Chapitre 1

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Dès qu'il fut au sec, Florent Mothe regarda longuement à travers le plexiglas ruisselant les gouttes d'eau qui venaient s'écraser violemment sur le béton parisien. Il avait couru se réfugier dans ce café dès qu'il avait entendu les premiers clapotis rythmés de la pluie. L'averse avait éclatée d'un coup, imprévisible et le monde s'était mis à courir. Les parapluies tournoyaient dans les rues, formant une drôle de danse.

- Excusez-moi monsieur.

Tiré de ses rêveries, le brun sorti de l'entrée et s'installa à une table, sa grosse valise à roulette suivant derrière lui et son étui à guitare sur le dos. Il retira son blouson en cuir noir dégoulinant puis se passa une main dans ses cheveux humides. Il frissonna. Et pourtant il était heureux d'être ici, le froid imbibant ses vêtements et les cheveux ébouriffés.

La tournée de Mozart l'Opéra Rock le Concert symphonique débutait enfin, pour le bonheur de la troupe et de ses fans russes. Dix concerts de prévus sur deux semaines. Dans 3 heures il prenait un avion en direction de Moscou.
Florent sortit son téléphone portable de la poche de son jean juste après que le serveur lui ait servi une tasse de café fumant. Il composa rapidement un SMS qu'il envoya à Mélissa Mars afin de lui indiquer le lieu qui l'abritait, puis il entoura la tasse de ses doigts glacés, les réchauffants. C'est elle qui devait l'amener à l'aéroport avec sa voiture, lui évitant d'avoir à se traîner dans le métro avec ses affaires encombrantes.

Le chanteur prit une gorgée de café brûlant, mettant ses papilles au vif. Il n'eut pas temps de grimacer sous la douleur, un courant d'air s'engouffra dans la pièce et Mélissa était là, aussi trempée que lui lorsqu'il était arrivé. Elle lui fit une bise, sa joue mouillée rencontrant celle rugueuse de Florent dans un contact désagréable.

- Alors Flow, tu es prêt ? Lui demanda-t-elle en prenant place en face de lui, affichant son habituel sourire timide mais charmant.
- Évidement, j'ai vraiment hâte de faire notre premier concert avec l'orchestre symphonique, répondit l'homme. Et puis ça sera la première fois que je vais en Russie.
- On va découvrir un pays ! S'enchanta son amie. C'est juste dommage qu'on y soit pour le travail, on aura pas vraiment le temps de visiter. J'adore voir des monuments et des musées.
- Après notre tournée je pourrai te faire visiter le Canada si ça t'intéresse, j'ai prévu d'y retourner voir des amis, proposa Florent, amusé. Et je suis sûr que Mikele serait ravi de te faire visiter l'Italie.
- Probablement, approuva-t-elle, son sourire grandissant.

Ils discutèrent encore plusieurs minutes, leur échange amical et leurs voix douces se perdant dans le brouhaha du café maintenant bondé, puis ils prirent la direction de l'aéroport dans la voiture de la chanteuse.

Les gens allant et venant d'un pas rapide dans le grand aéroport d'Orly, des sacs sur le dos et ralentis par leurs valises contrastaient avec ceux à moitié endormis sur les banquettes ou le nez plongeant vers leur téléphones. Et il y avait la troupe de Mozart l'Opéra Rock, véritable anomalie devant la porte d'embarquement.
De grandes embrassades, des rires, des larmes même. C'était si bon d'être à nouveau réunis après tout ce temps. Il y avait tant de choses à se raconter. Bien qu'ils aient tout les six gardé contact, Florent n'avait pas vu Maeva, Solal et Diane depuis un moment.
Le temps d'embarquer arriva sans même qu'ils ne s'en rendent compte.

Dans l'avion, Florent était content d'être assis côté hublot, et encore plus d'être à côté de Mikelangelo. Ce dernier était inhabituellement silencieux et pour cause, il s'était endormi peu après le décollage. Le français remarqua que son ami s'était endormi tout en écrivant un tweet, créant un enchaînement de consonne sans aucun sens. Un sourire joueur aux lèvres, le plus jeune ne put s'empêcher de se pencher vers l'écran du portable de l'italien et de poster le tweet. Les fans de Mikelangelo allaient sans doute beaucoup s'amuser de ce message illogique.

