The same

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T'as cinq centimes ?

Non.

(les deux mains appuyées sur le comptoir, face à face avec un vendeur méfiant) Désolé, pas de petite monnaie.

(manières indulgentes et sereines) Je me charge du sac, (attrape la tondeuse électrique et la fourre dans une poche plastique, pousse Marlon devant lui).

(claquant la porte qui tinte, perplexe et sombre, à Gustave) T'as vu comment il me dévisageait ?

Et alors on s'en fout non ?

Non je m'en fous pas quand on me fixe et qu'on me prenne pour un timbré.

(s'arrête, haussant un sourcil) et bien c'est terminé maintenant, c'était un con et voilà. On les tond tes cheveux ?

J'hésite et rumine.

T'es marrant, mon moche amant. À aimer te comporter comme un enfant, un de ces gosses chiants et cassants. À aller en prison sans antécédent, pis à en sortir avec une gueule d'enterrement. Le Gus te trouve trop grand, le temps t'aillant tailler une carrure d'aspirant aux boites de calmants. Je ne te hais pas pleinement, mais, te voir ainsi en suspens, à l'attente d'un quelconque châtiment, d'un divin jugement... C'est dégoûtant. T'as l'air d'un clébard qui pisse le sang, et lentement tu te vides. Tu mens à Gus parce que tu manques de cran, oser croire au jour suivant c'est pourtant vraiment important. À toi même en te raccrochant à de vulgaires manants (ta mère que tu refuses d'appeler maman), il ne viendra pas en sifflant le changement.
Personne ne peux matérialiser un tel présent,

mais toi tu peux y consacrer ta volonté

Sortir du puant pour quelque chose de plus brillant. Ça se passe maintenant.
T'as rien de mordant, rien qui sorte vraiment du rang, et pourtant ...
J'arrive pas à t'accepter abandonnant le perpétuel mouvement ascendant, qui t'emmène frôler les plus beaux chants.
Quand tu seras là, je saurais que finalement t'as du cran, les tripes pour nager à contre-courant. Si tu as des plans et que Gustave les apprend, fais attention à l'overdose de vos sentiments. Deux comètes brûlant dans la chambre d'un appartement.
C'est si tentant de glorifier l'avant, usant malgré les bons plans et la frontière avec les jours filants. On passe cent ans à replanifier nos futurs criants, tandis qu'en un instant on s'éprend de ce matin, de ce printemps. Je te trouve bouleversant Marlon, si prêt de tes souvenirs d'antan, alors que tu sais pertinemment que le bonheur est un moment, que tout se vit pour la première fois, sans apprentissage de l'Histoire nous précédant.

Putain mais j'ai froid moi sans mes cheveux ! En plus ça va les traumatiser les gamins quand ils vont voir ma touffe au sol.

Tiens prends ça. Mon manteau pour te tenir au chaud. (sifflement quand il prend du recul) Mais c'est que t'es canon avec une tête de noix de coco.

Meurs.

(chantonnant) Une mèche s'échappe puis l'autre, bientôt un crâne rasé que j'aime bécoter, viens là que je te caresse mon petit chauve adoré.

Marlon et ses rimes de vie, lignes qui vibrent.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant