Chapitre 6 - Elannelle Com'Eldingen

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Chapitre 6

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Chapitre 6

Hiver, 31ième jour de Relès, 14 ans avant l'Achèvement

Elannelle Com'Eldingen

Mourir maintenant, sans regret.
Quitter Contrebas pour de bon et rejoindre sa mère qui, lui avait-on dit, siégeait au ciel en compagnie d'Ethène et Vorgane, de Sgöth et Algarn.

Certes, peut-être ne l'aurait-elle pas formulé de cette manière, du haut de ses cinq ans et de son mètre dix - qu'est-ce qu'elle en était fière, d'ailleurs, de ce mètre dix! - mais Elannelle y pensait si fort, avec une telle insistance et un tel ravissement qu'elle aurait juré s'être exprimée à voix haute en des termes qu'elle était bien en peine de comprendre.

Mais quand bien même aurait-elle souhaité -pour de vrai, cette fois, et avec des mots plus adaptés - partager le fond de sa pensée avec la foule qui l'entourait, elle ne l'aurait pas pu. Elle aurait d'ailleurs éprouvé bien des difficultés à formuler quoi ce soit, avec la petite dizaine de beignets à la pomme qu'elle avait enfournée dans sa bouche. De près comme de loin, les joues ainsi gonflées, elle avait tout d'un ganjin. Mêmes petits yeux malicieux qui en redemandaient encore, même visage rond, mêmes yeux noisette. Il ne manquait plus que le pelage gris fauve et les pattes griffues ; et l'illusion aurait été parfaite.

Le sucre s'était depuis longtemps dissout et la pâte encore chaude des beignets commençait tout juste à amollir. Un véritable bonheur. Elannelle était au septième ciel.

Mourir maintenant, sans regret, ne lui aurait aucunement posé problème.

- Chaule, donne m'en encoh', ch'il te plaît !

Le dénommé Chaule était des plus sceptiques. Encore un peu plus de sucre dans l'organisme de la fillette et elle ne dormirait pas pendant au moins deux jours ... Sans parler de ses joues distendues qui ne tarderaient pas à crier grâce.

- Pas question, El, c'est tout juste si tu as su faire rentrer le dernier ...

- Mais ch'ai réuchi ! Ch'ai réuchi !

La petite se faisait insistante et tentait tant bien que mal de se montrer ferme et sûre d'elle. Mais comment seulement espérer l'être dans une telle situation ? Chaule - Saule de son vrai nom - éclata d'un rire franc lorsque essayant de reprendre la parole, Elannelle laissa échapper un beignet baveux. La pâtisserie tombée au sol ne ressemblait plus à ce qu'elle était une minute plus tôt : une pâtisserie des plus appétissantes sortant tout juste de la friture. Fort heureusement pour elle, Ferrière était en fête en ce réveillon de la nouvelle année : les beignets et autres denrées ne manquaient donc pas. Peut-être serait-il même difficile de tout écouler.

Les fours s'étaient mis à chauffer tôt ce matin-là, bien avant qu'Algarn et Sgöth n'émergent timidement de l'obscurité. Dans chaque foyer quantités de tourtes, de plats en sauce ou encore de ragoûts avaient été préparés au beau milieu de la nuit. Débordant d'énergie, les enfants s'étaient vu confier comme chaque année la lourde tâche de déblayer la neige qui aurait entravé la progression des volontaires chargés d'installer tréteaux et tables aux abords de Heda. Il était évident que les enfants y avaient mis tout leur cœur et leur énergie, car les congères de neige glacée se succédaient à présent en une longue procession menant à la colline boisée et au couvert de ses arbres aux branches chargées de neige. Le sentier ainsi dégagé révélait une végétation herbeuse d'un vert profond, presque noir. Le contraste avec le blanc immaculé du manteau neigeux était saisissant. C'était cette trace qu'avait empruntée la presque totalité des villageois, certains chargés de plats et plateaux en tous genres, d'autres de couvertures épaisses ou de coussins généreusement remplumés.

Les Astres de ContrebasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant