Chapitre 3 : D'une impression à la peur de l'inconnu

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Je suis parvenue, en partant de mes toutes première impression, à déterminer la mentalité de mes camarades. Bien sûr, je peux m'être franchement trompée, mais je crois être assez proche de la vérité en disant qu'Isaac n'a pas l'air d'être le genre de garçon qui se laisse facilement marcher sur les pieds. Je sens malgré tout que je peux lui faire confiance, ainsi qu'à Lia et Victor. Leur sagesse m'est rassurante.

Ted, je ne peux encore le discerner. Il faut que j'attende d'en savoir un peu plus sur sa personnalité.

La socialisation dans un univers parallèle est parfois beaucoup plus complexe qu'on ne peut l'imaginer...

Je m'engouffre dans l'étrange forêt, suivant le rythme de marche des autres adolescents. Au sol, la mousse est omniprésente. En levant les yeux, je remarque à quel point les branches des arbres sont tortillées de façon singulière, j'ai même l'impression que l'ensemble de la forêt nous observe.

À la hauteur de mes genoux, les plantes, fleurs et feuilles s'entassent. Certaines demeurent resplendissantes, mais d'autres surprennent par leur laideur inouïe.

Soudain, j'entends un bruit de craquement dans les branchages. Les quatre autres tournent aussitôt la tête à gauche à droite, cherchant la source du bruit. Dans un élan de courage, je ramasse une branche mousseuse se trouvant à mes pieds. Au-cas-où.

Ted, tremblant de tous ses membres, balbutie :

- Je vous l'avais bien dit ! Je vous l'avais bien dit que cette foutue forêt  me semblait dangereuse !

- Ferme-la, lui siffle Isaac, le regard fixé sur un quelconque buisson.

De ce fameux buisson surgit alors un petit animal, le museau pointé dans ma direction. À première vue, c'est un lapin. Je pousse un soupir de soulagement et manque même d'éclater de rire.

- C'est quoi ce truc ? s'écrie Ted.

Je fronce les sourcils, intriguée par son manque de tact. Franchement, le fait de ne pas reconnaître un simple lapin révèle une sacré lacune en matière de culture générale.

J'observe une nouvelle fois l'animal avec plus d'insistance, et ne peux m'empêcher de pousser une exclamation d'horreur.

La créature a environ la même taille, la même pilosité et le même aspect qu'un lapin, mais les similitudes s'arrêtent ici. Deux cornes grisâtres ont poussé à la place des oreilles, et la queue est beaucoup plus grande, beaucoup plus touffue, se rapprochant plutôt de celle d'un écureuil.

- C'est fantastique...murmure alors Victor.

- Cela m'a plutôt l'air inoffensif, constate Lia. On dirait presque une de ces peluches loufoques pour les enfants.

La créature mi-lapin mi-écureuil mi-chèvre ne me paraît pas du tout farouche. Elle fait abstraction de notre présence en se lèchant docilement la patte avant.

- C'est mignon, ne peut s'empêcher d'ajouter Lia.

Au bout d'un long moment passé à admirer la créature, Victor demande à l'ensemble du groupe :

- On continue ?

Les autres approuvent d'un signe de tête, et nous continuons notre découverte de l'autre monde après un dernier regard en direction du curieux animal. La luminosité ne cesse de diminuer, et les arbres obscurcissent le ciel sans astres, nous empêchant de voir distinctement les différents dangers qui pourraient surgir d'un moment à l'autre.

La peur de l'inconnu me vrille l'estomac. Il n'y a sûrement pas que des mignonnes petites créatures sur pattes dans cette forêt. Peut-être qu'une autre créature, beaucoup plus monstrueuse et féroce que la première, va apparaître de derrière un arbre dans quelques secondes...

Tandis que nous avançons dans la mousse et la flore, je repense à ma vie d'avant.

Comment se fait-il que je ne me rappelle de rien ?

J'essaye de chercher dans les tréfonds de ma mémoire, mais c'est le vide complet. Il ne reste plus que le souvenir de l'accident.

Ainsi perdue dans mes réflexions, je manque de foncer dans la silhouette immobilisée de Victor.

- Qu'est-ce-que...

- Un village, souffle-t-il.

- Quoi ? s'exclame Isaac, arrivant à notre portée.

- Regardez.

Je m'exécute et regarde dans la même direction que lui. En effet, j'aperçois difficilement ce qui me semble être une cheminée sur un toit en paille. Il y en a même plusieurs : ce sont des huttes.

- Mais qui peut bien habiter ici ?

- Les morts, sûrement, répond immédiatement Victor sans détourner le regard du village.

À l'annonce du mot "mort", Ted se met à grogner dans sa barbe. Isaac lui lance un regard noir, essaye de faire abstraction en lui tournant le dos et annonce à notre adresse :

- Arrêtons les hypothèses ! Nous avons devant nous la seule possibilité de connaître la vérité. Nous devons nous y rendre.

Ted, plus lent que jamais, nous supplie de l'attendre, tandis que nous nous élançons en direction des huttes, la curiosité passant avant toute prudence.

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