'il couinait et grattait son oreille droite avec sa patte avant. Automatiquement, le cœur d'Othar se mit à cogner fort contre sa poitrine alors que tout disparaissait autour de lui. Il ne voyait plus que son loup.

        Du sang s'écoulait de l'oreille du canidé, teintant ses magnifiques poils gris d'une couleur rougeâtre sombre à une vitesse inquiétante. L'elfe, les yeux écarquillés, toucha la plaie, ignorant les plaintes aigues de son ami, mêlant son sang au sien. La flèche lui avait transpercé l'oreille, déchirant sa peau jusqu'à l'extrémité.

        Othar serra les mâchoires en apercevant la flèche coupable, plantée dans le bois non loin d'eux, une touffe de poils sanglants accrochés à la tige de bois. Il fut néanmoins soulagé de reconnaître un simple projectile, et non une terrible flèche dentelée empoisonnée. Son cœur battait la chamade, renforçant l'hémorragie dans son dos, l'affaiblissant plus rapidement alors que les veines dans son cou se gonflaient à intervalles rapides. Ses yeux bleus, teintés d'une rage noire, se tournèrent vers une basse branche sur sa gauche pour y trouver un garde royal, un genou à terre, une arbalète dans les bras, près à tirer de nouveau.

La Fille Gelée et la Face CachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant