Chapitre 24 : D'une course-poursuite à la perte d'un ami

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Le souffle guttural s'intensifie rapidement. Les nombreuses silhouettes grises s'approchent de nous, zigzaguant entre les sapins.

Je réprime un sanglot.

- À mon signal, vous courrez sans un regard en arrière, murmure Arta.

Lia hoche la tête. Je me cache derrière un des sapins, m'apprêtant à courir.

- Un...

Mon destin.

- Deux...

La vie. Ou la souffrance.

- Trois !

Je ne veux pas mourir.
Pas maintenant, pas après tout ce que j'ai enduré.

Alors je cours. Le plus vite possible.
Je fonce à travers les sapins.
Le paysage est flou autour de moi. Je sens les branches griffer ma peau à mon passage, je ne vois plus aucun de mes compagnons. Il n'y a plus que moi et les Ombres Errantes.

Ma vie dépend de la vitesse à laquelle je cours.

Je dois atteindre la porte du monde des Vivants.

Je veux vivre !

Cependant je suis partie trop vite et je m'essouffle peu à peu. Mon coeur s'emballe, Victor et Isaac me dépassent bientôt d'une dizaine de mètres. J'ose un regard en arrière :

Lia et Ted détalent pour échapper à une poignée de silhouettes fantomatiques situées à quelques mètres derrière eux.
De son côté, Arta a bifurqué vers la gauche dans le dernier espoir de détourner l'attention des Ombres Errantes sur lui.

Mais c'est tout le contraire qui se produit. Les ombres arrivent droit sur nous, ne prêtant aucune attention à Arta.

C'est à ce moment-là que je trébuche violemment contre une racine. Je m'écroule sur le sol la tête la première.

Paniquée, j'ai du mal à me relever. Quand enfin j'y arrive, le souffle rauque des Ombres Errantes n'est plus qu'à deux mètres de moi. Lia parvient jusqu'à moi et me tire par la manche pour me prévenir de l'arrivée des silhouettes.

Je me remets à courir dans le chaos le plus total. Arta nous crie des conseils pour échapper aux ombres en les semant. Je n'arrive pas à l'entendre, car sa voix se mêle aux cris de Ted qui coure à mes côtés et aux sifflements incessants des Ombres Errantes.

Je n'en peux plus, j'ai l'impression que je vais perdre mes moyens dans quelques secondes. Dans un dernier élan, j'essaye de contourner un sapin par la droite.
Mauvaise idée.

Une Ombre Errante s'y trouve déjà.

Je hurle à pleins poumons tandis que je manque de foncer dans la silhouette. À la dernière seconde, je roule dans la mousse pour échapper à l'emprise de l'ombre.
Mon crâne cogne contre le tronc d'un sapin. Je ne sais plus où j'en suis.

Pendant une fraction de secondes, je crois que la perte de mon âme est inévitable, mais c'est avant d'entendre le hurlement terrible d'un de mes compagnons.
L'Ombre Errante se désintéresse de mon corps pour glisser vers sa nouvelle proie.

Je ne peux rien faire. Seulement voir.

En une seconde, le frôlement de l'Ombre Errante sur sa cheville lui est fatidique. Le corps de mon camarade ne bouge plus, sa bouche est ouverte.
Avec horreur, je vois alors un mince filet grisâtre sortir de ses lèvres entrouvertes. Le filet se met à grandir, son apparence prend peu à peu celle des Ombres Errantes qui l'entourent.

Le troupeau de silhouettes part alors dans la direction opposé à la nôtre, laissant derrière eux le corps sans vie de Ted.

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