Chapitre IX

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Josserand et Einold se confrontaient du regard depuis plusieurs minutes. Le jeune garçon était presque aussi grand que le vampire mais l'énergie que dégageait ce dernier le rendait totalement minuscule, pourtant, il ne laissait rien paraître, il n'avait pas peur. Josserand connaissait par cœur le caractère des plus méprisable du vampire, il savait qu'il ne devait pas se laisser faire.

- Je suis bien plus borné que toi, souffla Einold sans le lâcher des yeux.

- Qu'en sais-tu ? J'ai eu un bon professeur.

- Et tu ne changeras pas mes convictions en me fusillant de ton regard de biche, cher fils.

- J'ai un regard dur et plein de jugements.

- Qui essayes-tu de convaincre ? Ricana le vampire.

Josserand ne flancha pas.

- Personne. Je ne faisait qu'exposer les faits, Pomme, lui lança-t-il avec un sourire hypocrite.

Einold ne répondit pas, c'était un dialogue de sourds, les deux hommes avaient leurs opinions et ils n'accepteraient celle de leur adversaire. 

Comme une éclaircie lors d'un orage, Melisendre arriva doucement et regarde la scène avec un peu d'amusement et beaucoup de curiosité. Einold et Josserand ne lui accordèrent aucune attention.

- Qu'êtes-vous énergiques dès le matin ! Pourquoi tant de haine ? Demanda doucement Melisendre.

Einold et Josserand s'entendaient bien - surtout grâce à la personnalité docile et gentille du fils - mais quand les disputes arrivaient, le jeune garçon devenait comme la figure paternel qui l'avait élevé.

- Je veux qu'il arrête de manger des humains, grogna le garçon.

Melisendre pouffa un peu, elle pouvait comprendre les motivations de Josserand, même si sa fierté de sorcière la rendait au dessus des banals humains, il pouvait arriver que son coeur se serre un peu à la vue d'un pauvre enfant totalement vidé de son sang par sa création, Einold était impitoyable et n'avait aucun respect pour la vie d'autrui, mais c'est elle qui l'avait plus ou moins rendu comme ça, alors elle assumait. Elle savait aussi que dire qu'il était presque impossible de changer le régime alimentaire du vampire était un euphémisme, la sorcière avait essayé pendant des années et tout ce qu'elle avait obtenu était qu'Einold acceptait de se nourrir d'animaux autres que les Hommes. Mais bon, dans le fond, elle comprenait un peu le vampire, elle savait que le sang des humains étaient le meilleur, en buvant le sang de leurs victimes, les vampires se nourrissent en réalité de la vie de celles-ci, tout les sangs ont un goût différent car toutes les vies sont uniques. Les personnes les plus aisées dont la vie ne fut que simplicité auront un sang doux et sucré tandis que les personnes ayant vécues dans le péché et la souffrance auront un sang fort. Chaque vampires avaient leur préférence, Einold s'était une fois confié à Melisendre en lui avouant qu'il adorait par dessus tout, le sang des personnes pures et innocentes.

Le vampire remarqua la tête de Melisendre et sachant plus ou moins le fond de sa pensée,  rétorqua d'un ton presque désinvolte :

- Si même cette sorcière comprend que cette idée est saugrenue, il serait temps que tu le réalises aussi ! Donc écoute-moi, jeune porteur de la sage parole : je n'arrêterai pas de manger des humains pour tes beaux yeux ni quoique ce soit.

- Réalises-tu toutes les familles que tu as détruites juste pour un casse-croute ! Tout ces orphelins, ces veufs et veuves qui sont apparus par ta faute ?! Que se passerait-il si je venais à disparaître et que l'on retrouvait mon corps, égorger, quelques jours plus tard ?! S'énerva un peu plus Josserand.

