Chapitre 5 : D'une réflexion personnelle à l'imagination

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J'échange un regard horrifié avec Victor. Il semble lui aussi complètement déboussolé par cette prophétie.

Un frisson me parcoure l'échine, tandis que je comprends peu à peu la raison de notre arrivée dans le monde de la Mort.

On nous a fait venir ici pour "revenir avec la connaissance du monde d'après"...

Mais qu'est ce que cela veut bien signifier ? Et quelle est donc cette mystérieuse porte pour revenir au monde des vivants ? Et qui est Arta ?

Toutes ces questions sans réponse...
Je vois que les autres adolescents se posent les mêmes questions que moi.

Brusquement, la lumière aveuglante est emportée vers l'horizon.
S'éloignant en direction du ciel blanc, le dieu de l'imagination disparait, et avec lui tous nos espoirs de réponse à nos autres questions.

Les villageois sans visage, eux, sont toujours là. Ils nous dévisagent de leurs yeux vitreux.

J'ai l'envie soudaine de m'enfuir, le plus loin possible de cet endroit. Je me retiens. Ça ne rimerait à rien.

- Qui est Arta ? demande alors Isaac à l'ensemble des villageois.

Les morts du village se déserrent lentement, afin de laisser passer l'un des leurs.

Un jeune homme de dix-huit ans tout au plus sort de l'assemblée qui nous encercle. Ses cheveux d'un noir de jais découpent son visage triangulaire. Il a l'air très faible, et ses yeux sans vie me font froid dans le dos.

- C'est moi, annonce-t-il. La prophétie m'a donnée l'ordre de vous aider. Je le ferai. À mes risques et périls.

J'étouffe un rire malgré moi : s'il est déjà mort, la phrase "à mes risques et périls" est totalement déplacée.
Il continue :

- Je vous accompagnerai dans votre périple à travers le monde d'Après, jusqu'à la porte du monde des vivants.

Un silence remplit le village.

- Quand devons-nous partir ? questionne Victor, pas très sûr de lui.

- Lorsque le noir aura pris place, fut la mystérieuse réponse d'une villageoise.

- Le noir ? Vous voulez dire...quand la nuit sera tombée ?

- Oui.

- Puisse le sort vous être favorable... siffle un vieux villageois, courbé contre une cane.

- Puisse le sort vous être favorable, répète le village à l'unisson, comme une phrase fétiche.

- Arta ?

Je m'approche du garçon mort destiné à nous aider. Il tourne son regard inerte vers moi.

- Oui ?

- Est-ce vraiment réel, tout ça ? Je veux dire...comment est-ce possible ?

Sa bouche sans lèvres forme un petit sourire :

- Tout est dans notre tête. Absolument tout. C'est plus complexe que tu le crois, la Mort. Certains scientifiques disent que la Mort, c'est comme quand on s'endort. On s'endort alors pour l'éternité. Ils oublient que l'on rêve, quand on dort. C'est très important, le rêve. Ce que nous vivons en ce moment n'est qu'un rêve éternel. Tout ici est l'objet de notre imagination. L'imagination de tous les Hommes du monde des vivants.

Je reste subjuguée par ce qu'il vient de dire :

- Alors...rien n'est réel ? Nous sommes en train de dormir éternellement ?

- Pas toi. Toi tu n'es pas morte. Tu peux encore sortir de ton sommeil éternel grâce à la porte du monde d'Après. Celle où nous allons.

J'insiste :

- Tout est dans notre tête ?! Ce n'est pas réel ?

- Qui te dit que tout ce qui est dans ta tête n'est pas réel ?

J'en reste bouche bée.
Je comprends alors que ce que je suis en train de vivre n'est pas du tout anodin.

Je suis en train de vivre l'expérience du sommeil éternel et de la Mort. Pourtant, je suis destinée à retourner dans le monde des vivants, pour expliquer à la nature humaine de mon époque ce qu'est la Mort.
Voilà notre destin.

C'est terrifiant.

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