Chapitre 19 : D'une barque aux algues roses

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- Ne peut-on pas contourner le lac ? demande alors Lia. Parce que... je ne pense pas que l'on puisse atteindre l'autre rive à la nage. On ne la voit même pas, l'autre rive...

-Oui, avoue Arta. Mais il n'y aucun moyen de contourner le lac. Il faut absolument le traverser. De plus, la porte du monde des Vivants est juste devant nous. Elle est encore loin, mais droit devant. Je crois que...que...qu'il y avait, la dernière fois que je suis venu, des radeaux construits par les Travailleurs. Ils les avaient laissé à l'abandon, alors je vais essayer d'en trouver un.

Alors qu'il s'éloigne, j'observe l'ampleur de la saleté incrustée sur mes vêtements. Je soupire.

Prenant mon courage à deux mains et défiant mon habituelle pudeur, j'enlève mon tee-shirt et le laisse tomber au sol.

Je vois aussitôt Isaac me regarder avec des yeux ronds. J'ignore son regard et enlève également mon jean collé par la sueur contre mes cuisses.

Me retrouvant ainsi en sous-vêtements, indifférente au regard accusateur de Lia et à ceux incrédules des garçons, je me dirige vers l'eau et fait tremper mes vêtements.

Avec amusement, je vois que l'elfe fait de même avec son pagne. Il le remet sans attendre.

Je frotte les taches, essayant d'enlever le plus de saletés possibles. Puis je reviens du côté de l'extrémité de la forêt et fais sécher mes vêtements sur une branche.

Lorsque je me retourne, Victor a croisé ses bras tout en essayant de détourner son regard. Je lui en suis reconnaissante. Ted hausse toujours ses sourcils noirs et Isaac papillonne des cils, n'en croyant pas ces yeux.

Le petit elfe est en train de remplir ses deux grands seaux :

- Merci de m'avoir guidé, jeunes Vivants, gazouille-t-il en soupesant ses seaux alourdis. Puisse le sort vous être favorable.

Après un dernier signe de sa petite main sale, il s'éloigne en direction de la forêt.

Je crois que j'aimais bien cet elfe. Grâce à lui, le voyage a été moins monocorde...même si monocorde n'est pas vraiment le mot qui qualifierait notre voyage.

C'est à ce moment-là que Arta revient, trainant avec lui une espèce de barque en bois ne mesurant pas plus de deux mètres.

- Nous n'allons jamais tenir tous dedans ! lui fait remarquer Ted, un peu effrayé par cette idée.

- Évidemment, répond sèchement Arta. Il y en a une autre cachée derrière le buisson là-bas. Repartis dans deux barques nous allons tenir, j'en suis sûr.

À ces mots, Isaac et Victor partent dans la direction du buisson pour chercher l'autre barque.

Arta met à l'eau difficilement la sienne, puis relève la tête et me dévisage, surpris :

- Remets tes...heu...vêtements, conseille-t-il. Nous partons tout de suite.

Je remets donc le tee-shirt mouillé sur mes épaules, ainsi que mon jean ruisselant. Après m'avoir jeté un coup d'oeil étonné, il continue :

- Victor, Lia et moi-même dans la première. Isaac, Mélody et Ted dans la deuxième.

Nous embarquons sans un mot. Ted et moi poussons notre barque dans l'eau. Dès que je mets un pied à l'intérieur de la petite structure flottante, j'ai du mal à rester en équilibre.

Qui sait... ?

Je n'ai pas l'habitude, je n'ai peut-être jamais été dans un bateau, dans ma vie d'avant.

Je m'installe tant bien que mal dans la barque. Dès que les autres se sont assis à l'arrière, je prends une des deux rames prévues à cet effet.

Arta, dans l'autre barque, me fait signe que nous pouvons y aller.
Sans un regard en arrière, j'exerce mon premier coup de rame au milieu des algues rosées et vaseuses.

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