Sous la colère, ces membres tremblaient presque. Il n'était pas bien épais et sa dense chevelure lui permettait bien de gagner quelques centimètres. Il était l'exacte opposé de son père, que ça soit sur un plan physique ou psychologique. L'un était le bien l'autre le mal, pourtant le vampire l'avait éduqué sans lui inculquer aucune valeur, il l'avait laissé grandir et s'épanouir sans lui bourrer le crâne, que ce soit les pensées religieuses des autres Hommes ou les siennes, qui ne tournait qu'autour de lui.

Einold n'avait pas répondis du tac au tac à Josserand, ils continuaient de se défier du regard. Dans le fond, le garçon avait un peu peur de la réponse de son cruel et égoïste père. Finalement, elle arriva.

- Je pense que j'aurais perdu la distraction que tu es, ça serait ennuyant mais bon.. tu finiras bien par disparaître alors que ça soit demain ou dans quelques années, pour moi, c'est du pareil au même.

Tout le corps de Josserand sembla s'affaisser, son regard auparavant dur et combatif perdit tous ces éclats à la fin de la réponse. C'était comme s'il admettait sa défaite, il abandonnait. Il regarda avec un peu espoir, peut-être qu'il avait dit ça sans vraiment le penser, juste pour, comme toujours, avoir le fin mot de l'histoire. Mais non, Einold n'avait pas l'attention d'ouvrir une nouvelle fois la bouche, même s'il avait remarquer le comportement du garçon, il ne comptait pas s'excuser, il l'avait un peu chercher quand même.

- Je.. je sors, souffla Josserand.

Il se retourna le plus doucement possible, espérant sentir la main froide de son père sur son épaule pour le tirer vers lui, et quand il commença à s'éloigner, et qu'Einold ne fit aucun mouvement, le cœur du garçon se fendit.

Il était rapidement sortit de la maison, s'enfonçant dans les bois qu'il connaissait par cœur à des lieux à la ronde. Il se rendait à la rivière, encore un peu gelée par endroit, l'hiver venait de se terminer. Josserand la longea un peu, est-ce que l'amour inconditionnel qu'il vouait à son père n'était pas réciproque ? N'éprouvait-il ne serait-ce qu'un semblant d'affection ? Toute sa vie, tous les gestes du vampire n'avaient été réalisés que pour satisfaire sa curiosité ? Il n'aimait pas cette idée, il la détestait même, et pourtant Einold avait parlé. Josserand souffla bruyamment, il ne voulait pas pleurer mais tout les signes avant-coureurs d'une éminente crise de larmes étaient présents, sa gorge se serrait, ces yeux le piquaient et son nez se boucha. Il ne voulait pas pleurer, il voulait se montrer aussi indifférent que Pomme à son égard. Mais il n'y arrivait pas, il l'aimait et à présent, il détestait ce sentiment pourtant toujours là, espérant de tout son cœur que Einold allait arriver et s'excuser pour ainsi permettre à leur vie de redevenir normale. Mais rien ne se passait, seul le bruit de l'eau troublait le silence qu'avait instaurer le garçon dont des larmes s'échappaient  et roulaient le long de ces joues rosées. Il repensa aux bons moments qu'il passait avec son père, dans ces moments, il se sentait vraiment privilégié car il était le seul qui s'entendait si bien avec lui, qui riait, tandis que tout les autres écourtaient leur discussion avec lui tant le vampire les énervait, mais pas lui, il s'amusait de la répartie du vampire, de ces tirades sur lui-même, de ces ronchonnements quand tout ne se passait pas comme il le voulait. C'était un mensonge, Josserand pensait connaître comme personne son père, mais c'était faux.

Il marchait depuis plusieurs minutes, ces pensées étaient parfois maussades, parfois incomplètes, tout lui revenait en tête mais à chaque fois, il pensait aux dernières paroles d'Einold et un goût amer s'emparait de sa bouche. Maintenant, il courait, ces poumons et sa trachée le faisaient souffrir mais il devait évacuer tous ces sentiments qu'il n'avait pas l'habitude de porter en lui, cette douleur et cette sensation d'être perdu, et fatalement, il glissa.

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Cou d'un soirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant