Les Astres de Contrebas

Chapitre 3 - Silane Honestan (Partie 2)

Chapitre 3 - Partie 2

Automne, 18e jour de Tharès, 19 ans avant l'Achèvement

Silane Honestan

Voyant qu'Urick hochait la tête, la guérisseuse se plaça face à Kasha et lui souffla en plein visage l'intégralité de la poudre qui reposait au creux de sa main. Les yeux de la jeune femme s'ouvrirent presque instantanément, paniqués et tournant furieusement dans leurs orbites.

- Du calme, ma chérie, du calme, lui susurra Urick en lui caressant le cuir chevelu de ses doigts.

Ce fut au tour de Silane de prendre la parole :

- Kasha, ma belle, j'ai besoin que tu sois là, avec moi. Es-tu avec moi ?

Ce qu'elle entendit sembla calmer la jeune femme, car elle répondit d'une voix rauque et usée :

- Je ... Je suis là.

La pauvre transpirait à grosse gouttes.

- Très bien, ma belle. Ça y est, ton petit arrive, et je sais que tu vas nous le mettre au monde comme la championne que tu as toujours été. Je serai là pour t'aider, et Urick aussi. Silane posa alors les deux mains sur le ventre de sa patiente, puis reprit : sois prête à pousser de toutes tes forces quand je te le dirai, et à relâcher quand je t'en donnerai l'instruction. D'accord ?

Kasha gémit, puis cria franchement. L'intensité de sa souffrance ne faisait aucun doute. La contraction passée, le souffle court, elle lui répondit enfin :

- D'accord.

Et le travail commença, dans la douleur et le sang. Les deux mains sur le ventre de la future mère afin de mieux en sentir les contractions, Silane lui dispensa ainsi ses précieuses instructions, ordonnant régulièrement à Saule d'éponger le front de la mère à l'aide d'un linge humide. Urick encourageait son épouse, la soutenait tant qu'il le pouvait. Chacun de ses hurlements semblait lui arracher une part de son âme. Nul doute que s'il avait pu donner sa vie pour lui venir en aide, il l'aurait fait. Car Kasha était sa merveille, la femme qu'il aimait comme nulle autre et qu'il voulait à ses côtés jusqu'à ses vieux jours et au-delà. Mais de là où il était, nul doute qu'il remarquait la flaque de sang qui allait s'agrandissant sur la table, entre les jambes de Kasha. S'il affichait un masque d'angoisse à l'arrivée de Silane, il n'avait rien à voir avec l'expression de pur désespoir qui était à présent la sienne.

Mais en dépit de tous les efforts de la mère, l'enfant n'était toujours pas sorti. Silane allait devoir y mettre davantage du sien avant que le contrecoup de la poudre qu'elle avait employé ne se fasse sentir : une léthargie hors normes à la mesure de l'effort physique actuel de la mère et qui renverrait cette dernière dans un état d'inconscience bien plus profond qu'auparavant, avec toutes les conséquences que cela impliquait. Dix ans qu'elle n'avait pas usé de ses facultés... Respirant un grand coup, Silane prit sa décision : elle irait jusqu'au bout pour sauver son amie.

- Saule, prends un linge propre, l'un des plus grands. Ne le mouille pas, et poste-toi aux pieds de Kasha. Je vais forcer le bébé à venir. Ce sera à toi de le réceptionner. Coupe le cordon dès qu'il sera sorti et, surtout, tiens bien sa tête. Éloigne-toi d'elle dès que tu auras le petit dans tes bras. As-tu compris ?

Blanc comme un ligne et à bout de nerfs - jamais il n'avait été confronté à un carnage pareil - , Saule ne parvint pas à articuler de réponse cohérente. Il se contenta d'appliquer les consignes de Silane. Armé de son linge, un couteau à lame courbe à portée de main, il attendit, positionné entre les jambes de sa belle dame Kasha.