N'arrivant pas à trouver le sommeil, Florent mit son casque sur ses oreilles et lança un film au hasard. Par chance l'intrigue était prenante, mais il n'arriva plus à se concentrer sur l'histoire lorsque que Mikelangelo endormit posa sa tête sur son épaule, s'appuyant contre lui. La situation était gênante et le brun hésita à réveiller le plus âgé. Mais la chaleur émanant du corps de l'artiste blond qui se déposait agréablement sur son bras droit lui fit vite oublier le côté gênant de la situation, la rendant même plaisante.
Florent retira doucement son casque audio, ferma les yeux et se laissa attirer par l'odeur fruitée du shampoing de son ami, enfouissant son nez dans ses cheveux ébouriffé.

C'est alors qu'il s'en rendit compte. D'à quel point il était comblé à l'idée de passer deux semaines à chanter avec cette énergumène. Leur profonde amitié était des plus étonnantes, étant donné qu'ils étaient tout les deux comme le jour et la nuit, de par leur caractère et façon d'être. La vivacité et le calme, la joie et la mélancolie, le piquant et la douceur, l'extravagance et la simplicité. Tant d'antonymes qui les séparaient et pourtant l'amitié les avait liés.

Derrière ses paupières closes, Florent revoyait leur première rencontre et sa réaction très "Salierienne", comme il aimait la décrire. Il se rappelait avoir d'abord détesté Mikelangelo l'excentrique, avec son style vestimentaire peu anodin fait de foulards et de bracelets, avec son regard profond entouré de maquillage, avec ses cheveux teintés de blond vif et cette coupe désordonnée. À ces yeux, cet italien faisait clairement tout pour se faire remarquer, ce qui avait le don de l'agacer.

Et pourtant, quand il se mit à jouer du piano et chanter devant lui, lui faisant découvrir Mikelangelo l'artiste pour la première fois, Florent fut assommé par son talent. Un vrai musicien, c'est à présent tout ce qu'il voyait en Mikelangelo. Il abandonna bien vite ses préjugés et l'homme blond se fit rapidement une place dans sa vie, qui prenait de plus en plus de place sans même qu'ils ne s'en rendent compte. Cela commençait même à l'effrayer un peu, de devenir dépendant. Car imaginer sa vie sans son ami lui était impossible, c'était trop dur maintenant qu'ils étaient si proches.

Il échappa un soupir qui se perdit dans la chevelure de Mikelangelo. Il était sur le point de rejoindre Morphée, lorsque que l'avion fut secoué par des turbulences. Florent entendit l'homme à côté de lui grommeler quelques mots en italien et il releva alors la tête, se redressant. Mikelangelo fit de même tout en s'excusant :

- Pardon Flow, tu aurais dû me réveiller pour que je me redresse, je ne t'en aurais pas voulu.
- Oh tu ne me dérangeais pas, Sophie faisait ça tout le temps, tenta de le rassurer Florent qui devinait son embarra.
- Raison de plus pour me réveiller si ta ex-copine faisait pareil, répondit l'Italien en rougissant, n'ayant pas du tout la réaction escomptée. Je suis désolé.

Florent pensa qu'il aurait mieux fait de se taire.
Heureusement Diane empêcha à la discussion de devenir des plus gênante lorsque sa tête dépassa du siège de devant, sa longue chevelure blonde ondulant par dessus l'écran qui diffusait toujours les images du film que Florent avait totalement oublié, et qu'elle s'extasia :

- Flow, Mikele, Vava, vous avez vu les nuages ? On dirait du coton !

Florent releva le cache de devant la vitre et fut ébloui par la bancheur du paysage lui piquant les yeux. Pas une si bonne idée que ça d'être si proche du hublot finalement. Mikelangelo rit légèrement à la comparaison de la chanteuse et à sa droite Maeva s'exclama :

- T'as raison ! C'est magnifique.

Florent dut attendre que ses yeux s'habituent à l'agression aveuglante avant de pouvoir partager l'enthousiasme des deux femmes. La vue avait vraiment quelque chose de cotonneux, doux et reposant. Maintenant que l'avion n'était plus agité, il avait l'impression de planer. La sensation était merveilleuse.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? Se demanda Mikelangelo en découvrant son dernier tweet. Regarde Flow !

Le chanteur éclata d'un rire mélodieux tout près de son oreille. Une sensation étrangère de plénitude l'envahi pendant les quelques secondes où résonna le rire cristallin, les yeux rivés sur le paysage blanc et bleu. Puis il tourna la tête vers Mikelangelo, perdu. Il ne savait pas s'il devait être heureux ou avoir peur de ce qu'il venait soudainement de comprendre, la réalisation frappant son esprit.

Florent était de nouveau amoureux.

De Paris à Saint-PétersbourgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant